La loi de programmation des finances publiques, validée par le Conseil Constitutionnel

Publié le 26 janvier 2018

Des sénateurs et des députés avaient sollicité le Conseil constitutionnel estimant que la loi de programmation de finances publiques pour 2018-2022 mettait en cause l’autonomie financière et la libre administration des collectivités territoriales en les obligeant à encadrer leurs dépenses de fonctionnement.

Le 18 janvier 2018, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision qui valide l’ensemble de la loi de programmation (voir plus loin). On sait donc maintenant quelles sont les contraintes qui vont peser sur les collectivités et les conséquences sur les stratégies financières.

Pour la première fois, cette loi de programmation décrit dans le détail des contraintes qui devraient s’appliquer sur l’ensemble des budgets principal et annexes pour les années 2018 à 2022 pour les collectivités locales :

Première contrainte : les dépenses de fonctionnement ne doivent pas évoluer plus vite que 1,2% par an. Soit à peine l’inflation. Conséquence il y a nécessité à avoir une gestion rigoureuse des dépenses de fonctionnement puisque la dépense la plus importante est celle des charges de personnel qui évoluent plus vite que l’inflation. Sauf à vouloir augmenter les taux des impôts locaux (ce qui n’est pas acceptable, notamment à Grenoble). Cette contrainte sera très forte et des punitions arriveront si elle n’est pas suivie.

Deuxième contrainte : les collectivités doivent diminuer leur endettement chaque année de 2,6 milliards d’euros (environ 1%) afin d’atteindre 13 milliards de diminution de la dette en 2022. Si elle est appliquée, ce serait une contrainte très lourde pour Grenoble et la Métro car elle briderait leurs dépenses d’investissement, ce qui est mauvais pour l’emploi et pour les services publics qui ont besoin d’investissement pour faire des économies de fonctionnement. Pour Grenoble ce pourrait être 3 M€ par an. Si elle n’est pas suivie, cette contrainte empêchera la collectivité d’avoir certaines dotations aux investissements.

Troisième contrainte : qui ne pèsera que sur le budget principal, la capacité de désendettement (rapport entre le stock de la dette et l’épargne brute), moyennée sur les trois derniers exercices écoulés ne devra pas dépasser 12 ans pour Grenoble et la Métro. Mais il ne faudra pas tenir compte pour le calcul de l’épargne brute de la cession d’actifs. Cette 3ème contrainte doit s’inscrire dans le contrat que la collectivité va passer avec l’Etat ; elle ne devrait pas poser de trop gros problèmes à la Métro et à Grenoble qui a redressé sa situation financière. Mais elle oblige à avoir une épargne brute qui ne baisse pas et donc une politique rigoureuse en fonctionnement.

Une dernière contrainte à prendre en compte : le total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales restera constant chaque année entre 2018 et 2022, c’est à dire que l’inflation ne sera pas compensée. Les recettes des collectivités seront donc très contraintes si elles ne veulent pas augmenter les taux de la fiscalité locale.

Il faudra attendre de voir ce que l’Etat va mettre dans les contrats qu’il proposera à la ville et à la Métro (en juin 2018) pour juger des trajectoires financières qui y seront décrites. Seules les collectivités qui ont plus de 60 M€ de dépenses de fonctionnement du budget principal se verront proposées ce contrat. Elles ne seront pas obligées de l’accepter mais si elles ne suivent pas les orientations de la loi, elles seront plus lourdement punies si elles n’ont pas signé le contrat.

La loi de programmation indique (article 29) : « les contrats déterminent sur le périmètre du budget principal de la collectivité ou de l’établissement :

1° Un objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement ;

2° Un objectif d’amélioration du besoin de financement ;

3° Et, pour les collectivités et les établissements dont la capacité de désendettement dépasse en 2016 (12 années) … une trajectoire d’amélioration de la capacité de désendettement. »

Voici le communiqué du Conseil Constitutionnel du 18 janvier 2018.

Décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018 – Loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Par sa décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, dont il avait été saisi par deux recours, l’un émanant de plus de soixante députés et l’autre de plus de soixante sénateurs.

Les requérants contestaient l’article 29 de la loi instituant un mécanisme d’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Celui-ci repose en particulier sur la conclusion par certaines collectivités de contrats avec l’État visant à consolider leur capacité d’autofinancement et à organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public, au cours de la période de 2018 à 2020. Ces contrats fixent à chaque collectivité un objectif d’évolution de ses dépenses de fonctionnement, défini par référence à un objectif national. Si l’exécution budgétaire ne respecte pas cet objectif, l’État procède à une « reprise financière », c’est-à-dire à un prélèvement sur les recettes de la collectivité, dont le montant est fonction du dépassement constaté.

Après avoir écarté les critiques des requérants portant sur la procédure d’adoption de cet article, le Conseil constitutionnel a examiné le grief fondé sur la méconnaissance de la libre administration et de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c’est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d’intérêt général, qu’elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu’elles n’entravent pas leur libre administration et qu’elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée.

En l’espèce, il juge, d’une part, qu’en instituant un mécanisme contraignant d’encadrement des dépenses réelles de fonctionnement de certaines collectivités territoriales, le législateur a entendu mettre en œuvre « l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » figurant à l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel relève, d’autre part, que l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement est défini en fonction du taux national de progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales constaté entre 2014 et 2017, égal à 1,2 %. En outre, le mécanisme contesté par les requérants est adapté pour tenir compte des contraintes particulières pesant sur certaines collectivités. Il peut ainsi être tenu compte de l’évolution de la population, du nombre de logements, ainsi que du potentiel fiscal par habitant de la collectivité. Chaque collectivité peut demander la conclusion d’un avenant, qui est susceptible de permettre la prise en compte des conséquences des évolutions législatives ou règlementaires affectant le niveau de ses dépenses de fonctionnement. Le mécanisme de reprise financière, dont le montant est plafonné à 2 % des recettes de fonctionnement de la collectivité, ne s’applique qu’à l’issue d’une procédure contradictoire avec le représentant de l’État, qui est tenu de prendre en compte, sous le contrôle éventuel du juge administratif, plusieurs éléments susceptibles d’affecter la comparaison du niveau des dépenses de fonctionnement de l’année en cause avec celui des exercices précédents.

Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n’a pas porté à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte d’une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Pour consulter la décision du Conseil constitutionnel, cliquez ici.

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