Survol rapide du feuilleton de l’été grenoblois

Publié le 8 septembre 2010

Pour celles et ceux qui n’ont pas pu suivre les évènements de cet été à Grenoble, en voici un résumé à grands traits.

  • Dans la nuit du 15 au 16 juillet, deux braqueurs armés vident la caisse du casino d’Uriage ; ils sont pris en chasse jusqu’à la Villeneuve par la police, Karim Boudouda, l’un des deux malfaiteurs est abattu, au pied de son immeuble, galerie de l’Arlequin. Les nuits suivantes un groupe de jeunes a réagi violemment en caillassant deux trams et en mettant le feu à des dizaines de voitures stationnées dans la Villeneuve.
  • Le Gouvernement a organisé une réponse disproportionnée de la part des forces de police et de gendarmerie, notamment avec le survol plusieurs nuits de suite du quartier par un hélicoptère éclairant violemment l’intérieur des logements et empêchant les habitants de dormir. De plus le quartier a été bouclé plusieurs jours avec fouille corporelle aux entrées. Le tram a été arrêté, un service de bus a pris le relais en évitant de traverser le quartier. Lorsque le tram a été remis en circulation, il n’a fonctionné durant des semaines qu’à partir de 7 heures le matin pour s’interrompre à 20 h 00 le soir, ce qui a contribué à l’isolement du quartier.

  • Le maire a réitéré son ancienne demande « d’un Grenelle de la sécurité urbaine » réunissant les ministres intéressés, les élus à travers leurs associations et les préfets afin qu’une stratégie commune soit élaborée notamment en terme d’affectation de moyens. Cette demande va faire flop, n’étant pas adaptée face à l’offensive gouvernementale.
  • La réponse de Sarkozy est, comme à l’habitude et pour la nième fois, de déclarer sans la faire la guerre à la délinquance et de déployer un arsenal d’annonces médiatiques lourdes (limogeage de l’ancien préfet, déplacement présidentiel le 30 juillet à Grenoble pour installer le nouveau préfet-policier…) qui a pour résultat la stigmatisation du quartier de la Villeneuve en transformant ce qui s’est passé en affaire nationale de la première importance.
  • Le 30 juillet, N. Sarkozy débarque à Grenoble, le centre ville est complètement bouclé avec des tireurs d’élite sur les toits, les habitants du centre ville se demandent ce qui arrive. A l’Hôtel de Police, on l’apprendra plus tard, le maire est pris à partie par le Président de la République, mais il n’en dira rien. A la Préfecture c’est le discours inacceptable remettant en cause les fondements même de la République (tri des Français suivant leur origine, assimilation entre immigration et délinquance). Pas un élu présent ne protestera immédiatement ou se retirera. Au même moment 400 personnes, à l’appel d’associations de syndicats et de mouvements politiques, manifestent contre la venue de Sarkozy et sa politique tout-sécuritaire.
  • Il s’avère que dans sa stratégie de préparation des présidentielles, N. Sarkozy avait prévu une offensive sécuritaire à l’automne pour essayer de regagner des voix de l’extrême droite et redresser sa situation politique très mauvaise. Il a odieusement profité des évènements de la Villeneuve pour accélérer cette stratégie et, en même temps, tenter de faire oublier le feuilleton des affaires politico-financières (affaire Woerth-Bettencourt) dans lesquelles il trempe avec son gouvernement.
  • La droite locale UMP, avec la réapparition de Carignon (qui fait des piges chez Hortefeux), essaye de profiter de cette déferlante médiatique pour faire entendre sa voix en réclamant au maire plus de vidéosurveillance, plus de police municipale, plus de répression mais sans jamais s’interroger sur le pourquoi de cette situation et surtout sans questionner l’inefficacité des politiques gouvernementales depuis 8 ans menées par N. Sarkozy. Bien entendu elle ne propose rien en termes de prévention. L’ancien maire corrompu est intervenu dans les médias locaux, la veille du jour où, dans le plus grand secret, était lancée une opération d’interpellation dans le quartier de la Villeneuve, au moment où le ministre de l’intérieur se déplace pour annoncer la création d’un GIR «départemental». Cette opération a été un fiasco complet.
  • Le ministre Estrosi (qui bénéficie de deux logements de fonction à Paris), aidé par son homme de main F. de Sans Nicolas, demande que les maires, notamment M. Destot, qui n’en font pas assez pour la sécurité soient sanctionnés, ce qui fait réagir de nombreux élus de tous bords.
  • Durant tout l’été des visites de ministres se sont succédées pour maintenir une focalisation sur Grenoble et la Villeneuve, avec la palme à B. Hortefeux qui n’a pas arrêté ses allers-retours et ses parades locales avec les policiers ; avec la mise en place d’un GIR départemental (police, gendarmerie, douane et services fiscaux) qui devrait s’attaquer notamment à l’économie parallèle.
  • L’analyse du déroulement précis des évènements de cet été, avec notamment la réapparition du corrompu, spécialiste des coups tordus, démontre qu’il s’agit de la part de N. Sarkozy et du Gouvernement d’un coup monté pour essayer de regagner la confiance des électeurs et de faire de Grenoble un test national. Pour l’instant il ne semble pas que les résultats soient à la hauteur attendue.

Que va-t-il rester de toutes ces gesticulations ? Va-t-on enfin prendre les mesures efficaces pour améliorer la vie dans nos quartiers, ce qui demanderait un changement très profond de l’ensemble des politiques publiques à tous les niveaux à commencer par la politique municipale qui doit changer ses priorités rapidement ? Depuis de nombreuses années, la présence physique des agents publics de toutes administrations diminue jusqu’à disparaître dans les quartiers, tout doit être fait pour inverser cette tendance.

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