Pesticides : du bon et du moins bon

Publié le 19 novembre 2021

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé en 2015, le glyphosate cancérogène probable pour l’homme. Mais rien n’y fait, les puissants lobbies sont en action. De temps en temps il y a de bonnes nouvelles, mais globalement ce sont plutôt les mauvaises qui l’emportent.

Du bon : le 15 novembre, le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt qui donne six mois aux autorités pour interdire, ou au minimum encadrer, l’usage des produits phytosanitaires dans les zones de protection de la biodiversité, Natura 2000.

Du moins bon : le 16 novembre, Générations Futures critique durement le rapport européen sur la réévaluation européenne du glyphosate, estimant qu’il est gravement biaisé.

Le réseau Natura 2000 a pour objectif de protéger certaines espèces animales ou végétales, terrestres et aquatiques, représentatives de la biodiversité européenne. En France métropolitaine, ce dispositif couvre près de 13 % des terres dont 15 % correspondent à des superficies agricoles.

Dans sa décision n° 437613, le conseil d’Etat enjoint à l’Etat de se donner les moyens de protéger les sites Natura 2000 en y interdisant, restreignant ou au moins encadrant l’usage des pesticides. Le gouvernement a six mois pour s’exécuter et adopter desmesures réglementairesdans ces zones de protection. Il devra de surcroît répondre à France nature environnement (FNE), qui l’avait interpellé sur cette question en septembre 2019. La fédération se félicite donc de cette « nouvelle victoire ».

Evaluation du glyphosate : un rapport gravement biaisé, explique Générations Futures :

« Dans le cadre de la réévaluation européenne du glyphosate, les 4 états membres rapporteurs ont publié fin septembre leur rapport (RAR). Notre association a travaillé pendant des semaines sur ce dossier et a décelé de très – trop – nombreux biais !

Ainsi, Générations Futures a mis en évidence de nombreuses failles dans le processus de sélection des études universitaires dans le RAR du glyphosate :

Rien qu’à la lecture du titre et du résumé, de nombreuses études pourtant pertinentes sont exclues d’emblée (par exemple, des études jugées sur leur fiabilité et non leur pertinence, études décrites lors de conférences pourtant reconnues internationalement, …).

Une nouvelle coupe est réalisée lors de l’évaluation de la pertinence basée sur l’étude du texte entier. Là, toutes les études de toxicologie réalisées avec des formulations différentes de celles du produit de référence dont l’autorisation est demandée en Europe sont exclues. Cela concerne des centaines d’études ! Aucune justification et aucun moyen de vérifier cette affirmation n’est apportée, la composition des produits étant confidentielle.

Des centaines d’études sont ainsi mises à l’écart et ne seront jamais évaluées…

Nous avons également montré que l’évaluation de la fiabilité des études était faite de manière totalement non transparente et non équitable entre les études universitaires et celles de l’industrie. 

Au final, sur les quelques 7000 études universitaires retrouvées, seules 30 études, équivalent à 0.4% des études retrouvées sont jugées pertinentes et fiables sans restriction !

Aucune de ces 30 études n’a pesé dans l’évaluation des critères d’exclusion du règlement 1107/2009 (propriétés CMR et PE) et aucune n’a été considérée comme une étude clé pouvant conduire à la définition d’une dose sûre d’exposition. On peut donc factuellement conclure que la littérature scientifique publiée sur la toxicité/écotoxicité du glyphosate n’a pas influencé l’opinion des évaluateurs dans le RAR du glyphosate dans un sens différent de celui des études non publiées dans des revues scientifiques fournies par l’industrie elle-même.

En parallèle, nous avons montré que la qualité des études de l’industrie, en particulier les études de génotoxicité, montrent des failles méthodologiques importantes remettant en cause leur pertinence et leur fiabilité…

Cette situation nous apparaît comme totalement anormale. En conséquence nous demandons que le gouvernement français intervienne rapidement pour que la méthode de prise en compte des différentes études utilisées dans le cadre de l’évaluation du glyphosate au niveau communautaire soit d’urgence réformée. Il y a en effet urgence à élaborer et mettre en œuvre une méthode garantissant la prise en compte de toutes les connaissances scientifiques disponibles de manière équitable et transparente. » 

Dans Le Monde du 17 novembre, un article explique qu’en 2016, l’ANSES a enterré un rapport sur l’herbicide controversé. L’agence devait donner un avis sur la solidité des tests utilisés dans l’expertise européenne. « C’est la première fois que le gendarme français des pesticides fait ainsi disparaitre, hors de toute procédure, un projet d’expertise. »

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