Le 7 mai 2021, le maire de Grenoble a envoyé une lettre ouverte aux directions des deux sociétés qui dominent les livraisons des repas à domicile à Grenoble, Uber Eats et Deliveroo, critiquant les conditions de travail des livreurs qui ne sont pas salariés et qui sont soumis à des pressions très fortes, des rémunérations indignes et des insécurités multiples.
Voici des extraits de cette lettre :
« La situation actuelle des livreurs et des livreuses, créée par votre entreprise, allie grande précarité et rémunération à la course ce qui encourage les coursiers à circuler et conduire rapidement. Ces coursiers reçoivent d’ailleurs des menaces de sanction et de désactivation de leur compte si les délais de livraison sont jugés trop longs, ce qui s’apparente à une perte d’emploi. Ceci crée inévitablement un contexte dangereux en matière de sécurité routière.
Le recours aux scooters semble exponentiel, ce qui aggrave les problématiques en matière d’infractions routières, de situations accidentogènes, notamment en zone piétonne, et de nuisances pour les riverains. Là aussi les conditions de travail et le rythme imposé aux livreurs et livreuses ne peuvent que les inciter à se procurer des engins motorisés, et à adopter parfois une conduite dangereuse.
Aussi, nous souhaitons savoir comment vous prenez en compte la nécessité de respecter les règles routières, les limitations liées aux zones piétonnes et les intempéries dans le calcul de vos délais de livraison, ceux-ci rendant nécessaire une conduite plus lente et plus prudente.
Aux risques d’accidents de la route s’ajoutent les impacts physiques d’un travail exposé au froid comme aux fortes chaleurs, et s’exerçant souvent la nuit. La santé mentale au travail fait aussi partie de nos inquiétudes, avec notamment les conséquences psychologiques liées à des notations arbitraires, des sanctions automatisées et une forme de management numérisé particulièrement déshumanisé.
Nous déplorons aussi particulièrement l’absence de protection sociale des livreurs et livreuses en cas d’accident du travail. Et ce alors même que la Cour de Cassation a confirmé en mars 2020, suite à une saisie de la justice par un chauffeur Uber, qu’un « lien de subordination » existait entre ce travailleur et la plateforme.
D’autre part, rémunérés à la tâche, incités à accepter des courses à des prix extrêmement bas, des coursiers travaillant avec votre entreprise peuvent effectuer plus de 60 ou 70 heures de travail par semaine, sans parvenir· à atteindre une rémunération correcte. Nous souhaitons que les travailleurs et travailleuses grenoblois puissent vivre dignement de leur travail. Il nous parait essentiel qu’ils et elles puissent bénéficier d’une rémunération garantie avec un minimum horaire, comme une plateforme numérique du secteur des mobilités s’est engagée récemment à le faire dans la ville de Saint Etienne par exemple. La précarisation et l’appauvrissement des travailleurs et des travailleuses générés par votre modèle actuel de fonctionnement sont en contradiction avec les valeurs de notre projet pour Grenoble.
Enfin, nous souhaiterions connaître les mesures prises pour que les coursiers de votre entreprise, comme les employé-es de tout type de société, puissent disposer dès que possible, d’un ou plusieurs lieux de pause abrité-s, avec un accès à des sanitaires et à un minimum de convivialité.
En mars dernier dans notre région, près de Lyon, un coursier de Deliveroo a perdu tragiquement la vie en effectuant une livraison. Deux autres livreurs sont décédés ce mois-ci alors qu’ils travaillaient pour Uber Eats. Ces drames s’ajoutent à une listé déjà trop longue de personnes travaillant pour des plateformes blessées ou décédées pendant leurs heures de livraison.Nous voulons aussi connaitre les actions qui seront menées pour améliorer les conditions de travail des livreur-ses, préserver leur santé physique et psychologique, permettre l’accès à la protection sociale et à une juste et décente rémunération des travailleur-ses de votre plateforme. »
Mots-clefs : commerce, droit, modes actifs, précarité, travail