Autoroutes, l’Etat laisse des superprofits aux concessionnaires privés

Publié le 26 avril 2019

La Cour des Comptes a transmis au gouvernement le 23 janvier 2019 un référé concernant la gestion financière des autoroutes concédées à trois grands groupes privés. Les ministres de l’économie et des transports avaient deux mois pour y répondre, ce n’est que le 4 avril 2019 que Mme Bourne et M. De Rugy y ont répondu, mais sans vouloir changer grand-chose et estimant que tout allait globalement bien. Or on peut s’interroger par exemple sur l’A480 dont le coût réel des travaux semble inférieur aux compensations obtenues par AREA.

La Cour des comptes rappelle l’historique des demandes des concessionnaires ces dernières années :

« Par trois fois au cours des dix dernières années, l’État a accepté, à la demande des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), une modification de leurs cahiers des charges afin qu’elles réalisent, moyennant une compensation adéquate, des travaux qui n’étaient en principe pas prévus dans la convention de concession. Ce fut d’abord le cas avec le « paquet vert », élaboré en 2008 à la suite du Grenelle de l’environnement et signé en 2010, qui contenait un ensemble de travaux autoroutiers à vocation environnementale, pour environ un milliard d’euros. À partir de 2011, ont été élaborées les premières propositions relatives à un plan de relance autoroutier qui s’est concrétisé par la modification des cahiers des charges des sociétés concessionnaires en août 2015 et dont la réalisation devrait s’achever en 2024. D’un montant total de quelque trois milliards d’euros, il couvre principalement des élargissements de sections, des reconfigurations d’échangeurs, des travaux sur des ouvrages d’art et des aménagements environnementaux. Enfin, en septembre 2016, soit à peine plus d’un an après la signature des décrets mettant en œuvre le PRA, ont commencé des discussions en vue d’un nouveau plan d’investissement autoroutier dit « PIA ». Celui-ci prévoit pour environ 700 M€ de travaux, essentiellement des améliorations environnementales et des créations d’échangeurs. Une partie du coût est prise en charge par les collectivités territoriales desservies. »

La Cour des Comptes signale que les pouvoirs publics « sont souvent apparus en position de faiblesse » dans les négociations. Elle constate que parfois les concessionnaires se font rembourser deux fois certains investissements par l’augmentation de la durée de concession et/ou des tarifs.

A propos de l’allongement de la durée des concessions la Cour explique que « la succession rapide et régulière de plans financés par cette formule, dont les sociétés concessionnaires semblent particulièrement désireuses, comporte l’inconvénient de repousser sans cesse, par des allongements à répétition, la remise en concurrence des concessions. »

Et de rajouter : « Par ailleurs, dans une logique de relance de l’économie, les plans autoroutiers comprennent de plus en plus des « enveloppes » financières correspondant à une catégorie générique de travaux, dont la consistance exacte n’est précisée que postérieurement à la modification du cahier des charges. On court ainsi le risque d’y inscrire des investissements dont le caractère prioritaire n’est pas avéré, et d’accentuer une forme de surinvestissement sur le réseau concédé qui contraste avec le sous-investissement constaté sur le réseau non concédé…

La Cour formule donc les recommandations suivantes :

Recommandation n° 1 : élaborer une doctrine sur le champ des opérations compensables (recommandation réitérée), en particulier en précisant par décret en Conseil d’État, après avis de l’ARAFER, les critères de nécessité et d’utilité prévus par l’article L. 122-4 du code de la voirie routière ;

Recommandation n° 2 : objectiver les hypothèses économiques fondant les compensations accordées aux sociétés concessionnaires d’autoroutes pour l’exécution de travaux non prévus par leur convention de concession en en confiant la détermination à un organisme expert indépendant ;

Recommandation n° 3 : compléter le décret n° 2007-777 du 10 mai 20075 portant application de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière pour qu’il précise, conformément à la loi, le dispositif de modération des péages, de réduction de la durée des concessions ou d’une combinaison des deux, devant s’appliquer lorsque les revenus des péages ou les résultats financiers des SCA excèdent les prévisions initiales. »

Le texte du référé de la cour des Comptes ici.
La réponse des ministres au référé .

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