Organisation du service de l’eau à la Métro : une affaire complexe

Publié le 22 janvier 2016

eau-pureDepuis le 1er janvier 2015, c’est la Métro qui exerce la compétence de l’eau potable sur l’ensemble de son territoire et organise le service public correspondant. Auparavant il y avait 49 services municipaux dont les modes de gestion étaient différents. Maintenant la Métro à la compétence pour gérer l’ensemble du service (production, adduction, distribution) qu’elle a réparti en secteurs géographiques, ainsi que l’aval du cycle de l’eau par l’assainissement. La Métro a pris la décision d’organiser ce service sans augmenter les coûts de personnel dans le prix de l’eau en respectant le principe d’iso-organisation. Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire d’aller chercher ailleurs en embauchant de nouveaux personnels quand les compétences techniques et administratives existaient auparavant dans les services municipaux.

La Société Publique Locale (SPL) Eau de Grenoble, qui avait pris la suite en 2014 de la Régie Eau de Grenoble pour pouvoir intervenir au-delà de la commune de Grenoble, en liaison étroite avec la régie à autonomie financière (REP), constitue un outil public compétent, opérationnel sur l’ensemble des problématiques liées à l’eau potable, outil ayant démontré sa capacité à gérer avec beaucoup de professionnalisme ce service pour plus de deux cent mille usagers, abonnés domestiques ou en habitat collectif, commerçants, artisans et industriels. La SPL apporte à la Métro toutes les compétences nécessaires, en complément aux moyens issus de deux syndicats et de dix communes dont les personnels dédiés à l’eau potable ont intégré le service de la Métropole au cours de l’année 2015, dans le cadre du transfert de la compétence.

Le SIERG, syndicat intercommunal, assurait la production et l’adduction (eau de la Romanche) pour une grande partie de la région Grenobloise et sa SEM (SERGADI) la distribution dans cinq communes. La loi imposait que les communes membres du SIERG sur le territoire de la Métropole soient sorties du syndicat, cette disposition concernait 26 communes de son territoire au 1er janvier 2015. Le nouveau SIERG se limite maintenant à 7 communes (Allemond, Bernin, Crolles, Le Versoud, Oz en Oisans, Saint-Martin d’Uriage et Villard-Bonnot), et c’est la Métro qui a récupéré les champs captants de l’ancien SIERG (Jouchy et Pré-Grivel) et qui vend de l’eau en gros au nouveau SIERG.

La SPL de Grenoble, s’est transformée en SPL « Eaux de Grenoble Alpes » en fusionnant avec la SERGADI et c’est la Métro qui est majoritaire dans l’actionnariat de la nouvelle SPL.

Au 1er janvier 2015, la Métro a créé une régie à autonomie financière pour gérer le service métropolitain de l’eau potable, avec la création d’un budget annexe. La Régie a repris les personnels des communes et de deux syndicats qui s’occupaient de l’eau et depuis le 1/1/16, des personnels du SIERG, ainsi que les conventions liant la SPL à la ville de Grenoble et les délégations de service public pour certaines communes.

La Métro dispose donc de deux outils qu’il faut faire fonctionner au mieux pour assurer ce service public indispensable. C’est d’autant plus complexe que la SPL intervient en dehors du territoire de la Métro en ayant des communes extérieures comme actionnaires.

Sur le territoire de la Métro, la régie a l’obligation de remplir pleinement sa mission de service public en fixant les tarifs, établissant un programme pluriannuel, et en contrôlant l’ensemble de la chaîne du service public de l’eau. Par convention avec la Métro, la SPL agit sur environ la moitié du territoire pour le service de distribution et intervient pour une grande majorité de la production.

La régie a pris la maîtrise d’ouvrage des investissements de façon à mutualiser les travaux de l’eau potable avec ceux de l’assainissement, le cas échéant avec la voirie partout où il y a un intérêt commun.

L’articulation entre la régie et la SPL est complexe et exige une clarification sur l’organisation de l’ensemble du service à moyen et long terme.

A vouloir tout transformer trop rapidement certaines erreurs ont été commises.

Par exemple la régie aurait dû solliciter rapidement la SPL pour l’émission et le recouvrement des factures des usagers car elle était la seule à savoir gérer un grand nombre d’usagers. En conséquence de nombreux usagers n’ont pas été facturés durant plus d’un an ce qui entraine de lourdes pertes de trésorerie pour le service (environ 10 M€) et risque de générer des impayés plus importants que d’habitude. Ce retard regrettable est imputable en premier lieu à la déficience de la trésorerie publique qui était incapable de le faire par manque de moyens et qui rejetait de nombreuses propositions de factures. La régie a passé un contrat de délégation à la SPL pour la facturation et le recouvrement de toutes les communes (hors celles en délégation), soit environ 75 000 abonnés de plus, à partir du 1er janvier 2016. L’objectif assigné à la SPL sera d’ouvrir les modes de paiements variés (TIP, prélèvement mensuel, par carte bleue depuis le site web…) et d’absorber le léger surcout initial dû au contrat (le recouvrement par la Trésor Public n’était pas facturé) par une plus grande efficacité dans les recouvrements auprès des usagers solvables.

Il n’est pas sûr, dans la convention passée avec le nouveau SIERG, que le prix d’achat de l’eau à la Métro soit calculé en incluant toutes les charges. En effet en 2014, l’ancien SIERG vendait aux communes le m3 d’eau (hors redevance agence) 0,48 € HT/m3, le prix de vente au nouveau SIERG est seulement de 0,153 € HT/m3 (pour 2015). Or la Métro a repris 80 % des investissements de l’ancien SIERG, ce prix semble donc faible par rapport à la réalité du coût de la vente en gros et comme il s’agit environ de 6 millions de m3 chaque année, une erreur de 0,1 €/m3 représente un manque à gagner de 600 000 € pour la régie de la Métro. C’est presque le coût de l’accès social à l’eau qui vient d’être mise en place et qui est une mesure socialement positive. Il faudrait vérifier que ce tarif corresponde bien au service rendu, d’autant plus qu’il a été fixé pour 15 ans.

Dans la réorganisation du service, d’autres décisions de gestion sont prises avec des conséquences parfois mal estimées. Au lieu de mutualiser l’ensemble des compétences sans bouleverser ce qui marche bien, il y a parfois des décisions trop rapides alors que l’on ne connait pas le but exact poursuivi. L’organisation d’un tel service est complexe d’autant plus qu’il y a de nombreuses situations qu’il faut stabiliser, notamment la digestion de l’absorption de la SERGADI dans la SPL qui apporte un déficit qu’il faut réduire dans le temps et un mariage entre des personnels d’histoire différentes et de même dans la régie avec des personnels anciennement communaux ou venant du SIERG.

Une des questions délicates est la répartition des activités entre régie et SPL. En effet, les modes de gestion sont différents mais doivent être complémentaires et non pas en concurrence. Ce sont deux outils de la Métro qu’elle a la responsabilité de faire fonctionner en bonne intelligence. L’avantage de la SPL c’est allier la souplesse d’une structure de droit privé mais dont les actionnaires sont 100% publics (les deux tiers à la Métro) et la Métro peut lui passer des marchés sans mise en concurrence, ce qui simplifie grandement la gestion. Bien évidemment les coûts auxquels la SPL effectuerait ces marchés doivent être établis suite à un dialogue constructif et la gestion financière de la SPL doit être contrôlée par les services de la Métro qui disposent maintenant d’un service de gestion délégué mutualisé avec Grenoble, tout à fait en capacité d’opérer ces contrôles. Il serait particulièrement négatif de ne pas utiliser toutes les compétences qui existent à la SPL qui couvrent tous les domaines de la gestion d’un grand service de l’eau, il faut donc inventer des modes de coopération astucieux pour faire fonctionner la régie et la SPL afin que le service soit le mieux assuré. Or dans la précipitation des erreurs peuvent être commises qui conduiraient à une augmentation des tarifs par la création de doublons inutiles, qui déstabiliseraient des personnels qui ne sauraient plus quel est leur avenir ou qui mettrait en déficit la SPL pour équilibrer le budget de la régie ou inversement.

Il faut donc mettre en place un service où cohabitent ces deux structures en précisant très clairement où la Métro veut aller dans l’organisation de ce service. La meilleure solution, notamment la plus économe pour l’usager, c’est qu’à terme la régie s’occupe de financer tous les investissements lourds (sites de production, canalisations…), en s’entourant (par convention) pour leur réalisation de la compétence des équipes de la SPL qui assurent déjà et depuis des années des prestations pour des communes dont Grenoble, Sassenage Varces. Il n’y a aucune urgence à vouloir déstructurer des services existants, la recomposition de l’ensemble du service prendra plusieurs années, en étudiant les meilleures solutions dans le détail, sans précipitation, en collaboration avec les personnels. Il en va de la préservation du patrimoine public et du maintien de tarifs aussi justes que possible.

La régie a la responsabilité de la stratégie et du fonctionnement global du service et principalement des tarifs et des investissements, la SPL peut s’occuper de la gestion quotidienne du service et de la relation avec les usagers de la Métro et pour des communes extérieures à la Métro à travers des délégations de service public. Ainsi la SPL n’aura pas besoin d’un autofinancement sur des investissements autres que ceux directement liés à l’exploitation, donc doit avoir une gestion évitant de payer des impôts sur les sociétés d’où une économie pour les usagers du service. Pour ce faire, il n’est pas utile de vouloir déplacer ou de muter des personnels, il suffit de passer des conventions qui permettent, selon les missions ou secteurs, aux personnels de la SPL de travailler pour la régie et inversement des personnels de la régie de travailler pour la SPL. L’évolution des fonctions du personnel doit se faire lentement sans bousculer les équilibres fragiles et sans relâcher les efforts d’investissements qui étaient faits notamment sur les sites de production afin de conserver la qualité de la ressource (eau de qualité naturellement pure) acquise par une longue histoire et expertise plus que centenaire d’investissement public. Il sera toujours temps d’opérer des transferts de personnel plus tard lorsque tout sera clarifié et rodé.

Il serait positif d’organiser des réunions communes des deux comités des usagers, celui de la régie et celui de la SPL et de mettre sur la table un budget du service de l’eau consolidé précisant ce que fait la régie et ce qui est confié à la SPL, afin que les élus, les services et les usagers puissent suivre la mise en place, dans de bonnes conditions, de ce grand service public essentiel.  Le directeur de la régie assiste maintenant aux conseils d’administration de la SPL. Il serait bienvenu que le directeur de la SPL soit autorisé à assister à une partie des travaux du conseil d’exploitation de la régie afin de bien croiser les informations et resserrer les liens indispensables entre les 2 structures.

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