La politique sociale du logement, vers la panne dans la métropole ?

Publié le 10 décembre 2021

La politique gouvernementale contre le logement social poursuit ses dégâts notamment dans notre agglomération. La mise en place en 2018 de la RLS (réduction du loyer de solidarité) permet à l’Etat d’économiser sur les APL versées aux locataires du logement social. Elle met les bailleurs dans une situation financière délicate, tout particulièrement les bailleurs dont le patrimoine de logements dans les quartiers politique de la ville (QPV) est important, comme ACTIS.

Puis la deuxième lame du rasoir est l’obligation du regroupement des bailleurs qui ont moins de 12 000 logements à gérer, comme ACTIS qui a donc l’obligation de se regrouper avec un autre bailleur avant fin décembre 2021.

Lors du mandat précédent à la Métro, un travail prospectif a été fait pour savoir quel serait le meilleur outil public pour porter une politique sociale du logement dans l’agglomération avec les nouvelles contraintes imposées par le pouvoir macronien.

Il a été montré que le regroupement d’ACTIS et de Grenoble Habitat (GH) dans une grande SEM contrôlée par la Métro était une solution, 70 autres organismes l’ont retenue en France. Elle permettait à la fois d’assurer un contrôle politique étroit de la question sociale du logement et de trouver de la respiration financière en récupérant des financements dans des opérations hors du logement social.  Le principe de la SEM Grenoble Habitat est de construire du logement social et en accession et dont les résultats financiers facilitent la construction et la rénovation lourde de logements sociaux. Seule une SEM agréée comme Grenoble Habitat le permet. Rester en dehors de cette solution revient à choisir un chemin plein d’embuches financières en privant la Métro d’un acteur puissant, sur une politique essentielle pour la majorité des habitants.

Mais la métropole qui doit piloter ce dossier a tardé et les élections municipales arrivant, il a été décidé d’attendre le nouveau mandat. Mais celui-ci a politiquement mal démarré avec l’absence d’une majorité politique claire après l’épisode tourmenté de la désignation du président de la métropole. Il aura fallu des mois pour retrouver un début de majorité conforme au vote des habitants de l’agglomération et cette majorité n’est toujours pas complètement stabilisée.

De nouveaux élu-e.s peu au courant des subtilités de la gestion du logement social ont eu beaucoup de mal à gérer cette situation qui manquait cruellement de clarté politique. Beaucoup trop de tergiversations, de propositions, de contestations, de pilotage par l’extérieur par des animateurs d’un collectif, dont les intentions semblaient s’adresser à diverses cibles. On est passé d’un projet de coopérative d’habitant.e.s à d’autres éventualités, mais toutes contre le projet initial d’un regroupement avec GH, SEM de la ville de Grenoble.

Pour que le tableau soit complet, il faut rappeler que de fortes résistances se sont faites jour en particulier à ACTIS où les personnels inquiets pour leur avenir, les syndicats et les associations de locataires ont mené une mobilisation contre la disparition de l’OPH, aidés par un collectif composé de gens divers qui ne proposaient rien d’autres que préserver le statut d’OPH à ACTIS, y compris en voulant rattacher cette structure à Alpes Isère Habitat, OPH du département. Ces acteurs ont œuvré pour convaincre que participer à une SAC avec AIH allait résoudre tous les problèmes de l’organisme rattaché à la métropole grenobloise. Un OPH a une indépendance de gestion avec sa collectivité de rattachement qui impose tout de même que la présidence d’ACTIS soit dévolue à un membre élu de la métropole. Concernant la métropole de Grenoble, qui oserait penser que la politique du logement conduite par le département et mise en partie en œuvre par son OPH est en parfaite harmonie avec la politique du logement de la métropole ?

Pour maintenir ACTIS dans la galaxie des outils métropolitains, il fallait le regrouper dans une SAC (société anonyme de coordination) avec Grenoble Habitat, qui aurait été pilotée par la métropole, laquelle a l’exclusivité de la politique du logement social sur son territoire. Pour que ce pilotage soit effectif et efficace, il était nécessaire que la Métro contrôle Grenoble Habitat en rachetant les 2/3 des actions de la SEM à la ville de Grenoble. D’où les délibérations successives de la Métro décidant d’une SAC entre ACTIS et GH puis la délibération de Grenoble autorisant GH à participe à une SAC à condition que la Métro rachète les 2/3 des actions de la ville dans GH. 

L’exécutif de la Métro a d’abord donné son accord de principe à la ville de Grenoble pour acheter les actions au prix indiqué (45 M€) qui était une estimation patrimoniale correspondant approximativement au montant des capitaux propres de GH.

Mais au lieu d’avancer rapidement dans cette direction, tout s’est figé, le temps s’est arrêté, mais l’échéance décisive imposée par le gouvernement pour la survie d’ACTIS est toujours fixée au 31 décembre 2021.

Tout dernièrement, le président Ferrari demande au maire de Grenoble d’accepter la SAC mais sans le rachat des actions de GH, oubliant que le maire d’une commune est lié par les délibérations de son conseil municipal. Eric Piolle a donc répondu à cette demande par la négative, il ne pouvait pas en être autrement. Cette demande la part du président était purement tactique, car tout ce qui va se passer maintenant, devant l’impasse et la probable prise en main de l’avenir d’ACTIS par le gouvernement, tout sera affaire de tactique politicienne pour savoir qui est responsable de ce fiasco politique qui aura des conséquences négatives sur la politique du logement social qui va probablement échapper de fait à la Métro.

Que va-t-il se passer maintenant ? Le Conseil d’administration d’ACTIS doit choisir s’il poursuit la construction d’une SAC avec GH ou s’il laisse le gouvernement lui imposer son avenir. Une SAC ne se construit pas en 3 semaines ! Un autre choix impossible pour des élu-es de gauche, écologistes et citoyens du conseil d’administration d’ACTIS serait de demander au département très à droite de faire une SAC entre ACTIS et l’OPH du département, qui aurait la faveur de nombreux opposants à la SEM, préférant un OPH bien à droite à une SEM pilotée par une majorité de gauche… Sinon, c’est le ministère du logement qui pourrait installer ACTIS dans une SAC nationale dite « sac-balai » et choisira ensuite qui absorbera à terme ACTIS. La logique de la loi Elan est de faire de grands bailleurs pour concentrer au maximum ce domaine pour permette à l’Etat de continuer à faire des économies.

Il est encore un peu tôt pour connaitre les bouleversements de la politique sociale du logement de la métropole. Elle risque de se retrouver amputée d’une capacité d’action en absence d’un outil de gestion piloté par elle et dans la grande difficulté de réaliser son PLH, lequel est tout de même une obligation que lui rappellera le préfet. On sait au moins qui va se réjouir de ce chaos, le gouvernement qui aura pris la main, et les grands groupes, privés ou semi-publics du logement social.

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