Lutte contre les pesticides dans les communes, une décision de justice intéressante

Publié le 12 mars 2021

Le nouvel arrêté anti-pesticides, pris par le maire de la commune de La Montagne en Loire-Atlantique le 11 janvier 2021, a fait l’objet le 1er mars 2021 d’un recours en référé par le préfet de Loire-Atlantique auprès du tribunal administratif de Nantes. Le préfet estime que cet arrêté « porte restriction des modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de cette commune ». Comme cet arrêté a fait des émules chez de nombreux maires en commençant par le maire de Grenoble, le préfet a dû être poussé par le gouvernement pour bloquer cet arrêté rapidement. Il a donc pris la voie du référé liberté (au lieu du simple référé suspension) qui impose que le juge se prononce très rapidement. Mais pas de chance le juge a retoqué le 5 mars par ordonnance la demande du préfet en expliquant que « le préfet de la Loire-Atlantique n’est pas fondé à demander la suspension des effets de l’article 3 de l’arrêté susvisé du maire de La Montagne sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 554-3 (référé liberté NDLR) du code de justice administrative. Sa requête doit dès lors être rejetée. »

Rappelons que le maire de La Montagne avait pris un arrêté interdisant l’utilisation des pesticides dans sa commune avec les explications simples suivantes : « L’arrêté s’inscrit très directement dans les compétences qui relèvent du maire, à savoir la gestion des déchets et des troubles de voisinage. Avec cet arrêté, nous rappelons une banalité : que la dispersion d’un produit phytopharmaceutique doit être maîtrisée, contrôlée par celui qui l’utilise, qu’il n’est pas question que le produit puisse se balader chez des personnes qui n’ont rien demandé. Interdire cet arrêté serait comme considérer qu’un voisin qui peindrait son mur en mettant de la peinture chez moi ne serait pas responsable de ses actes. » Le maire de Grenoble a fait de même le 22 février 2021.

Pour l’instant le préfet de l’Isère n’a pas bougé. On peut parier que s’il entend faire suspendre l’arrêté du maire de Grenoble, il choisira la voie plus normale du référé suspension classique, mais la chance de succès d’un tel référé n’est pas non plus assurée.

Voici des extraits de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes n° 2102294 :

4. Par l’arrêté susvisé du 11 janvier 2021 le maire de La Montagne a entendu réglementer sur le territoire de la commune les dépôts sauvages de déchets et ordures. Aux termes de l’article 3 de cet arrêté, dont les dispositions sont seules en litige comme il résulte tant de la teneur du déféré que des explications apportées à l’audience : « Tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchet et est interdit », la méconnaissance de cette interdiction constituant, selon l’article 4 du même arrêté, une infraction poursuivie conformément aux lois en vigueur, et notamment à l’article R. 635-8 du code pénal..

5. Ni l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, alors qu’il résulte des pièces du dossier que l’activité agricole est à peu près inexistante dans la commune de La Montagne, ni l’atteinte au droit des utilisateurs privés d’utiliser les produits en cause, alors notamment que l’usage des produits phytopharmaceutiques de synthèse leur est interdit depuis le 1er janvier 2019, ne sont susceptibles de revêtir un degré de gravité justifiant le recours à la procédure de l’article L. 554-3 du code de justice administrative.

6. Les multiples atteintes aux « principes régissant la matière répressive » que le préfet invoque, ne sont pas non plus susceptibles, par elles-mêmes, de conférer au préfet intérêt à agir sur ce même fondement, dès lors que les amendes réprimant l’interdiction ici en litige correspondent à un mécanisme prévu par la loi et mis en œuvre par le maire en sa qualité d’officier de police judicaire.7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique n’est pas fondé à demander la suspension des effets de l’article 3 de l’arrêté susvisé du maire de La Montagne sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 554-3 du code de justice administrative. Sa requête doit dès lors être rejetée.

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