Nanomatériaux, un avis critique de l’Anses

Publié le 11 décembre 2020

Le 24 novembre 2020 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) rend un avis critique sur l’absence de données exploitables de la part des industriels qui empêche une traçabilité des nanomatériaux et une évaluation des impacts sur la santé publique.

Elle propose plusieurs améliorations pour fiabiliser les données du « registre R-Nano » afin d’améliorer la traçabilité des nanomatériaux et optimiser l’efficacité du système.

« Les nanomatériaux entrent dans la composition d’une grande variété de produits de la vie courante : crèmes solaires, textiles, aliments, peintures, etc. Utilisés pour leurs propriétés spécifiques (taille, morphologie, caractère soluble, etc.), les nanomatériaux concernent de nombreux secteurs industriels tels que le bâtiment, l’automobile, l’emballage, l’agro-alimentaire, les produits cosmétiques ou encore les produits de santé. La multiplicité des substances existantes, le manque de connaissances concernant les effets sur la santé humaine et sur l’environnement et les expositions auxquelles elles conduisent constituent encore à ce jour un frein majeur à l’évaluation des risques.

La France a créé un dispositif national rendant obligatoire la déclaration des nanomatériaux pour les fabricants, importateurs et distributeurs de plus de 100 grammes par an de substances à l’état nanoparticulaire. Les données déclarées dans le registre R-Nano, dont l’Anses a été désignée gestionnaire, permettent de mieux connaître les nanomatériaux mis sur le marché, les quantités manipulées et les usages prévus, de disposer d’une traçabilité des filières d’utilisation et de rassembler des connaissances à des fins d’évaluation des risques et d’information du public.

Après huit années d’existence, l’Anses a évalué la qualité des données déclarées et les exploitations déjà réalisées par des organismes de santé publique ; elle a ainsi identifié les principales limites associées à la déclaration et les pistes permettant d’améliorer l’efficacité du système à l’avenir…

Des améliorations nécessaires pour fiabiliser le dispositif et optimiser son exploitation

Obtenir de la part des déclarants des données fiables et de qualité

Sur les 52 000 déclarations analysées, 90 % des données de caractérisation des nanomatériaux telles que la taille, la surface spécifique, la charge de surface ne sont pas exploitables et 10 % seulement renseignent correctement leur usage. L’absence de données ou la mauvaise qualité de celles-ci impacte significativement les possibilités d’exploitation, notamment en matière d’évaluation des risques sanitaires potentiels. L’Anses rappelle la nécessaire mobilisation des déclarants, sous l’égide de l’autorité administrative en charge du registre, afin de trouver les solutions pour améliorer le recueil des données.

La flexibilité octroyée aux déclarants lors de la mise en place du dispositif pour les aider dans leur déclaration entrave aujourd’hui grandement la qualité des données. L’Agence souligne par conséquent l’importance de mettre un terme aux dérogations accordées et de rendre la déclaration plus exigeante en matière d’informations à renseigner.

Un système de vérification de la qualité et de la pertinence des données enregistrées mériterait également être d’envisagé.

Elargir le champ de la déclaration pour une meilleure traçabilité des nanomatériaux

Le système reste encore perfectible et pour obtenir une traçabilité complète des nanomatériaux présents sur le marché, l’Anses recommande d’envisager :

D’élargir l’obligation de la déclaration : à ce jour, la déclaration ne cible pas tous les acteurs de la chaîne de transmission depuis le premier metteur sur le marché jusqu’aux distributeurs et aux consommateurs. La déclaration mériterait également de s’appliquer aux substances exportées en dehors du territoire national.

De revoir à la baisse le seuil à partir duquel les nanomatériaux doivent faire l’objet d’une déclaration ; aujourd’hui, seuls les nanomatériaux contenant au moins 50 % de particules dont la taille est comprise dans l’intervalle 1-100 nanomètres doivent être déclarés. Certains nanomatériaux dont la fraction nanométrique est inférieure à ce seuil pourraient pourtant être préoccupants pour la santé et l’environnement.

De fournir des informations complémentaires comme le nombre de travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux et les quantités déployées par type d’usage.

Améliorer la mise à disposition des données

Les exigences élevées en matière de confidentialité introduites dans les textes réglementaires limitent les possibilités de mise à disposition des données. Les textes règlementaires pris en application des lois Grenelle ont en effet rendu confidentielles de nombreuses informations concernant l’identité des substances. L’Anses recommande de réexaminer ces textes.

L’Anses souligne enfin la nécessité d’étendre l’accès aux données aux acteurs de santé publique, le décret listant les organismes y ayant accès devrait être révisé en ce sens. »

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