Cette question mérite d’être posée pour le mandat qui débute au vu d’une délibération votée lors du dernier conseil de métropole du mandat achevé le 19 juin.
En effet la Métro a décidé de verser 3 M € de subvention à l’installation d’un centre de Recherche et Développement en intelligence artificielle d’ATOS à Echirolles, avec un investissement total de 30,4 M€ dont 7,2 retenus par la Metro comme assiette de subvention en accompagnant une aide de la région, prise sur le FEDER, de 4 M€.
Cette délibération était présentée en juin 2020 pour valider la convention finale et boucler un projet déjà engagé et arbitré en fait en septembre 2019. En ultime session de fin de mandat et en mode « covid19 » il s’est avéré impossible de la mettre sérieusement en débat.
Pourtant la lecture de la convention posait une série de questions politiques dont il faut souhaiter que la future majorité de la métropole de Grenoble débatte au fond avant de faire bouger ses lignes directrices dans la politique d’aide à l’économie :
- Est-il légitime qu’une collectivité publique finance par une subvention à fonds perdus une multinationale de la taille d’ATOS, géant du numérique qui pèse 110 000 salariés dans le monde entier avec 12, 2 Mds de CA et 630 M€ de bénéfices en 2018 ? La concurrence exercée entre collectivités locales d’accueil pèse lourd dans la balance certes… (un site en Ile-de-France était en concurrence). Mais un soutien en avance remboursable aurait permis à la collectivité de ne pas faire un cadeau sans réelles contreparties.
- Depuis la loi NOTRE de 2015 le régime légal des aides à l’économie a été précisé, toujours dans un cadre de concurrence « libre et non faussée »… En gros les aides publiques aux entreprises supérieures à 200k€ sur 3 ans sont interdites, sauf exceptions : création d’entreprise, entreprises en difficulté, et R&D. A partir de 5M€ il faut une autorisation de Bruxelles, même pour les exceptions. ATOS a reçu les aides au titre de la R&D et doit prouver qu’elles n’ont pas servi à financer l’activité économique normale de l’entreprise. Donc toute contrepartie qui relèverait de l’activité économique normale est interdite car elle fausserait la nature de l’aide qui ne doit pas concerner l’activité économique. Mais pour une entreprise de haute technologie du numérique comme ATOS la R et D ne relève t’elle pas des conditions strictement indispensables à son activité économique ? Qui ne devraient donc pas être financées sur fonds publics des collectivités locales, alors que l’État finance déjà par ailleurs par divers moyens la R et D (Crédit Impôt Recherche, CICE…).
En tous cas inutile de chercher des contreparties dans la convention, ATOS ne s’est engagé en fait qu’à rester 3 ans sur place…1 M €/an c’est bien cher payé pour une opération dont on ne sait pas si elle va créer un seul emploi local (il est fort possible pour ATOS de relocaliser ici un centre fermé en Ile-de-France) ! Voilà le chapitre concerné de la convention :
- ATOS
s’engage :
- à réaliser l’opération (…),
- à veiller, le cas échéant, à la bonne exploitation industrielle et commerciale des résultats des travaux ;
- à respecter le caractère coopératif de l’opération ;
- à maintenir son activité sur le périmètre de la Métropole pendant la totalité de la durée du projet et 3 ans après sa fin ;
- à privilégier le choix de la métropole grenobloise pour tout projet de développement.
Comme chacun peut le lire les « engagements » 2, 3 et 5 ne veulent rien dire tant ils sont vagues.
A minima un système quadripartite (Etat, collectivités, syndicats et personnes qualifiées) d’évaluation de l’efficacité des aides économiques ainsi mobilisées sur notre territoire devrait être construit à l’exemple de ce qui avait été tenté à la région Rhône-Alpes de 2010 à 2015 avec l’instance SUEVAL (Suivi et Evaluation des Aides). Il permet au moins d’auditionner de façon contradictoire les parties concernées (syndicats, entreprises, communes…). Ce système n’était pas parfait, mais il est améliorable car ses limites avaient été pointées par les élus EELV.
Vu l’axe des recherches de ce centre en « Intelligence Artificielle », et la sensibilité des questions que posent ces recherches, souvent à visée « sécuritaires » ou avec des impacts socio-économiques et/ou culturels énormes, avec un risque majeur d’accélération de la destruction massive d’emplois tertiaires par la numérisation généralisée, était-il pertinent de soutenir ATOS là, alors que la convention ne dit rien sur la nature exacet des R et D qui y seront menées ?
Bref les élu-es de la métropole fraichement installé-es ont là des pistes de réflexion et d’actions à enclencher pour rompre avec le « monde d’avant » et avancer vers une métropole plus écologiste, solidaire et démocratique !
Mots-clefs : économie, métropole, public-privé, subventions