La réforme de la fiscalité locale en question

Publié le 6 novembre 2020

Les compensations financières qui seront allouées aux communes à partir de 2021 dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale posent plusieurs questions. Dans une étude, l’Institut des politiques publiques (IPP), s’interroge sur la viabilité des ajustements qui seront réalisés entre les communes surcompensées et les autres.

L’Institut des politiques publiques a été créé par l’Ecole d’Economie de Paris (PSE) et travaille dans le cadre d’un partenariat scientifique avec le Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (GENES). Il vise à promouvoir l’analyse et l’évaluation quantitatives des politiques publiques.

Il vient d’éditer un rapport intitulé « Suppression de la taxe d’habitation et réallocation de la fiscalité locale » qui vise à évaluer la réforme de la fiscalité locale accompagnant la suppression de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales. Cette suppression représente une perte de recettes fiscales de 21,6 milliards d’euros pour les communes et intercommunalités. La loi prévoit de compenser les communes de cette perte en leur transférant le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des départements. En cas de surcompensation ou de sous-compensation, la loi prévoit un mécanisme de neutralisation (les communes surcompensées devant verser leur excédent aux communes sous-compensées). Les EPCI et départements seraient quant à eux compensés par une fraction de TVA.

La Ville de Grenoble est sous compensée, l’Etat devra lui verser de 12 à 13 M€ de compensation pour que la ville retrouve le montant de ses impôts locaux précédents. La Métropole qui intervient sur le foncier ne recevra pratiquement plus d’impôt local des habitants et les locataires non propriétaires occupants ne payeront plus d’impôt local. Ce qui est contradictoire avec l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :

« Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Ceci aura à l’avenir des conséquences dans la définition des politiques publiques locales.

« Cette étude se focalise sur la descente de TFPB vers les communes. Cette descente engendre des degrés de compensation hétérogènes, dans la mesure où le montant de TFPB transféré à chaque commune ne correspond pas nécessairement au montant de sa TH perdue. Ce rapport analyse cette hétérogénéité à partir de données récentes relatives à la fiscalité locale. Nous analysons également l’impact de deux scénarios alternatifs en termes de partage de la TFPB départementale entre communes et intercommunalités, pour enfin apporter une discussion plus générale sur la structure de cette réforme.

Points clés :

  • La réforme implique une forte hétérogénéité des degrés de compensation entre communes. La neutralisation de cette hétérogénéité nécessite d’allouer 9% des recettes de TFPB sur un territoire différent du territoire sur lequel la taxe est effectivement prélevée.
  • La réforme prévoyant que ces flux de neutralisation suive l’évolution des bases fiscales, il s’agit d’un vrai transfert horizontal de fiscalité, impliquant une baisse structurelle de la territorialité de la TFPB.
  • Les communes surcompensées sont des communes en moyenne peu peuplées et à faible revenus de leurs résidents. Les communes sous-compensées sont au contraire des communes en moyenne plus peuplées, dont le pouvoir d’achat des résidents est globalement plus élevé.
  • Un partage de la TFPB entre communes et intercommunalités peut, sous certaines conditions, réduire les différences de compensation, sans pour autant régler le problème de la neutralisation.
  • Globalement, la descente de la TFPB vers le secteur communal, telle que conçue par la réforme, vise simultanément à changer l’allocation de la fiscalité entre les différents échelons territoriaux et neutraliser les différences de compensation, ce qui ne peut être atteint par le seul instrument fiscal.
  • Les transferts de fiscalité entre échelons doivent répondre à des considérations plus générales sur la structure du système de décentralisation, et ne pas faire référence à une situation antérieure à une réforme donnée.
  • La neutralisation doit quant à elle faire l’objet d’un dispositif à part, prenant la forme d’une dotation, et transitoire, afin de laisser progressivement pleine place à la nouvelle allocation entre échelons territoriaux des instruments de fiscalité locale.
  • Enfin, la suppression de la TH réduit de manière importante le niveau d’imposition des résidents non-propriétaires, bien qu’ils participent aux décisions publiques locales. Ceci peut avoir des implications importantes en termes de politiques publiques locales, et également réduire la transparence fiscale, en ouvrant la porte à davantage de répercutions de la taxe foncière sur les loyers. »

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