Après le 10 juillet, l’état d’urgence une fausse sortie

Publié le 26 juin 2020

Le projet de loi sur la sortie de l’état d’urgence qui est discuté au Parlement ne prévoit pas l’abandon total des mesures exceptionnelles prises ces derniers mois : au risque de glisser progressivement vers un mode de gouvernement par l’exception. De nombreuses voix s’élèvent contre ce projet de loi. Un groupe d’associations, de syndicats, d’universitaires et d’avocat·es, membres du réseau de veille sur l’état d’urgence sanitaire, souhaitent alerter sur la dangerosité de ce projet, au regard des atteintes aux droits et libertés qu’il comporte :

« La notion impropre de « fin d’état d’urgence sanitaire » Le projet de loi « organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire » est un véritable trompe-l’œil : contrairement à ce qu’annonce le titre, son objet est bel et bien de prolonger l’état d’urgence sanitaire pendant une période de quatre mois. Il n’existe pas dans notre ordonnancement juridique de notion de « fin d’état d’urgence sanitaire». Un état d’urgence est déclaré si les « conditions exceptionnelles » définies par la loi sont réunies puis levé si elles ne le sont plus (article L. 3131-12 CSP et article L. 3131-14 CSP). Une sortie d’état d’urgence ne s’organise pas, ne s’aménage pas, ne se décline pas : il se lève dans sa totalité pour mettre fin à l’exception. Ce brouillage inédit des frontières est inacceptable. L’exception doit demeurer l’exception, et le droit commun, la règle. Avec ce nouveau projet de loi, le gouvernement maintient l’état d’urgence dans sa substance, tout en consentant à sortir formellement du cadre de la loi du 23 mars 2020. Il insère dans le droit commun un régime d’exception qui ne dit pas son nom, pour une durée de quatre mois minimum et potentiellement indéterminée. Rien n’indique en effet que ce délai ne sera pas prolongé en novembre 2020. Une telle contorsion juridique met en lumière une contradiction inacceptable : le gouvernement estime que le maintien de pouvoirs exorbitants est nécessaire, alors que les conditions d’un état d’urgence sanitaire ne sont plus réunies. »

De même la Ligue des droits de l’Homme tire le signal d’alarme :

« Une sortie en trompe-l’œil de l’état d’urgence

Le projet de loi n’est pas, contrairement à ce qu’il postule, destiné à « organiser la fin » de l’état d’urgence mais plus exactement à prolonger celui-ci sous une autre forme. En effet, la loi du 11 mai 2020 a prorogé le régime d’exception jusqu’au 10 juillet 2020. A cette date, l’état d’urgence prendra juridiquement fin. Par conséquent, ce projet entend bien prolonger, sans justification sanitaire pertinente, certaines dispositions exceptionnelles au-delà de cette date pour une nouvelle durée de quatre mois, jusqu’au 10 novembre 2020. Le Parlement ne peut cautionner un tel détournement de pouvoir et de procédure ni continuer à déléguer ses compétences au pouvoir exécutif.

En outre, en violation des principes constitutionnels d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et de sécurité juridique, ce projet crée un troisième régime juridique en matière de menace ou de crise sanitaires. En effet, la législation qui découlerait du projet s’ajouterait à celle du droit commun (au demeurant suffisante en l’état actuel de la situation sanitaire) figurant déjà dans le Code de la santé publique (articles L.3131-1 à L.3131-11) et à celle découlant de la loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire insérée aussi dans ledit Code (articles L.3131-12 à L.3131-20 qui, selon les dispositions de l’article 7 de cette loi, peuvent être appliqués, en cas de nécessité, jusqu’au 1er avril 2021). »

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