Décès d’un vrai journaliste, Michel GARCIN

Publié le 12 novembre 2021
©France Bleu

Nous avons fait la connaissance de Michel Garcin lorsqu’il était rédacteur en chef de Radio France Isère de 1990 à avril 1997, période trouble des « affaires » à Grenoble et dans l’Isère, où les journalistes qui « mouillaient la chemise » se comptaient sur les doigts d’une main, il était du nombre. Après une formation d’ingénieur multimédia à l’INPG, il sollicite un congé sans solde. Pour toute réponse la radio de service public le licencie.

Il militait pour une information complète, même si elle doit déranger, et il a eu la très bonne idée de rendre public avec Philippe Descamps le jugement intégral de 1ère instance du procès de Carignon pour corruption du 16 novembre 1995, sous forme d’un petit livre « Affaire Carignon le jugement » qui se lisait comme un roman.

Il est passé par diverses radios et en octobre 2005 il devient rédacteur en chef de Télé-Grenoble qui venait de naitre. Mais cela n’a pas duré et Michel Garcin s’est alors occupé d’une agence de presse indépendante, Alpes Presse, et a développé de nombreuses émissions citoyennes pour les télévisions locales.

A 57 ans, atteint par une maladie dégénérative, il décède le 9 novembre 2021 à 71 ans.

 Nous l’avions sollicité, après son licenciement de Radio France Isère, pour expliquer son métier de journaliste dans le Rouge et le Vert n° 60 de juillet-août 1997 :

« Journaliste

Ça sert à répéter ce que les élus disent, à inviter des gens à des fêtes, à rendre compte des matchs et aussi à permettre aux budgets « apéros et cotillons » d’être dépensés en totalité.

C’est uniquement pour cela que j’ai souhaité avoir mon numéro de carte de presse et pendant de longues années, je n’ai pas été déçu.

Image tirée de Biographie de Michel Garcin – Osez les mots (avril 2014)

Et puis le destin en a décidé autrement ; les circonstances politico-juridico-magouillos ont obligé certains journalistes à réfléchir (penser longuement en examinant, en pesant) et même à décider d’en savoir plus, de comprendre, de mettre en perspective, bref des choses qui, de nos jours, ne se font plus ou peu.

Et finalement tout cela fut une erreur. Tout ces trucs, ça prend du temps, ça empêche de dormir, ça plaît pas aux politiques, on n’a plus le temps de parler des fêtes et des matchs et surtout, tu n’es plus jamais invité nulle part pour boire un coup avec les copains.

Alors quoi !!!! Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Et bien, surprise, je vais vous le dire, vous le révéler en exclusivité. C’est normal, je ne suis même pas écolo et on me propose une tribune libre dans ce journal : normal donc que je vous donne un scoop et que le tirage du journal bénéficie d’une promotion gratuite.

Alors… ce qu’il faut faire :

petit a : mettre en prison un responsable politique de droite

petit b : voter à gauche aux prochaines municipales

C’est tout.

A partir de là : tout peut recommencer comme avant pour ce merveilleux métier de journaliste.

Plus la peine de réfléchir : c’est à nouveau l’harmonie entre les politiques, les sportifs et les organisateurs de cocktails.

Oubliés les autres hommes politiques, chefs d’entreprise ou techniciens qui sont allés en prison, inexistants tous les rapports de chambre régionale des comptes, les audits et autres travaux d’inspection générale, terminées les enquêtes pour connaître l’origine des mises en examen ou le pourquoi des interdictions de gestion d’un élu dans sa commune. On ne parle plus de rien, cela n’existe plus. Il n’y a pas, il n’y a même jamais rien eu d’illégal dans notre région.

Il faudrait être un journaliste qui n’a jamais soif ou pas sportif du tout pour avoir envie de poser encore des questions sur tout ce qui s’est passé et… pardon : sur tout ce qui ne s’est pas passé et sur tout ce qui ne se passe pas en ce moment.

Moi, c’est peinard, ils n’ont plus voulu de moi dans mon boulot ; ça tombait bien, moi non plus.

Ils avaient peur que je raconte ma vie dans les apéros, alors ils m’ont donné des sous pour que je puisse me payer à boire.

Pourtant » c’est con, mais quand j’ai bu, je recommence à réfléchir et ça m’empêche quand même de dormir.

Michel Garcin »

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