Le Conseil constitutionnel se prononcera sur la validité des élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 !

Publié le 29 mai 2020

Le 26 mai le Conseil d’Etat a saisi le Conseil Constitutionnel d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) concernant l’article 19 de la loi d’urgence du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ! Cet article validait les résultats du 1er tour des municipales et renvoyait le second tour avant la fin juin 2020. Lors d’une contestation électorale du premier tour d’une élection municipale, un requérant a posé une QPC au Conseil d’Etat qui a décidé que la question était sérieuse et que les dispositions de l’article 19 pouvaient porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de sincérité du scrutin.

Le professeur Romain Rambaud, de l’Université de Grenoble-Apes, spécialiste du droit électoral analysait le 26 mai cette situation inédite sur « le blog du droit électoral », en voici l’introduction :

« Un scénario absolument incroyable ! Les rebondissements ne semblent donc jamais devoir cesser avec les élections municipales de 2020 ! Avec un sens incroyable du timing et du récit, alors même que de très nombreux conseils municipaux ont été installés et que de très nombreux maires ont d’ores et déjà été élus (les conseils municipaux ont jusqu’au 28 mai pour s’installer), alors que le décret de convocation des électeurs pour le second tour doit être adopté demain 27 mai en conseil des ministres conformément à la loi du 23 mars 2020, le Conseil d’Etat a décidé, ce mardi 26 mai, de transmettre une QPC portant sur l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 au Conseil constitutionnel.

Nous avions déjà évoqué cette hypothèse, ainsi que d’autres, dans un article précédent relatif aux QPC formées par l’association 50 millions d’électeurs. Cette transmission est saisissante car le Conseil d’Etat interprète avec une certaine souplesse les critères juridiques de renvoi de la QPC pour permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer sur les dispositions les plus importantes de l’article 19, validant le premier tour et organisant le report du second ! Il y a clairement une volonté de principe de permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer et de laisser à la juridiction constitutionnelle le dernier mot. Le Conseil constitutionnel ne peut être considéré désormais que comme une cour suprême tant le Conseil d’Etat facilite ici la transmission au Conseil constitutionnel. Sur ce point, il y a là l’affirmation d’une véritable politique jurisprudentielle.

Pour rappel, l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 entérine le premier tour des élections municipales et décide le report du second au plus tard au mois de juin. Dans son interview donnée au journal Le Figaro le 19 avril 2020, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, indiquait à la fin de celle-ci, à propos des problèmes constitutionnels potentiels posés par le report du second tour des élections municipales : « Comme il semble assez probable que le Conseil constitutionnel soit saisi de ces questions par la voie de la QPC, vous comprendrez que je ne puisse prendre position sur des débats qui devront être tranchés par le Conseil assemblée. Ce qui est certain, c’est que la situation est sans précédent dans notre histoire politique contemporaine. Des questions inédites se posent au regard, notamment, du principe d’égalité ou de l’exigence constitutionnelle de sincérité du scrutin que le Conseil constitutionnel déduit de l’article 3 de la Constitution. On voit donc l’intérêt que le Conseil constitutionnel puisse trancher définitivement les différentes questions soulevées par la loi déjà adoptée, ou les dispositions législatives qui viendront la compléter pour régler ces questions ». Il est donc très clair que le Conseil constitutionnel souhaitait que cette QPC lui soit transmise, mais la procédure de QPC est ainsi faite que c’est le Conseil d’Etat qui, dans son rôle de filtre, disposait du pouvoir sur le devenir de cette disposition. Le Conseil d’Etat vient d’y accéder, par une décision motivée a minima et permettant tous les possibilités à ce stade. »

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