Encore une dérive sécuritaire adoptée par les députés

Publié le 1 octobre 2021

En première lecture, l’Assemblée nationale vient d’adopter un nouveau texte de loi intitulé « Responsabilité pénale et sécurité intérieure » qui propose notamment de légaliser l’usage de drones de surveillance par la police.

L’association la Quadrature du net, s’élève contre ce projet de loi, qui atteint les libertés publiques et prouve à quelques mois des élections présidentielle que Macron poursuit sa dérive vers la droite dure. Il faut dire que l’émiettement de la gauche favorise cette situation. Ce n’est pas sur le Sénat que l’on peut compter pour arrêter cette dérive sécuritaire. La Constitutionnalité de cette loi sera t’elle retoquée ?

« Alors que le texte est quasiment identique à celui censuré par le Conseil constitutionnel en début d’année, les parlementaires n’ont pas hésité à le voter une nouvelle fois. C’est une énième preuve qu’il n’y a rien à attendre du Parlement pour nous protéger des dérives sécuritaires du gouvernement. La lutte contre la Technopolice ne se fera pas sur les bancs de l’Assemblée.

Nous en parlions ici : après s’être vu à quatre reprises refuser le droit de surveiller la population avec des drones, le gouvernement est revenu une cinquième fois à l’attaque. Deux arrêts du Conseil d’État, une décision de la CNIL et une décision du Conseil constitutionnel n’auront pas suffi : le gouvernement est prêt à tout pour déployer des drones avec caméra dans l’espace public. Les caméras fixes, les caméras « nomades », les caméras-piétons, tout cela ne lui suffit pas : il faut surveiller, toujours plus, et retransmettre les flux en temps-réel à des centres de supervision – et derrière analyser et disséquer les images, transformer nos rues et nos déambulations en données exploitables par la police.

Notons tout de suite que le texte ne parle plus seulement des drones mais de tout « aéronef » utilisé par la police (alinéa 2 de l’article 8): c’est-à-dire qu’il légalise non seulement la surveillance par drones, mais aussi celle faite par hélicoptère ou par avion, une surveillance réalisée depuis longtemps par la police en toute illégalité – sans qu’aucune institution (en particulier pas la CNIL) ne soit venue la gêner – et sans qu’aucun responsable ne soit condamné.

Le gouvernement (ou le rapporteur du texte, on ne sait plus très bien faire la différence) veut faire croire qu’il répond aux critiques du Conseil constitutionnel. Il reprend donc le même texte que l’année précédente et fait quelques modifications à la marge, des modifications trompeuses qui, comme on va le voir, n’enlèvent en rien le caractère profondément liberticide du texte.

Les finalités autorisées pour déployer un drone restent toujours aussi larges, même si le gouvernement tâche de faire en sorte que cette fois, le Conseil constitutionnel se montre plus accommodant : la police peut tout faire rentrer dans la notion de « prévention des atteintes à la sécurité des personnes et biens dans lieux particulièrement exposés », ou dans celle de « sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique » ou dans la « prévention d’actes de terrorisme ».

Quand bien même ces finalités seraient limitées, qui les contrôle en pratique, et qui autorise les drones ? Le représentant de l’État et, à Paris, le préfet de police. La police demande donc autorisation à la police pour utiliser des drones. Il est vrai qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Rappelons à ce sujet que nos deux contentieux de 2020 au sujet des drones étaient… contre le préfet de police. Et que c’est lui qui se gargarisait devant l’AFP de sa nouvelle arme technopolicière…

Comme on l’a dit, le texte ne couvre pas que les caméras volantes mais évoque aussi de nombreux autre sujets (sur l’ensemble du texte, voir l’analyse du Syndicat de la magistrature).

Sur le sujet de la captation vidéo, le texte légalise de nouveau la vidéosurveillance en garde-à-vue. Toujours sans aucune gêne, les rapporteurs avouent que cette vidéosurveillance est pratiquée depuis longtemps mais sans cadre légal (comprendre donc que c’est totalement illégal, mais là encore, les responsables bénéficient d’une impunité systémique). Prétextant la protection de la personne placée en garde à vue, le texte veut en réalité permettre qu’une caméra soit placée en cellule pour la filmer en permanence (pour 24h avec renouvellement possible)…

Autre changement majeur dans la législation, l’article 16 qui élargit les possibilités de prise de photos et d’empreinte d’une personne (notamment les mineurs) sous contrainte. Aujourd’hui la police doit, dans la grande majorité des cas obtenir le consentement des personnes pour récolter leur signalétique (empreinte, ADN, et photographie) bien que le refus de s’y soumettre soit pénalement sanctionné.

Le texte prévoit que celle-ci puisse donc relever sous contrainte les empreintes palmaires et digitales des personnes ainsi que la prise d’une photographie, on imagine par la force (voir pour plus d’informations, le volet 2, page 17 des observations du syndicat de la magistrature).

Impossible de voir une quelconque amélioration entre le texte censuré par le Conseil constitutionnel et le texte adopté : comme pour les drones, c’est le même texte, avec quelques fausses rustines.

Le texte a-t-il changé entre sa présentation par le gouvernement en juillet dernier et son adoption par l’Assemblée nationale aujourd’hui ? À peine, en tous cas sur les sujets de captation vidéo. Notons simplement que leur utilisation, ainsi que celles des caméras en garde-à-vue, a été étendue par les députés à la police douanière…

Mots-clefs : , , ,

Le commentaires sont fermés.