Comment la justice administrative protège les administrations

Publié le 17 juillet 2020

Depuis des années il y a une évolution très nette de la jurisprudence concernant l’intérêt à agir des citoyens contre les décisions des administrations et notamment celles du gouvernement et aussi pour protéger les contrats administratifs contre les recours des tiers.

Maintenant il faut que le requérant ait un intérêt absolument vital pour que son intérêt à agir soit reconnu.

L’arrêt du Conseil d’Etat contre le recours de Raymond Avrillier concernant le fameux protocole d’accord sur les autoroutes est un modèle du genre. Ce protocole d’accord a été rendu public par décision du Conseil d’Etat suite à recours Avrillier qui a dû agir pendant 4 ans pour obtenir gain de cause contre Macron qui voulait le garder secret.
Désormais ce protocole d’accord est sur le site du ministère ici

Le 13 juillet le Conseil d’Etat considère que : « M. Avrillier se prévaut de sa qualité de contribuable local de la communauté de communes Grenoble Alpes Métropole et d’usager d’une des autoroutes concédées pour contester le protocole d’accord conclu le 9 août 2015 entre l’Etat et sept sociétés concessionnaires d’autoroutes. Toutefois il est manifeste que l’intéressé ne peut à ce titre être regardé comme un tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par les clauses de ce protocole. Dès lors, sa requête en annulation du protocole est entachée d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance et doit par suite être rejetée… »

 Conclusion, un usager des autoroutes n’a pas intérêt à agir contre un contrat qui va avoir pour conclusion une augmentation continue de tarifs ! Les sociétés gestionnaires des autoroutes n’ont pas de souci à se faire, le gouvernement est là pour défendre leurs intérêts.

Et sur les clauses règlementaires pour échapper à la demande de Raymond Avrillier, le Conseil d’Etat botte en touche considérant que le protocole n’est que préparatoire à des avenants tarifaires : «  le protocole doit sur ce point être regardé comme un acte préparatoire à des avenants tarifaires, avenants qui au demeurant sont intervenus le 31 juillet 2015 et ont été approuvés par des décrets n°s 2015-1044, 2015-1045 et 2015-1046 du 21 août 2015, publiés au Journal Officiel le 23 août 2015 et qui comportent les clauses tarifaires prévues par le protocole. Les clauses du protocole relatives aux tarifs sont dès lors, en tout état de cause, dépourvues de caractère réglementaire. »

Pourtant, tout lecteur attentif du protocole d’accord pourra vérifier qu’il a décidé de certaines augmentations tarifaires que l’on retrouve à l’identique dans les avenants autorisés par les décrets d’août 2015.

Par exemple pour l’A480, la compensation de la redevance domaniale (de 0,81%/0,21%/0,76% pour les années 2016 à 2018) ou la compensation du gel à titre exceptionnel des tarifs du 1er février 2015 de 0,26% chaque année sont définies page 11 du protocole d’accord et se retrouvent à l’identique dans le décret n° 2015-1044 du 21 août 2015 (article 25 de l’avenant).

Le protocole d’accord contenait donc des clauses décisionnaires sur les tarifs, le Conseil d’Etat a eu une lecture un peu rapide de la réalité des décisions actées le 9 avril 2015 par Macron alors ministre de l’économie et signé sans l’avoir lu par Ségolène Royal (voir l’article suivant sur les « révélateurs d’incompétences »). Le moyen soulevé par R. Avrillier, de l’incompétence des signataires de cet accord alors qu’il concerne des engagements fiscaux pris par Macron en l’absence de signature du ministre des finances et du ministre du budget, reste confirmé malgré l’aveuglement volontaire du Conseil de l’Etat, et ne sera jamais jugé.

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