Nouvel arrêté du maire de Grenoble pour la protection contre les pesticides

Publié le 26 février 2021

En septembre 2019, Eric Piolle, maire de Grenoble, ainsi que d’autres maires souhaitant protéger la popu­lation de l’exposition aux pesticides, interdisaient par arrêté municipal l’utilisation de produits phytosani­taires de synthèse sur le territoire de leur commune. Le Préfet a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Grenoble. Le 31 décembre 2020, le Conseil d’Etat rappelle que le maire ne peut légalement user de son pouvoir de police générale pour édicter des limites à l’usage des pesticides ; seules les autorités de l’Etat peuvent les prendre.

Il y avait donc une forte probabilité que le tribunal administratif annule l’arrêté de septembre 2019. Mais le recours du préfet prendra fin puisqu’il est remplacé par un nouvel arrêté.

Le nouvel arrêté est signé par le maire le 22 février, il est fondé sur le pouvoir de police du maire en matière de troubles de voisinage et de dépôt de déchets, comme l’a fait le maire de la Montagne en Loire-Atlantique le 11 janvier 2021. Mais cela n’a pas empêché le préfet de Loire-Atlantique de déférer cet arrêté au tribunal administratif au motifs : d’une part, la méconnaissance de la qualification juridique de déchets, qui implique selon lui l’intention de s’en défaire et d’autre part, le fait que les produits phytopharmaceutiques sont des substances créées à une fin particulière et qui ne peuvent dès lors être qualifiées de déchets. Ces deux arguments sont réfutés par le maire de la Montagne en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes dans l’affaire de l’Erika, le code de l’environnement et l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

Ce nouvel arrêté du maire de Grenoble va certainement se voir contesté par le préfet en application des directives du gouvernement qui continue à vouloir privilégier les intérêts économiques sur la santé des habitants, alors même que la nocivité des pesticides devient de plus en plus reconnue. Le débat juridique va donc se poursuivre de manière plus subtile. Et en attendant que la justice se prononce les Grenoblois verront leur santé protégée et les gros utilisateurs de pesticides en milieu urbain que sont la SNCF et AREA devront changer leurs pratiques dès cette saison de traitement (qui démarre au printemps lors de la repousse de la végétation).

A noter que cet arrêté résulte du travail remarquable d’un collectif de citoyens et d’associations devenus experts du sujet, illustrant ainsi le bien fondé d’échanges constants entre la sphère politique et la sphère associative écologiste à l’exemple du récent succès du procès gagné contre l’Etat pour inaction climatique dans lequel la ville de Grenoble est aussi partie prenante.

Eric Piolle a déclaré : « A l’heure où les scientifiques démontrent pour la première fois le lien entre pesticides et leucémies, alors que nous connaissons les risques liés aux pesticides que ce soit pour la santé, la biodiversité ou encore la pollution des eaux, les pouvoirs publics compétents se montrent bien trop frileux pour exiger des utilisatrices et utilisateurs qu’ils maîtrisent les pesticides qu’ils utilisent. Il était urgent d’utiliser un nouvel ou­til pour protéger la population de ces produits extrêmement nocifs. Les pouvoirs de police attribués au maire pour agir sur les troubles de voisinage et les déchets nous donnent toute compétence. Les substances de pesticides se déposant dans les eaux, les jardins, les maisons, les poumons des personnes à leur insu sont des déchets polluants. Celles et ceux qui les émettent sont donc responsables de les maîtriser et de les éliminer. Avec cette actualisation de notre arrêté, nous espérons ouvrir la voie à d’autres arrêtés du même type dans les communes du pays afin de poursuivre la lutte contre les pesticides. Je tiens particulièrement à remercier les associations écologistes et mes concitoyen-nes qui ont inspiré cette démarche républicaine. »

Voici de larges extraits de l’arrêté du 22 février 2021

« Considérant que la décision 2000/532/CE de la commission du 3 mai 2000 prévoit précisément que les déchets provenant de la fabrication, de la formulation, de la distribution et de l’utilisation des pesticides organiques sont des déchets dangereux ;

Considérant que l’article· L 541-1-1 du code de l’environnement définit le déchet comme « toute substance, ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire » ;

Considérant que les produits phytopharmaceutiques sont composés de substances actives ;

Considérant que les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent mettre en œuvre les moyens pour que ces produits ne soient pas entraînés hors des parcelles auxquelles ils sont destinés ;

Considérant en effet que l’obligation de se défaire de ces déchets impose d’exclure toute solution qui ne serait pas celle d’une élimination ou d’une réutilisation ;

Considérant que ces produits et substances, répandus en dehors des parcelles auxquelles ils sont destinés répondent ainsi à la définition précitée de l’article L 541-1-1 du code de l’environnement et deviennent alors des déchets ne pouvant être réutilisés ;

Considérant en outre que le détenteur d’un déchet a l’obligation d’en assurer la gestion, voire l’élimination ;

Considérant que le dépôt de déchets sur le domaine public ou privé est sanctionné par l’article R634-2 du Code Pénal ;

Considérant que la production de déchet et leur rejet sur le domaine public ou sur des propriétés privées nuit à autrui et pourrait même causer, dans certaines conditions, un trouble anormal du voisinage ;

Considérant qu’il appartient au Maire, en tant qu’autorité de police municipale, de prendre, dans les domaines de sa compétence, les mesures appropriées pour préserver la salubrité et la santé publiques en complétant et précisant sur le plan local les dispositions des lois et règlements en vigueur ;

ARRETE

Article 1 – Tout utilisateur de produits phytopharmaceutiques chimiques de synthèse est tenu d’assurer l’élimination des déchets générés par son activité, c’est-à-dire, des substances à base de pesticides non-utilisées à leurs fins initiales.

Article 2- Tout utilisateur de produits phytopharmaceutiques chimiques de synthèse ou de pesticides sur le territoire communal, ne pourra utiliser de tels produits, que s’il est en mesure d’assurer qu’aucun résidu ne se dispersera au-delà de la parcelle traitée. Il devra également être en mesure, au cas où des résidus d’utilisation se disperseraient au-delà de la parcelle traitée, de gérer et d’éliminer le déchet généré.

Article 3 – Toute infraction au présent arrêté peut être constatée par le maire ou toute autre personne de la collectivité, dûment habilitée. »

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