Que s’est-il passé à la métropole avant et après le 17 juillet ?

Publié le 28 août 2020

De nombreux articles de presse se sont étendus sur l’après-midi et la soirée du 17 juillet qui a vu l’élection de Ch. Ferrari grâce aux voix de la droite, de LREM et de l’extrême-droite en fin de soirée après de longues suspensions de séances et décrivant les éclats et les postures des différents acteurs. Mais en rester à ce niveau ne permet pas de comprendre la réalité de ce qui s’est passé, car la situation de blocage qui s’est déroulée le 17 juillet a été précisément préparée les semaines précédentes. Alors que les élus métropolitains avaient, de par la loi, environ 5 semaines depuis le deuxième tour des municipales du 28 juin pour préparer la mise en place de la majorité, rien n’a été fait par Ch. Ferrari pour préparer politiquement ce conseil métropolitain en tenant compte des résultats des élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020.

Au contraire s’est développé dans les médias, un chantage au blocage de l’institution si un élu grenoblois était élu à la présidence et une campagne particulièrement nauséabonde a consisté en attaques publiques contre Yann Mongaburu (notamment celle de Y. Ollivier, ancien vice-président de la Métro), ce qui a choqué de nombreux anciens élus et responsables métropolitains, notamment des membres du groupe ADIS, dit des petites communes.

Le 17 juillet à 14 h à Alpexpo, le conseil métropolitain devait installer l’exécutif, le bureau de la Métro et désigner les représentants de la métropole dans tous les organismes : régies, SPL, SEMOP, SEM, établissements publics et associations diverses. Les élections du président et des vice-présidents doivent se faire obligatoirement à bulletin secret et vu la situation qui prévalait depuis des semaines (une majorité politique fracturée), il était prévisible que chaque vote pour les élections de l’exécutif se fassent à trois tours, ce qui aurait pris de longues heures même sans suspension de séance. Le choix délibéré de décider d’une heure tardive pour débuter le conseil, de choisir une date limite imposée par la loi pour tenir ce conseil (3 semaines après le deuxième tour le 28 juin) démontre qu’il y avait une volonté de la part du président sortant de se faire réélire seul avec des voix de LREM (En Marche), de la droite (dont le corrompu et ses affidés)et de reporter en septembre la suite des décisions programmées à l’ordre du jour et de gérer durant l’été la métropole avec l’aide de huit conseillers délégués pour le seconder. Le président a signé les arrêtés de délégation le 24 juillet 2020.

D’ailleurs le Conseil de Métro aurait pu se poursuivre dès le 24 juillet puisqu’une option avait été prise en accord avec la ville de Grenoble qui avait accepté (exceptionnellement) de décaler son conseil municipal au samedi 25 juillet. Mais cette solution n’a pas été préparée par Ch. Ferrari, ce qui prouve qu’il ne voulait pas organiser l’élection des vice-présidents après son élection le 17 juillet, car il lui aurait fallu encore une fois compter sur les voix de LREM et de la droite pour faire élire ses proches, ce qui devenait politiquement impossible en révélant le marché organisé pour son élection.

La loi a permis aux EPCI (dont les métropoles) d’avoir plus de temps pour préparer leur conseil d’installation (au moins quatre semaines) que pour les communes. Ainsi que le rappelle le gouvernement en réponse à la question d’un sénateur : « Je vous confirme ainsi que, après le prochain renouvellement général des conseils municipaux et communautaires de mars 2020, le président, les vice-présidents et les autres membres du bureau d’un EPCI à fiscalité propre seront élus lors de la même réunion du conseil communautaire.

J’attire votre attention sur le fait que la disposition prévoyant que, « après le renouvellement général des conseils municipaux, l’organe délibérant se réunit au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l’élection des maires » demeure au sein de l’article L. 5211-6 du CGCT.

Cette disposition permet de laisser un temps d’échange aux élus des conseils communautaires pour procéder à l’élection de leurs exécutifs.

Dès lors, en prévoyant un délai de près de cinq semaines entre l’élection des conseillers communautaires et l’élection de leurs président, vice-présidents et membres du bureau, le législateur a reconnu la nécessité, pour les EPCI à fiscalité propre, de bénéficier d’un temps plus long pour constituer leurs exécutifs.

Par comparaison, l’article L. 2121-7 du CGCT ne laisse qu’une semaine aux conseils municipaux pour procéder à l’élection des maires et des adjoints. »

Contrairement aux demandes répétée des groupes Métropole En Transition et du groupe communiste de réunir les groupes correspondants à l’ancienne majorité pour discuter du nouveau projet et de l’exécutif de la métropole, C. Ferrari – sachant qu’il était devenu minoritaire dans cette majorité – a refusé une telle préparation et le 10 juillet il a convoqué le conseil du 17 sans que les groupes de l’ancienne majorité de gauche écologiste et citoyenne qui représentait presque 90 conseillers sur les 119 n’ait pu se réunir pour préparer cette nouvelle mise en route et décider d’un candidat à la présidence. Juste avant le 3ème tour qui allait voir le candidat de droite se retirer pour que Ferrari puisse être élu, ce dernier a réaffirmé qu’il n’acceptait pas de se plier à la règle collective de la majorité à quatre groupes comme elle l’avait été depuis mars 2014.

Le jour même où il signe la convocation au conseil du 17 juillet, C. Ferrari donne une interview au Dauphiné Libéré où il explique qu’il y aura blocage si c’est un élu grenoblois qui est élu. C’était un appel au-delà des clivages politiques pour qu’il soit élu avec les voix de la droite, d’En Marche et de tous les opposants à la majorité grenobloise.

Devant ces faits qui démontrent une stratégie bien assumée, l’ADES a décidé d’en appeler à la justice administrative pour contester les décisions prises le 17 juillet et le 24 juillet.

Le 21 juillet, un recours a été déposé par Vincent Comparat et Pierre Mériaux, en tant qu’électeurs, contestant l’élection du président de la Métro dans les conditions rappelées ci-dessus qui entachaient la sincérité du scrutin du 17 juillet ; de plus la loi oblige à élire dans le même conseil le président et les vice-présidents. La seule élection d’un président sans vice-président n’est pas conforme à la loi.

Le 25 juillet, les mêmes militants de l’ADES, en tant que contribuables et usagers des services de la Métro, déposaient un recours et un référé suspension contre la désignation des 8 conseillers délégués car la loi interdit cette désignation tant qu’il n’y a pas de vice-président. Le même jour ils écrivaient au préfet de l’Isère pour lui demander de déférer les arrêtés de délégation au tribunal administratif. Le 31 juillet, le Préfet a fait un recours gracieux auprès de la métropole pour lui demander de retirer ces délégations qu’il estime lui aussi illégales.

Le 4 août le président du tribunal administratif rejette par simple ordonnance le recours contre l’élection de C. Ferrari, estimant qu’aucun des moyens d’illégalité avancés n’était pertinent, utilisant ainsi un dispositif prévu pour éviter l’engorgement des tribunaux par des recours fantaisistes. Et pourtant ce recours est très sérieusement motivé et l’importance du sujet, le blocage d’une métropole de 450 000 habitants, mérite un examen sérieux au fond ! Et il n’y a pas de jurisprudence car aucun président d’EPCI n’a osé aller aussi loin que C Ferrari à ce jour dans l’organisation du blocage de son institution….

Le 13 août le tribunal administratif rejette le référé suspension concernant les délégations au motif que les contribuables et usagers n’auraient pas intérêt à agir contre ces désignations. Cette interprétation très restrictive de la jurisprudence empêche les citoyens de la métropole de contester des actes du président ou des délibérations qui pourtant ont des conséquences sur la vie quotidienne des habitants de la métropole. Cela pose donc un sérieux problème démocratique.

Le Préfet, de son coté, devant le refus, le 6 août, de la métropole de retirer les délégations a déféré le 13 août ces arrêtés au tribunal administratif. Le Préfet, ayant lui toujours intérêt à agir, le tribunal sera donc obligé de traiter la question de la légalité de ces délégations. Vu la clarté de la loi qui interdit de nommer des conseillers délégués s’il n’y a pas de vice-président, nous espérons que cette fois des magistrats traiteront le dossier au fond en annulant ou en suspendant ces délégations.

Maintenant, il devient urgent que les conseillers métropolitains qui se réclament d’une majorité de gauche, écologiste et citoyenne reviennent au fond du sujet, à savoir quel projet politique de gauche et écologiste porter pour la métropole et se réunissent rapidement pour préparer en profondeur le prochain conseil métropolitain qui se tiendra le 18 septembre sans qu’aucune question ne soit taboue, notamment la question de la démission du président puisque le 18 septembre il ne serait pas possible d’élire des vice-présidents sans élire un président…

Il faudrait tout d’abord que les groupes politiques soient constitués et rendus publics, ce qui n’est toujours pas le cas.

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