Le projet Hercule, l’avenir d’EDF en question

Publié le 2 avril 2021

EDF veut continuer à développer une filière nucléaire, mais la société doit alors se lancer dans des investissements colossaux pour maintenir ses centrales et en lancer de nouvelles. Elle se trouve piégée par les règles européennes qui lui imposent une certaine concurrence dans la vente d’électricité. Pour respecter les règles européennes la loi a mis en place, jusqu’en 2025, un dispositif qui impose à EDF de vendre une partie importante (jusqu’à 100 TWh) de l’électricité produite par ses centrales nucléaires à ses concurrents, s’ils le lui demandent, à un tarif prédéfini de 42 euros/MWh qui est inchangé depuis 2012. C’est le fameux Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique).

Ce dispositif a des effets mortifères sur les finances d’EDF comme le montre l’article d’Alternatives Economiques du 22 mars :

« Les prix de marché sont cependant restés bas au début des années 2010, si bien que les concurrents de l’opérateur historique ont acheté le courant via le marché et non via ce mécanisme de l’Arenh, qui a donc très peu servi. Mais, à partir de 2017, les prix sont repartis à la hausse et ont dépassé le seuil de 42 euros/MWh, les concurrents se sont donc précipités sur ce dispositif. Celui-ci s’est avéré mortifère pour les finances d’EDF : quand les prix sont bas, EDF vend à tarif faible et quand ils remontent, l’énergéticien ne profite pas de la hausse puisque le prix est plafonné.

Les fournisseurs alternatifs représentant actuellement un peu plus d’un quart du marché, les volumes et sommes en jeu sont conséquents. D’autant plus que le total de la production nucléaire ayant un peu diminué du fait d’un accès non prioritaire au réseau, les 100 TWh représentant un quart des électrons sortis des centrales en 2010 en pèsent désormais près du tiers…

En effet, si l’objectif d’assainir ses finances se fait si pressant pour l’entreprise, c’est que celle-ci fait face à un mur d’investissements tout à fait considérable. Mais celui-ci est surtout la résultante du choix de l’entreprise de continuer à parier sur le nucléaire. Elle a d’ailleurs reçu fin février ce qu’elle espérait depuis longtemps : l’autorisation de prolonger ses centrales au-delà de 40 ans de fonctionnement.

Plus précisément, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a listé les conditions à remplir pour permettre à l’énergéticien de faire tourner une décennie de plus 32 de ces 56 réacteurs, ouvrant ainsi la voie à la prolongation du parc nucléaire français, qui fournit aujourd’hui les deux tiers des électrons. EDF croit dur comme fer à l’atome, et même si la loi le contraint à ce que le nucléaire ne représente plus que 50 % du mix électrique français en 2035, EDF fait tout pour continuer l’aventure.

Ce qui passe en premier lieu par la prolongation de la durée de vie de ses centrales. Mais cela demande un investissement très conséquent, avec le remplacement de certains équipements. Ces travaux, qu’on nomme le « grand carénage », s’étalent sur plus d’une décennie et l’entreprise les chiffre à 49,4 milliards d’euros sur la période 2014-2025…

Et le financement de l’EPR plombe aussi ses comptes : c’est pourquoi la direction EDF propose de scinder en deux la société, l’une dédiée exclusivement au nucléaire qui resterait publique et l’autre privée s’occuperait des activités rentables. C’est le système bien connu : « on privatise les profits et on socialise les pertes ». C’est pourquoi ce projet est combattu par les personnels d’EDF, de nombreux citoyens et des élus de tous bords politiques.

« Pour relancer le nucléaire malgré le boulet de sa dette, EDF a donc plus que jamais besoin du financement public. Les capitaux privés demandent en effet un taux de rémunération trop important, un coût du capital de 9 % ou 10 %, participant à rendre l’électricité nucléaire encore plus chère.

Les coûts de production de l’électricité nucléaire proviennent à plus de la moitié de l’amortissement dans le temps du coût de fabrication d’une centrale. C’est donc par une réduction de ce coût du capital que les énergéticiens ambitionnent de faire diminuer le prix du nucléaire. Ce dernier, en particulier celui des EPR, apparaît en effet de moins en moins compétitif par rapport aux énergies renouvelables. Seul un financement des Etats, qui offre des taux de rémunération du capital bien plus faible, peut le faire diminuer… 

« Les privatisations des anciens monopoles publics se font souvent par étapes, durant lesquelles les gouvernements jurent en général leurs grands dieux que tel n’est pas l’objectif poursuivi. Avec le projet Hercule, visant à réorganiser EDF, l’exécutif et la direction de l’entreprise répètent que l’énergéticien restera « un groupe public intégré », mais l’expérience fait douter de cette promesse. En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, l’avait promis pour Gaz de France (GDF) : « Il n’y aura pas de privatisation. » Moins de vingt ans plus tard, l’Etat ne contrôle plus que 23 % du capital de l’entreprise et le gouvernement actuel a même voté une loi pour l’autoriser à descendre encore en dessous. »

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