« Le précipité d’un recrutement des professeurs par des directeurs », c’est le titre d’un article de Claude Lelièvre, historien de l’éducation, sur Médiapart en réaction aux déclarations de Macron à Marseille : « il faut que les directeurs d’école puissent choisir l’équipe pédagogique […]. Et donc c’est beaucoup plus que les postes à profil […] . Et ensuite, voir les résultats et, s’ils sont concluants, les généraliser »
L’historien rappelle que cela avait été préconisé avec insistance depuis une dizaine d’années par les dirigeants de la droite. C’était dans l’ouvrage « L’Ecole de demain » de Blanquer en 2016 et en tant que ministre, il avait déclaré que cela allait être mis en place dans les mois suivants. Encore une démonstration que le fond politique de Macron est bien à droite. Malheureusement la gauche, dans son ensemble, est dans un piteux état et laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Si Macron est réélu, le programme de la droite dure se mettra en place.
« Les préconisations de dirigeants de droite allant dans ce sens existent de façon insistante de longue date
Lors de la Convention de l’UMP sur l’Ecole tenue en novembre 2010, un accent unilatéral a été mis sur le rôle à attribuer aux chefs d’établissement. Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l’UMP, s’est prononcé pour les propositions du rapport du député UMP Reiss et a demandé « une évolution du statut du directeur d’école afin qu’il puisse participer au recrutement des équipes, et qu’il ait une réelle marge de manœuvre en matière de formation continue ». Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin et auteur du rapport sur la direction d’école, s’est empressé d’affirmer que « nos écoles ont surtout besoin d’un patron ». Jean-François Copé, n’a pas été en reste et a élargi le propos aux chefs d’établissement, en particulier au niveau du collège : « il nous faut faire du chef d’établissement le pivot de l’établissement ; il faut que les chefs d’établissement puissent constituer leur équipe pédagogique ». Enfin Gérard Longuet, sénateur de Lorraine, a surenchéri en affirmant qu’« il faut qu’un patron [le chef d’établissement] puisse rentrer dans les classes et puisse faire une exfiltration des enseignants qui sont en rupture avec son projet pédagogique »
La Convention suivante de l’UMP sur l’Ecole tenue le 8 novembre 2011 a mis en valeur des propositions tout à fait significatives : « Le renforcement de l’autonomie des établissements doit signifier la possibilité pour le chef d’établissement (principal de collège, proviseur de lycée, mais aussi, à terme, directeur d’école) de recruter librement son équipe enseignante et d’administration ». Pour faire bonne mesure, le chef de l’UMP – François Copé – a prôné l’urgence d’un « management qui permette, par exemple, de se débarrasser d’un chef d’établissement inefficace et de faire de ceux qui sont bons de ‘’vrais’’ chefs ».
A la mi-octobre 2013, le projet d’une «droite forte» est publié. Ses rédacteurs sont des secrétaires nationaux de l’UMP : le chef d’entreprise Guillaume Peltier (ancien porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012) et l’avocat Didier Geoffroy (coordonnateur de la cellule ‘’riposte’’ durant cette même campagne présidentielle) « Permettre aux chefs d’établissements de recruter leur équipe de professeurs, de licencier les mauvais enseignants […] et d’avoir l’entière responsabilité de leurs moyens, y compris en ayant recours aux fonds privés »
En 2016, dans son ouvrage « L’Ecole de demain », Jean-Michel Blanquer prend soin de se positionner en faveur du renforcement des pouvoirs des directeurs d’école et d’un recrutement sur profil des enseignants
Devenu ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer annonce dès août 2017 dans le « Nouvel Observateur » que les chefs d’établissement auront leur mot à dire dans l’affectation des enseignants : « mon objectif est simple : des établissements avec des équipes unies, partageant un projet éducatif fort. Dans ce cadre, oui, il est logique que le chef d’établissement ait un rôle à jouer en matière de recrutement. Cela se pratique d’ailleurs dans les lycées français à l’étranger et participe à leur rayonnement. ». Et le 16 janvier 2018, il répond aux députés que l’on va entrer dans ce processus « au cours des prochains mois ».
Mais rien de tangible n’est venu. Les années ont passé. Et sept mois avant les prochaines élections présidentielles : surprise, à savoir l’annonce d’Emmanuel Macron présentée comme un »laboratoire »
En l’occurrence, Jean-Michel Blanquer apparaît personnellement certes comme un »théologien » ostentatoire du néo-libéralisme, mais surtout comme un »pratiquant » quelque peu flottant.
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