
La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé à un contrôle du département de l’Isère pour les exercices 2019 et suivants. Contribution à l’enquête « Se connecter : quel accès effectif au numérique dans les territoires ? », il constituera un chapitre du rapport public annuel 2026 des juridictions financières dont le thème est « L’action publique en faveur de la cohésion et de l’attractivité des territoires ».
Le département de l’Isère s’est saisi en 2011 de la compétence en matière de « réseaux de communication électronique » pour la partie de son territoire en carence d’initiative privée. Il a dans ce cadre porté lui-même un projet de réseau d’initiative publique (RIP) pour 466 communes iséroises (soit 92 % de son territoire), sans créer de structure spécifique à cette fin.
La mise à jour de son schéma directeur territorial de l’aménagement numérique, qui date de 2015, paraît aujourd’hui indispensable. Le président du conseil départemental s’est engagé à mettre à jour ce schéma pour tenir compte de l’avancée des déploiements en fibre optique sur le territoire et de la fermeture annoncée du réseau cuivre.
La partie déploiement du réseau très haut débit (THD) fixe est organisée selon deux modes de gestion : un premier réseau structurant de fibre optique déployé en maîtrise d’ouvrage publique, et un second réseau FttH (« fiber to the home » – réseau fibré à destination des particuliers) créé dans le cadre d’une délégation de service public confiée à un délégataire, la société Isère fibre – THD38, filiale d’XpFibre (groupe Altice – SFR).
L’exploitation de l’ensemble du réseau est également prévue par le contrat de délégation. La délégation comprend à la fois l’affermage du premier réseau construit par le département (montage dans lequel le délégataire « loue » le réseau pour l’exploiter) et la mise en concession du second réseau, construit par le délégataire (qui reviendra au département à l’issue de la délégation). In fine, le département demeure propriétaire de l’ensemble de l’infrastructure.
Le choix d’un double mode de gestion, entre maîtrise d’ouvrage publique et délégation de service public, semble pertinent pour améliorer la phase exploitation. Le département s’est à cet égard doté d’une direction spécifique pour la conduite du projet dont l’expertise s’est construite progressivement (notamment pour la partie maîtrise d’ouvrage publique). Elle apparait aujourd’hui suffisamment solide pour assurer un contrôle satisfaisant du déroulement de la phase exploitation de la délégation de service public. Les partenaires publics, notamment les établissements publics de coopération intercommunale, ont été associés par des conventions bilatérales.
Le RIP de l’Isère présente plusieurs particularités de conception qui améliorent sa résilience. Le contrat de délégation comporte une zone d’infrastructures de proximité qui permet de s’assurer de la complétude des déploiements initiaux, et que le délégataire assurera la densification dans cette zone.
Le déploiement du réseau THD, d’abord par une partie structurante, puis avec un réseau « FttH » très étendu, a néanmoins connu plusieurs aléas qui ont conduit au report de nombreuses dates de livraison. Ainsi, la détection de malfaçons majeures en 2020, à la suite des signalements de fournisseurs d’accès internet qui rencontraient des difficultés de raccordement, a donné lieu à un premier plan de reprises qui a fortement ralenti le déploiement, mais a permis d’améliorer la qualité de l’infrastructure. La totalité des 460 000 prises devrait ainsi être livrée fin 2025.
Avec la résorption progressive des réserves sur le réseau, la commercialisation peut se déployer et la délégation de service public entrer en phase d’exploitation. Pour le département, le contrôle de l’exploitation va donc devenir prioritaire.
Les relations avec le délégataire sont difficiles. En phase « conception », le département a été jusqu’à le menacer de déchéance et a infligé des pénalités fixées au plafond prévu par le contrat. En phase « exploitation », en l’absence de transmission des informations nécessaires au contrôle de la qualité de service, l’application des pénalités est plus complexe. Certaines sont tout de même appliquées, mais n’atteignent toutefois pas le plafond fixé contractuellement.
Le département travaille à optimiser les usages du réseau cofinancé par les collectivités locales. À ce stade, sont concernés la sécurité du territoire et les systèmes d’information des collectivités. Elles peuvent créer des groupements fermés d’utilisateurs en se servant d’une fibre noire (c’est-à-dire d’une fibre physique qu’elles peuvent utiliser en créant leur propre réseau au sein de l’infrastructure du réseau). Ces mesures peuvent améliorer l’action publique et être source d’économies pour les collectivités.
Une réflexion doit être menée pour établir des indicateurs pertinents afin de rendre compte des utilisations du réseau et de son impact sur l’attractivité et la cohésion du territoire. Ils permettront au département de mesurer les impacts du réseau d’initiative publique pour la population. Le président du conseil départemental s’est engagé à réaliser une évaluation de politique publique sur ce sujet.
Le coût de ce réseau a été de 515 M€. L’effort de financement public s’élève à 285 M€, soit 56 %. Le financement est partagé entre l’État, le département, la région les EPCI et l’Union européenne. Les 44 % restant sont financés par la DSP : les revenus générés par cette dernière sur la durée couvrent les investissements avancés par le délégataire. À l’issue du projet, le département devra augmenter sa participation, probablement aux alentours de 5 M€, pour boucler le plan de financement.
Recommandations
n° 1. : Mettre à jour le schéma directeur territorial d’aménagement numérique pour tenir compte des évolutions du réseau et développer les principes du volet « usages ».
n° 2. : Mettre en place des indicateurs partagés avec le délégataire pour mesurer les effets des raccordements en mode sous-traitant opérateurs commerciaux (STOC).
n° 3. : Achever l’élaboration du schéma de résilience du réseau.
n° 4. : Évaluer les résultats du déploiement de la fibre optique en mettant en place des indicateurs pour mesurer l’attractivité et la cohésion des territoires.
n° 5. : Reprendre les dépenses et les financements du réseau d’initiative publique (RIP) dans la programmation pluriannuelle d’investissement du département.
Mots-clefs : comptes, isère, numérique, services publics
