Moderna, l’argent public et les paradis fiscaux

Publié le 3 septembre 2021

Alternatives économiques indique qu’une enquête d’une ONG spécialisée sur l’activité des multinationales (SOMO), montre comment le laboratoire Moderna qui fournit l’un des vaccins contre le coronavirus s’est enrichi sur le dos des Etats et en pratiquant massivement l’évasion fiscale, alors que ses recherches ont été massivement financées par des fonds publics.

SOMO explique : « Un contrat divulgué entre Moderna et la Commission européenne indique que les bénéfices de la société en matière de vaccins finiront dans certains des pires paradis fiscaux du monde. Le contrat signé avec Moderna montre qu’elle a l’intention de recevoir un paiement pour ses livraisons de vaccins de l’UE à Bâle, en Suisse. En comptabilisant ses bénéfices dans cette juridiction à faible imposition, Moderna est susceptible de payer peu d’impôts sur les milliards d’euros qu’elle devrait tirer de la crise du coronavirus. En outre, Moderna détient un grand nombre de ses brevets dans l’État américain du Delaware, paradis fiscal, où les revenus des brevets sont exonérés d’impôt, ce qui offre à l’entreprise une possibilité supplémentaire d’éviter les impôts. Cela aggrave les problèmes de justice économique existants qui affligent l’industrie pharmaceutique, car la technologie de ces vaccins a été développée à l’aide de finances publiques et les prix auxquels les vaccins sont vendus aux gouvernements du monde entier permettent aux entreprises pharmaceutiques de réaliser des profits massifs.

Alternatives économiques poursuit :

« Replongeons-nous quelques instants dans la situation de l’entreprise de biotechnologies juste avant la pandémie. Elle a été fondée en 2010 afin de poursuivre des recherches sur la technique de l’ARN messager. Elle a réussi pour cela à réunir, au fil des ans, 1,5 milliard de capital privé, en premier lieu auprès de fonds d’investissements tels que Ballie Gifford, Vanguard ou BlackRock qui sont ses principaux actionnaires. S’y ajoutent 680 millions d’investissements récupérés à partir de collaborations. Tout cela pour rien : en 10 ans, l’entreprise n’a rien trouvé, rien vendu, rien gagné.

Merci l’argent public !

Puis le coronavirus s’est répandu dans le monde. Moderna s’est alors retrouvée sous la corne d’abondance : le gouvernement des Etats-Unis lui a octroyé 4,1 milliards de dollars pour la recherche, les essais cliniques et la production de vaccins, auxquels se sont ajoutés 900 000 dollars de la part de COVAX, l’initiative publique mondiale en faveur des pays pauvres.

Avec ces 5 milliards, bientôt complétés par les précommandes de l’Union européenne, Moderna a pu s’appuyer sur les deux innovations que représentent l’ARN messager et la protéine Spike, deux révolutions issues de la recherche publique américaine. Elle a alors développé un vaccin ARN messager, là encore avec l’appui, non seulement de l’argent mais aussi de la recherche publique américaine : le brevet Moderna est codétenu avec le gouvernement américain.

En recevant l’argent de ce dernier, l’entreprise s’était engagée à être transparente sur la part de ses investissements financée par l’argent public. Elle ne l’a pas fait. L’enquête de SOMO montre qu’il a été plus que prépondérant.

En recevant l’argent de COVAX, l’entreprise s’était également engagée à servir rapidement les pays pauvres et intermédiaires. Elle ne l’a pas fait. Il a fallu attendre mai 2021 pour qu’elle consente à livrer 34 millions de doses. C’est très peu comparé aux centaines de millions de doses qu’elle a vendues aux prix forts sur les marchés solvables de l’Europe et des Etats-Unis.

Mais le sens de l’innovation – fiscale – des dirigeants de l’entreprise ne s’arrête pas là. Comme on peut le voir dès la première page de la partie rendue publique des contrats de préachats de vaccins par l’Union Européenne, l’Europe négocie avec Moderna Switzerland GmbH. Cette filiale, créée en juin 2020 dans le canton de Bâle (Suisse), semble ne jouer aucun rôle ni dans la recherche, ni dans la production de vaccins. Elle est en revanche immatriculée dans le territoire classé par le Tax Justice Network comme le troisième le plus opaque au monde, et le cinquième le plus utilisé par les multinationales pour échapper aux impôts.

 En résumé, Moderna est une entreprise qui vend un produit financé par de l’argent public, revendu aux Etats au prix fort pour un profit qui, selon les estimations, devrait atteindre 8 à 10 milliards de dollars en 2021. Profits qui vont se retrouver en grande partie dans les paradis fiscaux… »

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