Décision sur l’agrément d’Anticor repoussée jusqu’au 2 avril

Publié le 19 février 2021

La loi du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, a autorisé toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’atteintes à la probité. Un décret du 12 mars 2014 fixe les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées par l’exécutif (le Garde des sceaux) ce qui est tout à fait anormal. L’agrément devrait être donné par une autorité indépendante.

Un arrêté du 27 mars 2014 précise le contenu du dossier de demande d’agrément. L’agrément est obtenu pour 3 ans. Seules trois associations ont cet agrément : Anticor, Transparency et Sherpa. Anticor a demandé son renouvellement et comme l’association a dénoncé à la Cour de justice de la République des agissements du Garde des sceaux, M. Dupont-Moretti, c’est au Premier ministre qu’il revient de délivrer l’agrément.

Pour punir Anticor, le gouvernement fait trainer sa décision en prétextant que le dossier de demande est incomplet, ce qui est faux puisqu’Anticor a répondu exactement à l’exigence de l’arrêté de mars 2014, qui n’impose pas de donner les noms des donateurs à l’association, et pourtant c’est ce qu’exige le gouvernement contrairement à la règlementation en vigueur.

Anticor gêne le pouvoir en s’attaquant à un ministre (Dupont-Moretti), au président de l’Assemblée (R. Ferrand) et au secrétaire général de l’Elysée (A. Kholer) dont la probité est mise en cause dans différentes affaires.

« Depuis 18 ans, Anticor est une association qui lutte contre la corruption. Depuis 2015, elle est agréée par le ministre de la justice. Cet agrément lui donne le droit d’agir en justice dans les questions de corruption (de porter une voix citoyenne car les citoyens ne peuvent pas le faire eux-mêmes). Il doit être renouvelé tous les trois ans. En 2021, cette décision revient au Premier ministre puisqu’Anticor a dénoncé à la Cour de justice de la République des agissements du Garde des sceaux. A défaut de renouvellement, l’agrément tombera. Anticor subsistera, mais sera privée des armes du droit.

Avec la crise sanitaire, nos libertés sont déjà restreintes dans une démocratie défaillante. Et les vigies citoyennes, qui peuvent lutter contre les abus de pouvoir, tant sur le plan local que dans une perspective globale, ne sont pas nombreuses. Seules trois associations sont actuellement agréées : Transparency International France, Sherpa et Anticor. Pas une de plus. Ces associations défendent les valeurs de transparence, d’éthique et de probité. Leur libre action est nécessaire à la démocratie et à la défense des citoyennes et citoyens de ce pays.

Au moment du renouvellement de l’agrément, nous constatons la multiplication des opérations de déstabilisation, y compris au sein d’Anticor, sources d’informations inexactes, voire farfelues. Dernièrement, le service chargé d’attribuer l’agrément a exigé qu’Anticor fournisse les noms de ses donateurs. Une demande que l’association a refusée ; leur dévoilement étant contraire au Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) et constitue une infraction pénale. Une décision qui a d’ailleurs été confortée par un avis récent de la CNIL sur ce sujet précis.

Alors, nous nous interrogeons.

Qui a intérêt à empêcher notre action contre la corruption ? À priver les citoyens du droit de défendre un intérêt collectif en justice quand les procureurs hésitent à le faire ? À qui profite le crime ?

Lors du conseil municipal de Grenoble le 1er février dernier le groupe Grenoble En Commun a présenté un vœu en soutien à Anticor interpellant le gouvernement. Ce vœu a été présenté par Katia BACHER et défendu dans le débat par Pierre Mériaux face aux critiques mal étayées (Anticor ne serait pas une association indépendante et ne viserait que les élus de droite…) des 2 groupes politiques de droite qui se sont abstenus, le groupe de la vieille droite de Carignon et celui de la nouvelle droite de Mme Chalas.

Pour les curieux c’est consultable à partir de 4H17 de débat.

« Vœu présenté par le Groupe Grenoble en Commun relatif à l’agrément d’ANTICOR

L’éthique en politique est le moteur devant permettre de rétablir le lien de confiance qui doit nécessairement exister, dans une démocratie représentative, entre les citoyen-nes et leurs représentant-es politiques. C’est vrai à l’échelle nationale, c’est encore plus vrai à Grenoble où, depuis 1995, les élu-es qui se sont succédé-es sur les bancs de notre conseil municipal ont eu à cœur de participer à la restauration de cette confiance entachée par les années sombres de la corruption.

Depuis 2003, l’association ANTICOR participe activement à cette lutte contre la corruption et pour la probité dans la gestion des deniers publics. Bénéficiaire d’un agrément sans discontinuité depuis 2015, ANTICOR peut, au regard de l’article 2-23 du Code de procédure civile, se porter partie civile en cas de soupçon d’atteinte à la probité. Rappelons que les associations de lutte contre la corruption bénéficiant de cet agrément sont les seuls acteurs indépendants habilités à saisir un-e juge d’instruction, constitutionnellement indépendant-e, le parquet financier étant quant à lui hiérarchiquement soumis au Ministre de la Justice ;

L’action d’ANTICOR est aujourd’hui menacée. Bien que remplissant les 5 critères qui conditionnent l’obtention de l’agrément à savoir l’ancienneté, l’activité effective de lutte contre la corruption, le nombre d’adhérent-es, le désintéressement et l’indépendance, et le fonctionnement interne régulier, son agrément actuel expirera le 15 février 2021 si le ministère de la Justice ne le renouvelle pas avant le 2 février. C’est-à-dire demain. 

Un non renouvellement constituerait une grave entrave dans l’action d’ANTICOR. La fin de son action d’utilité publique entrainerait une montée de la défiance entre les citoyen-nes et leurs représentant-es.

Considérant que les actions en justice d’ANTICOR servent l’intérêt général y compris lorsqu’elles n’aboutissent pas à une condamnation en ce qu’elles permettent de lever les soupçons et qu’elle n’a montré aucune forme de complaisance par le passé étant indépendante, transpartisane dans sa formation et non partisane dans son action,

Le conseil municipal de Grenoble demande :

Au Gouvernement de renouveler l’agrément d’ANTICOR; Au Gouvernement d’accentuer ses efforts de moralisation de la vie publique pour rétablir la confiance entre les citoyen-nes et leurs représentant-es. »

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