La gratuité des transports en commun est-elle possible ?

Publié le 6 mars 2015

AubagneDes organisations syndicales et politiques développent une campagne pour la gratuité des transports en commun dans l’agglomération. Une réunion-débat a fait salle comble à la Maison du Tourisme le 24 février. Ce n’est pas la seule demande de gratuité pour des services publics. Avec la montée de la crise sociale, il est naturel de rechercher des moyens d’alléger le coût de la vie ; de plus pour les transports en commun il y a des raisons de santé publique pour les privilégier par rapport à l’automobile à cause des conséquences de la pollution atmosphérique. Les usagers y sont évidemment favorables, mais est-ce possible à court terme ?

Depuis de longues années il y a la reconnaissance que l’eau potable, étant indispensable à la vie, (encore plus que les moyens de transport publics) devrait être considérée comme un bien commun de l’humanité et ne devrait pas pouvoir être transformée en marchandise et qu’à ce titre ce devrait être l’impôt qui finance ce service. Or pour l’instant, dans l’état de la législation française rendre le service de l’eau gratuit est impossible, car c’est un service public industriel et commercial et non un service public administratif comme celui des transports publics. Par contre il y a une petite possibilité de faire des tarifs sociaux pour le service de l’eau grâce à des possibilités d’expérimentation autorisées par « la loi Brottes ».

Pour ce qui concerne les transports publics, il n’y a aucune difficulté de principe de les rendre gratuits, il suffit de trouver qui va payer la part actuelle des usagers et au-delà puisqu’il faudra renforcer l’offre de transport vu son attractivité.

Rappel du financement du SMTC (encadré par la loi et ses statuts) :

  • Le versement transports représente 2% des salaires pour les entreprises de plus de 9 salariés implantées dans le périmètre du SMTC. Pour changer ce taux, il faut une loi. C’est la principale ressource (104 M€ pour 2015).
  • Les subventions de la Métro et du Conseil général (CGI) qui sont égales à 25,3 M€ pour 2015, égalité de montants imposée par les statuts actuels du SMTC. Le CGI ayant diminué unilatéralement (majorité PS-PC) sa subvention de 11,5 M€, cela impose donc à la Métro de suivre et de baisser à son tour de 11,5 M€, soit une baisse totale de 23 M€ ! Si la Métro ne le fait pas, elle court le risque d’être obligée d’avoir à financer un jour plus de la moitié de la dette du SMTC (presque 700 M€) au cas où le CGI sortirait du SMTC, ce qu’il a essayé de faire ; heureusement stoppé par le recours du SMTC au tribunal administratif.
    Cette diminution de 23 M€ des subventions met le SMTC dans une situation très difficile pour l’année 2015 et ne sera pas supportable longtemps.
    La Métro avait bien prévu à son budget la totalité de sa subvention, elle peut donc sans difficulté réinjecter les 11,5 M€. Par contre coté CGI revenir en arrière est possible, mais suppose de supprimer d’autres dépenses prévues dans le budget 2015.
  • Les versements des usagers (34 M€) à la SEMITAG qui diminuent d’autant la subvention d’équilibre du SMTC à la SEMITAG qui est de 84,4 M€ en 2015.

Actuellement, pour assurer la gratuité il faudrait trouver environ 57 M€ de recettes supplémentaires pour le SMTC : 34 M€ qu’apportent actuellement les usagers et 23 M€ pour compenser la baisse des subventions (Métro et CGI). Les économies issues de la gratuité (billetterie et abandon des contrôles) étant introduites dans le budget du SMTC (par une diminution de la subvention à la SEMITAG) pour augmenter l’offre de transport car la gratuité entrainera une augmentation forte de l’utilisation du réseau de transport.

A moyen terme, la meilleure solution serait que l’Etat subventionne les transports publics pour assurer la gratuité au nom de la solidarité nationale. Une autre solution serait d’augmenter un peu le versement transport. Pour l’instant, la loi bloque le taux du versement transport des entreprises à 2%, il suffirait de passer ce taux à 2,65 % pour retrouver les 34 M€ versés par les usagers.

Pour organiser la gratuité totale dans l’état actuel des choses, seul un changement des subventions de la Métro et du CGI serait possible dans le court terme. Il faudrait que chaque institution augmente de 28,5 M€ ses subventions au SMTC. Soit elles sont capables de tailler dans des dépenses non indispensables pour le faire, ce qui demande un vrai travail d’audit des budgets, soit elles peuvent examiner quelle serait l’augmentation nécessaire de leurs impôts locaux (ce qui n’est pas souhaitable car ils sont très injustes et ont atteint des niveaux très élevés). Il serait tout de même intéressant de faire une étude détaillée de l’impact d’une légère augmentation des taux des impôts locaux de la Métro et du CGI pour voir si les usagers des transports publics n’y gagneraient pas au final. Pour cela il faudrait avoir les montants des dépenses des ménages pour la SEMITAG suivant leurs ressources et examiner en parallèle le montant de leurs impôts locaux. Sachant que la taxe d’habitation est légèrement modulée en fonction des revenus.

La gratuité des transports en commun dans l’agglomération est certainement possible rapidement à condition d’examiner de très près les possibilités budgétaires de la Métro et du CGI. Attendre des changements dans la politique nationale tient plutôt de la déclamation vu les rapports de force politique qui se dessinent actuellement et l’incapacité du PS de sortir de la politique d’austérité en cours.

Le plus urgent est de faire revenir le conseil général sur sa diminution de 11,5 M€ de sa subvention au SMTC qui en a bien besoin pour faire fonctionner normalement le réseau, sinon il y aura une dégradation rapide du service, dégradation préjudiciable à tous, à l’environnement et à la santé. Le plus efficace à ce sujet est de remplacer la majorité sortante PS-PC par une nouvelle majorité de gauche et écologiste autour du Rassemblement des citoyens pour une Isère solidaire et écologique. Il faut exiger des candidates et candidats un engagement écrit sur le rétablissement de la subvention au SMTC prévue en 2015. Avec ce retour de la subvention à son niveau normal, la gratuité partielle pour les 18-25 ans pourrait être mise en route rapidement, en attendant d’aller plus loin.

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