Le Conseil d’État essaye de freiner le projet de loi constitutionnelle concernant l’environnement

Publié le 29 janvier 2021

Le 21 janvier 2021, le gouvernement a décidé de rendre public l’avis rendu par le Conseil d’État, sur le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement.

Ce projet de loi devrait passer début mars à l’Assemblée Nationale. Il prévoit en son article unique : « la République garantit la préservation de l’environnement et de la biodiversité et lutte contre le dérèglement climatique. »

C’est une formulation qui a été élaborée par la Convention Citoyenne sur le Climat qui voulait imposer aux institutions une obligation de résultat et non seulement de moyens. Macron avait annoncé sa volonté de soumettre cette réforme à référendum, ce qui suppose que le projet de loi soit préalablement voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat ; rien n’est moins sûr.

Les juristes se querellent au sujet du terme garantit. Pour l’instant il est conservé dans le projet soumis à la discussion parlementaire, le gouvernement, ayant indiqué dans l’exposé des motifs de la loi, qu’il souhaite en recourant au verbe « garantir » introduire désormais « un principe d’action positif pour les pouvoirs publics ».

Le Conseil d’Etat propose de le remplacer par le terme préserve, moins contraignant, le Conseil d’Etat étant devenu un adepte du droit souple…

 « Aujourd’hui, le Conseil d’État prend acte de la volonté du Gouvernement de marquer plus encore l’engagement des pouvoirs publics dans la préservation de l’environnement, en « introduisant un principe d’action positif pour les pouvoirs publics et une volonté affirmée de mobiliser la Nation », ainsi qu’il est dit dans l’exposé des motifs.

Pour autant, le Conseil d’Etat attire l’attention du Gouvernement sur les conséquences que pourrait entrainer l’emploi du terme « garantit » pour qualifier l’engagement de la France en matière environnementale, ce terme étant entendu comme s’imposant aux pouvoirs publics nationaux et locaux dans leur action nationale et internationale

L’inscription de ce terme dans la Constitution, alors qu’il ne figure pas dans la Charte, n’aurait pas pour seul effet de consacrer l’état actuel de la protection constitutionnelle de l’environnement et de l’interprétation qu’en a donnée la jurisprudence, comme le souligne d’ailleurs le Gouvernement.

En prévoyant que la France « garantit » la préservation de la biodiversité et de l’environnement, le projet imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles que celles issues du devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement résultant de l’article 2 de la Charte de l’environnement…

Pour autant, eu égard aux incertitudes qui pèsent sur les conséquences du projet de loi, et dans le souci d’éclairer aussi bien le constituant que les juges appelés à mettre en œuvre ces nouvelles dispositions, le Conseil d’Etat recommande au Gouvernement d’indiquer plus précisément, dans l’exposé des motifs du projet, les effets juridiques qu’il attend de la réforme, notamment sur la conciliation entre la préoccupation environnementale et les autres intérêts publics.

10. Compte tenu des effets potentiellement puissants et largement indéterminés résultant de l’emploi du terme « garantit » qui viennent d’être soulignés au point 8, le Conseil d’État suggère de lui préférer le terme « préserve ». Ce terme permet à la fois de répondre à la volonté du Gouvernement de renforcer l’exigence environnementale et de tenir compte de l’évolution récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout en assurant une cohérence avec la Charte de l’environnement qui emploie ce même terme en plusieurs de ses articles… »

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