Le Conseil constitutionnel décide que l’environnement fait partie du « patrimoine commun des êtres humains »

Publié le 7 février 2020

Quelle hiérarchie opérer entre la défense de l’environnement et le respect de la liberté d’entreprendre ? Cette dernière est garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui fait partie de la constitution. Le 31 janvier suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil Constitutionnel (CC) décide que l’environnement fait partie du « patrimoine commun des êtres humains », en s’appuyant sur la Charte de l’environnement qui est de valeur constitutionnelle de même que l’objectif de protection de la santé, issu du Préambule de la Constitution de 1946.

Par sa décision n°2019-823 QPC du 31 janvier le CC a validé l’interdiction, à compter de 2022, de la production, du stockage et de la circulation de « produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement » au sens du règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009. Les entreprises de produits phytopharmaceutiques français se sont attaquées à cette disposition, au nom de la liberté d’entreprendre. La décision du CC a pour conséquence que les pesticides fabriqués en France, mais interdits par l’Union européenne, ne pourront plus être exportés quelle que soit leur destination.

Extraits de la décision du CC :

3. La liberté d’entreprendre découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

4. Aux termes du préambule de la Charte de l’environnement : « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel … l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains… la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation … afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Il en découle que la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle.

5. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il en découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

6. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation des objectifs précités avec l’exercice de la liberté d’entreprendre. À ce titre, le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l’environnement à l’étranger.

7. En vertu du règlement du 21 octobre 2009 mentionné ci-dessus, des produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché européen que si les substances actives qu’ils contiennent ont été approuvées par les instances compétentes de l’Union européenne. Une telle approbation est notamment refusée aux substances qui ont des effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou des effets inacceptables sur l’environnement.

8. Les dispositions contestées interdisent la production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées, en raison de tels effets, par l’Union européenne. Elles font ainsi obstacle non seulement à la vente de tels produits en France mais aussi à leur exportation.

9. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les atteintes à la santé humaine et à l’environnement susceptibles de résulter de la diffusion des substances actives contenues dans les produits en cause, dont la nocivité a été constatée dans le cadre de la procédure prévue par le règlement du 21 octobre 2009. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances, les dispositions ainsi prises par le législateur.

10. En faisant ainsi obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement et quand bien même, en dehors de l’Union européenne, la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d’être autorisées, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis.

Pour accéder à la décision complète du Conseil Constitutionnel, cliquer ici.

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