La « clause Molière », illégale suivant le gouvernement

Publié le 19 mai 2017

Une circulaire interministérielle du 27 avril aux préfets vient en renfort de nombreux élus et citoyens qui protestaient contre des décisions prises par certaines collectivités (dont la Région Auvergne Rhône Alpes) pour imposer la clause dite « Molière » dans les concessions ou les marchés publics. Cette clause cherche à imposer l’obligation de parler ou de comprendre le français à l’égard des ressortissants de l’Union européenne, des étrangers qui ne s’installent pas durablement en France, ainsi que des salariés détachés. Ce type de cause est discriminatoire et contraire au code du travail.

A noter qu’un décret vient de paraître qui renforce la lutte contre le travail détaché illégal en modifiant le code du travail et dont l’application entre en vigueur le 1er juillet 2017. Le maitre d’ouvrage ou le donneur d’ordre devra notamment, avant le début de chaque détachement sur le territoire national, demander au sous-traitant ou à l’entreprise de travail temporaire établis à l’étranger, une copie de la déclaration de détachement. Le décret renforce les pouvoirs de sanction du préfet.

La circulaire rappelle à propos de la clause Molière :

« L’article L. 5221-3 du code du travail dispose: « L’étranger qui souhaite entrer en France en vue d’y exercer une profession salariée et qui manifeste la volonté de s’y installer durablement atteste d’une connaissance suffisante de la langue française sanctionnée par une validation des acquis de l’expérience ou s’engage à l’acquérir après son installation en France », A ce titre, l’article L. 5221-1 du même code précise que ces dispositions sont applicables, sous réserve de celles des traités, conventions ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés et publiés, et notamment des traités instituant les communautés européennes ainsi que de celles des actes des autorités de ces communautés pris pour l’application de ces traités.

Il ressort de ces dispositions que le code du travail n’impose pas l’obligation de parler ou de comprendre le français à l’égard des ressortissants de l’Union européenne, des étrangers qui ne s’installent pas durablement en France, ainsi que des salariés détachés…

L’article L. 1262-4-5 du code du travail prévoit au contraire que sur les grands chantiers du bâtiment (ceux qui sont assujettis à l’obligation de mettre en place un collège inter-entreprise de santé et de sécurité au travail), le maître d’ouvrage porte à la connaissance des salariés détachés, par voie d’affichage sur les lieux de travail, les informations sur la réglementation qui leur est applicable. Ces informations doivent être facilement accessibles et traduites dans l’une des langues officielles parlées dans chacun des Etats d’appartenance des salariés détachés.

Les collectivités qui adoptent de telles délibérations vont par conséquent au-delà de ce que le législateur a prévu. En tout état de cause, les dispositions du code du travail s’imposent aux entreprises, sans qu’il appartienne aux stipulations du marché public ou du contrat de concession de les confirmer

Au regard des règles applicables à la commande publique, imposer de façon systématique la maîtrise de la langue française pour l’exécution d’un marché public ou d’un contrat de concession constitue une violation du principe de non-discrimination qui gouverne la passation desdits contrats, qu’une telle obligation figure dans une délibération ou dans les clauses contractuelles. Les actes obligeant les entreprises à respecter de telles conditions présentent un caractère discriminatoire et portent une atteinte non justifiée au principe d’égal accès à la commande publique. Par ailleurs, de telles délibérations pourraient caractériser un détournement de pouvoir si le but avéré de ces actes était d’accorder la priorité aux entreprises locales ou d’exclure des travailleurs étrangers et non la bonne exécution du marché public ou du contrat de concession… » 

La circulaire conclut : « Au total, les « clauses » précédemment décrites sont illégales et vous les traiterez comme telles, qu’il s’agisse de délibérations prévoyant de tels dispositifs ou de marchés publics ou contrats de concession contenant ces clauses. »

Pour lire la circulaire, cliquez ici.


Décret n° 2017-825 du 5 mai 2017 relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales.

« Le décret renforce les obligations des maîtres d’ouvrages et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à une prestation de services internationale. Il détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la responsabilité du maître d’ouvrage sur toute sa chaîne de sous-traitance en matière de respect de l’obligation de déclaration préalable du détachement par son sous-traitant établi à l’étranger. Il précise les modalités de la déclaration par le maître d’ouvrage d’un accident du travail d’un salarié détaché, ainsi que les modalités de l’obligation d’affichage sur les chantiers mise à la charge du maître d’ouvrage. Il détermine les modalités selon lesquelles l’entreprise utilisatrice établie à l’étranger déclare avoir informé l’entreprise de travail temporaire également établie à l’étranger du détachement en France d’un ou plusieurs salariés de cette dernière.
Le décret détaille également les conditions selon lesquelles est mise en œuvre la suspension de la prestation de services en cas de non-déclaration de détachement. Il précise les modalités d’application de la sanction de cessation d’activité d’une entreprise sur un chantier autre que celui sur lequel l’infraction a été commise.
Il détermine les caractéristiques du document d’information devant être remis au salarié détaché en même temps que sa carte d’identification professionnelle dans le BTP, ainsi que les informations devant figurer sur les déclarations préalables de détachement.
Enfin, dans le secteur des transports, le décret apporte plusieurs précisions et adaptations quant aux formalités et obligations applicables dans le cadre du détachement de salariés. »

Pour lire le décret, cliquez ici.

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