Construire une protection sociale-écologique : le cas de la France face aux canicules

Publié le 2 juillet 2021

Un article d’un chercheur de l’OFCE (L’Observatoire français des conjonctures économiques) propose des éléments d’analyse en vue de l’édification d’une protection sociale-écologique visant à atténuer l’impact sanitaire et économique des fortes chaleurs engendrées par le dérèglement climatique, en répondant à cinq questions successives : Pourquoi protéger ? De quoi protéger ? Que protéger ? Qui protéger ? Comment protéger ?

Il rappelle l’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant création de la Sécurité sociale : « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère »

Voici l’introduction et la conclusion de l’étude d’Éloi Laurent de l’OFCE :

Introduction

L’Etat providence, c’est-à-dire l’ensemble des protections sociales garanties à ses citoyen(e)s par l’Etat-nation, repose sur deux piliers qui se renforcent mutuellement : la justice sociale et l’efficacité économique. Les manifestations de plus en plus fréquentes et violentes des crises écologiques contemporaines – ce que l’on peut choisir de nommer les chocs écologiques – induisent à la fois des pertes humaines et économiques croissantes et une aggravation des inégalités sociales qui ne sont pas pour l’heure compris dans le périmètre de l’assurance sociale. Cet article propose de les intégrer en se concentrant sur un type de chocs écologiques : les canicules.

Le cas de la France est intéressant à deux égards pour le propos développé ici : c’est l’un des premiers pays à avoir développé ses protections sociales à la fin du 19ème siècle et c’est l’un de ceux qui les a le plus développé depuis (la France figure aujourd’hui en tête des pays de l’OCDE pour ce qui est des dépenses sociales nettes du fait de l’importance de la composante publique de ces dépenses). Il s’agit également, c’est un fait moins connu et trop peu mis en lumière, d’un pays à la fois exposé et sensible à des chocs écologiques de plus en plus coûteux, dont les plus menaçants à l’avenir – les canicules – échappent au régime d’assurance existant contre les risques dit naturels et dont sont insuffisamment protégées les personnes qui y sont le plus vulnérables (les personnes âgées isolées).

Cet article propose donc d’envisager l’édification d’une protection sociale-écologique en France contre les canicules en répondant à cinq questions successives : pourquoi protéger ? De quoi protéger ? Que protéger ? Qui protéger ? Comment protéger ?

Conclusion

Les crises écologiques sont des risques sociaux qui pèsent sur la vie et les moyens de subsistance des Français(es), en particulier des plus vulnérables. Il s’agit d’une insécurité physique et économique autrement plus considérable que les violences interpersonnelles, qui accaparent pourtant le débat public.

Il est hélas raisonnable de penser que nous serons confrontés à deux ou trois décennies de chocs écologiques dus à la déstabilisation de la biosphère au cours des six dernières décennies, de sorte que les pertes humaines et économiques engendrées par ces chocs vont monter en flèche si nous ne construisons pas des protections collectives adéquates (à commencer par de véritables politiques santé-environnement).

Mais ces risques social-écologiques peuvent être mutualisés et atténués au moyen de la même institution qui s’est avérée tellement efficace pour favoriser le développement humain depuis un siècle en Europe et si stratégique face à la crise du Covid : l’État providence, métamorphosé en un Etat social-écologique dont la mission essentielle n’est pas de protéger les « capacités de gains » mais la capacité de vivre.

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