L’évasion fiscale européenne à la lumière des “Pandora Papers”

Publié le 8 octobre 2021

L’Observatoire européen de la fiscalité est un laboratoire de recherche indépendant, hébergé à l’Ecole d’économie de Paris. Il conduit des recherches notamment sur la fiscalité. Il réagit aux nouvelles informations tirées des « Pandora Papers » par un article du 7 octobre 2021, qui fait quelques propositions pour limiter l’évasion fiscale considérable opérée dans les paradis fiscaux.

« Panama Papers, Paradise Papers, Bahamas Leaks et maintenant Pandora Papers – ces enquêtes nous rappellent sans cesse l’importance des questions fiscales dans nos sociétés. Pour bien comprendre l’importance de ces révélations, il est utile de les mettre en perspective sur la base des recherches économiques les plus récentes, des efforts internationaux en place pour réduire la fraude offshore, et des pistes futures pour parvenir à une plus grande transparence fiscale.

Évasion fiscale offshore : l’ampleur du phénomène

Montant du patrimoine financier détenu dans les paradis fiscaux : 7 900 milliards d’euros en 2017. Selon les estimations de chercheurs français, danois et norvégiens, c’est le montant du patrimoine financier mondial détenu dans les paradis fiscaux. Ce montant est équivalent à 8 % du PIB mondial. Il en résulte une perte de recettes fiscales d’environ 155 milliards d’euros par an dans le monde.

L’Europe est particulièrement touchée par la planification fiscale internationale. Environ 11 % de sa richesse nette totale, soit 2 300 milliards d’euros, sont détenus à l’étranger. À titre de comparaison, cela équivaut au PIB de la France.

Les répercussions touchent aussi bien les particuliers que les entreprises locales : la perte de l’assiette fiscale pour de nombreux pays implique une augmentation des impôts sur les contribuables et les entreprises locales, une diminution des dépenses publiques et des efforts plus difficiles pour faire face aux déficits publics.

Quels sont les progrès accomplis ces dernières années ?

Depuis la récente crise financière, des efforts importants ont été déployés pour lutter contre l’activité des paradis fiscaux.

L’initiative la plus ambitieuse a été l’introduction d’un système d’échange automatique d’informations bancaires, le “Common Reporting Standard”, effectif depuis 2017. Ce mécanisme oblige les institutions financières à déclarer l’identité de leurs clients non-résidents aux autorités fiscales où ils se trouvent, ainsi que le montant des actifs détenus et des revenus perçus par ces clients.

Bien qu’il s’agisse d’un grand pas dans la bonne direction, un certain nombre de lacunes restent à combler. Comme l’illustrent les “Pandora Papers”, les richesses offshore sont souvent détenues par l’intermédiaire de sociétés écrans, dont les bénéficiaires effectifs sont parfois non identifiés. Dans ce cas, les informations pertinentes ne sont pas communiquées aux autorités fiscales compétentes.

En outre, les statistiques publiques sur ces questions restent limitées, ce qui rend difficile l’évaluation des efforts entrepris. En 2020, l’OCDE a estimé le montant des investissements sur des comptes offshore à 11 000 milliards d’euros. Mais aucune information sur la nature de ces actifs, leur localisation et leurs propriétaires n’est publiée. Il est donc impossible de savoir si les taux d’imposition effectifs des particuliers fortunés ont augmenté en réponse à la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations bancaires.

Des pistes pour une plus grande transparence financière

Dans l’esprit de poursuivre les progrès de ces dernières années, plusieurs mesures supplémentaires peuvent être envisagées.

Tout d’abord, un enregistrement plus systématique du patrimoine financier, à l’instar de ce que les pays font déjà pour les biens immobiliers. Cela pourrait prendre la forme d’un cadastre financier, qui pourrait être national, européen ou mondial.

Deuxièmement, des sanctions plus sévères pour les prestataires de services d’évasion fiscale. Il s’agirait notamment des concepteurs de systèmes frauduleux, de toute institution financière qui ne respecte pas la réglementation internationale et d’autres intermédiaires juridiques et financiers qui facilitent l’évasion fiscale. L’un des principaux enseignements des recherches récentes dans ce domaine est que la réglementation de la fourniture de services de fraude et d’évasion fiscales est un outil essentiel pour réduire ces activités. »

L’évasion fiscale européenne à la lumière des « Pandora Papers » – Eutax (taxobservatory.eu)

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