La qualité de l’évaluation environnementale se dégrade

Publié le 5 avril 2019

L’évaluation environnementale est un processus global et ample comprenant l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’une évaluation des incidences sur l’environnement (étude d’impact dans de nombreux cas), la réalisation de consultations (enquête publique notamment) ainsi que l’examen par l’autorité décisionnaire des informations contenues dans l’étude d’impact, mais aussi recueillies dans le cadre des consultations et également provenant du maître d’ouvrage. Exigées par le droit européen, les autorités environnementales veillent à ce que ces évaluations soient correctement faites.

Le 26 mars les bilans d’activités ont été présentés par l’Autorité environnementale (Ae) et les 19 Missions régionales d’autorité environnementales (MRAe). Ces autorités estiment que l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets se dégrade notamment en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions de l’air, par le bruit, l’artificialisation des sols… qui sont insuffisamment prises en compte.

Il y a deux rapports : celui de l’Ae (rapport annuel 2018 de l’Autorité environnementale) et celui des MRAe intitulé : « L’Ae et les MRAe : une communauté d’Autorités environnementales. Synthèse annuelle 2018 »

Dans ce dernier, il est précisé : « Contrairement aux années précédentes, une majorité de MRAe ont été contraintes de ne pas rendre d’avis sur des dossiers à enjeu ou à ne pas pouvoir en débattre collégialement, compte tenu du nombre de nouveaux dossiers à prendre en charge et les DREAL n’étant pas en mesure de pouvoir leur soumettre des projets d’avis par manque de moyen ou de temps ; alors que les avis pour les plans/programmes sont préparés par des agents dont l’évaluation environnementale est le métier principal, certains avis sur des projets n’ont pas pu être préparés selon les mêmes modalités. Ainsi, les conditions fixées par le Conseil d’État lors de la mise en place des MRAe (autorité fonctionnelle des présidents de MRAe sur les agents qui contribuent à cette mission) n’ont pas pu être pleinement respectées. »

On ne peut s’empêcher de relever que le Président de la formation de l’Autorité environnementale qui écrit cette phrase a dû penser à ce qui s’est notamment passé lors de l’enquête publique sur le projet INSPIRA en Isère dans lequel c’est le service instructeur de la DREAL qui a irrégulièrement rédigé le projet d’avis de la MRAe.

Rappelons à cet égard que la MRAe avait même tenu à féliciter et à remercier le service instructeur pour son projet d’avis qu’elle signera de son nom : « Tout d’abord, bravo et merci pour ce projet d’avis dont la très grande qualité est remarquée et saluée par tous les membres de la MRAe qui en ont été destinataires. Votre production, bien dans l’esprit d’une démarche d’évaluation environnementale, témoigne en outre d’une grande expertise et connaissance du dossier ». Et la DREAL de répondre tout naturellement : « Je vous remercie pour vos compliments que j’ai fait suivre ainsi que vos questions, au rédacteur du document, M. X, en charge de l’instruction de ce dossier au titre de la police de l’eau ».

Voir notre article à ce sujet ici.

Dans le rapport d’activité 2018 de l’Ae : « Les avis de l’Ae soulèvent régulièrement la question de la cohérence des projets présentés avec les grandes orientations des politiques environnementales, en matière de consommation d’espaces naturels (notamment les zones humides) ou agricoles, de fractionnement des territoires ou d’ambition climatique (recours aux énergies fossiles, faible contribution à la « neutralité carbone »). Le plus souvent, et de nouveau en 2018, le court terme s’impose au long terme : de tels projets, susceptibles d’accentuer les déséquilibres environnementaux de façon irréversible, alourdissent l’héritage d’une époque où ces risques majeurs n’étaient pas connus et le changement climatique moins clairement perçu.

Se manifestent des tentations fortes de faire évoluer l’interprétation de l’utilité publique et de l’intérêt général, de bousculer certains processus garants de la protection des tiers et d’une complète information du public et de réduire la place de la démocratie environnementale, y compris au risque d’une fragilisation de la décision publique et d’un dialogue encore plus complexe entre les parties prenantes. C’est pourquoi l’Ae se montrera particulièrement attentive à l’évolution du cadre d’exercice de l’évaluation environnementale et au fonctionnement indépendant des autorités environnementales. ».

On ne peut s’empêcher ici de faire le lien avec la radiation de Gabriel Ullmann de la liste des commissaires-enquêteurs de l’Isère, à la demande du préfet de l’Isère, à la suite de l’avis défavorable de la commission d’enquête qu’il présidait sur le projet Inspira.

A ce sujet, lire l’article très complet sur Bastamag : « la crise de l’enquête publique, révélateur d’une démocratie locale à l’agonie face à la toute-puissance des préfets : Un commissaire enquêteur isérois, Gabriel Ullmann, a osé rendre un avis défavorable sur un projet industriel local, problématique pour l’environnement. Le projet est cependant validé par le préfet. Le commissaire enquêteur est, lui, purement et simplement radié de la fonction. Entachés de conflits d’intérêts, ces faits révèlent aussi un mal plus profond : de lourdes menaces pèsent sur le devenir de l’enquête publique, critiquée pour ses lacunes mais affaiblie par des réformes récentes. Au-delà, c’est le droit de l’environnement et la démocratie participative locale qui sont en péril…

Les entraves à la démocratie participative se multiplient depuis plusieurs années, la régression du droit de l’environnement s’amplifie en même temps que s’épanchent les discours contraires. La situation est devenue telle qu’on assiste même ainsi à un dévoiement de l’autorité environnementale en région, censée informer en toute objectivité et indépendance le public. Jamais n’ont été aussi fortes les menaces sur les enquêtes publiques et sur la démocratie locale à laquelle elles participent activement.

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