Les effectifs de l’administration territoriale de l’État ont fondu en 10 ans

Publié le 3 juin 2022

Le 31 mai 2022, la Cour des Comptes rend un rapport d’observation sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État entre 2010 et 2021. La charge est lourde contre les différentes politiques menées par Sarkozy, Hollande et Macron qui ont diminué les effectifs des administrations territoriales de l’Etat (ATE) de plus de 11 000 équivalents temps plein. Elle estime que ces suppressions de postes n’ont pas été « réalistes ». C’est-à-dire qu’elles ont conduit à des situations où la seule manière de pouvoir continuer d’effectuer les tâches essentielles est de recruter des vacataires en contrats courts, qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services.

La Cour des comptes se montre sévère : « Les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l’effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C’est le contraire qui s’est produit puisque la répartition des coupes n’a visé qu’à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l’évolution de la population ou de l’activité. » 

Pourtant on a un grand besoin d’une administration d’Etat performante dans les territoires pour accompagner les transitions. La réponse du ministère de l’intérieur à cette analyse est très brève : Les constats dressés par la Cour sont en effet très clairs… », mais il n’y a pas d’engagements précis et détaillés pour réparer les dégâts causés par 10 ans de libéralisme et d’appel aux cabinets privés.

« Les services de l’État territorial sont à un tournant de leur histoire. La réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) de 2010, qui a consisté à créer des directions régionales qui respectent les périmètres ministériels et des directions départementales qui agrègent des moyens relevant de plusieurs ministères, s’est suivie de dix années de réductions ininterrompues d’effectifs, conduisant à la perte de plus de 11 000 ETPT soit 14% de l’effectif initial. L’année 2022 marque la fin de cette trajectoire avec une stabilisation des emplois pour la première fois depuis au moins dix ans. Face à l’âge moyen, particulièrement élevé, des agents de l’ATE et au déficit d’attractivité de certains territoires, l’enjeu est désormais d’éviter que les postes préservés ne restent vacants faute de candidats.

Dans les préfectures, les suppressions de poste, qui ont représenté la quasi-totalité des réductions d’effectifs du ministère de l’intérieur, n’ont pas été réalistes. Les gains sur les missions prioritaires dégagés dans le cadre du plan préfecture nouvelle génération (PPNG) de 2016 ont été effacés par le maintien de réductions d’effectifs importantes après 2018. Aujourd’hui, les préfectures ne fonctionnent qu’au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services.

Dans les directions départementales interministérielles (DDI), l’appréciation des trajectoires d’effectifs doit prendre en compte les nombreux transferts d’effectifs et de missions. Pour autant, force est de constater que les ministères, notamment l’écologie et les ministères sociaux, ont principalement fait porter les suppressions de postes sur leurs services départementaux, au bénéfice des directions régionales qui ont été relativement épargnées. Des données plus fiables sont néanmoins nécessaires pour pouvoir l’affirmer définitivement, et le ministère de l’intérieur, qui a récupéré le suivi des DM’ en 2020, doit s’y atteler.

Les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l’effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C’est le contraire qui s’est produit puisque la répartition des coupes n’a visé qu’à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l’évolution de la population ou de l’activité. Le ministère de l’intérieur gagnerait à s’inspirer des méthodes pratiquées par les autres ministères de l’ATE pour évaluer des effectifs de référence en fonction du niveau d’activité attendu ou constaté.

Les réformes les plus récentes2 conduisent à renforcer la position centrale du préfet vis-à-vis des effectifs déconcentrés des autres ministères. Là où la RéATE avait cherché à concilier la logique verticale et ministérielle de la LOLF avec la logique horizontale de la gestion locale, cet équilibre s’est modifié au profit d’une interministèrialisation relevant du ministère de l’intérieur. Faut-il aller au terme de cette évolution en transférant l’ensemble des effectifs des DDI aux préfectures ? Si certains préfets s’y disent favorables, les ministères mettent en avant le risque de déresponsabilisation de leur administration centrale si les agents censés mettre en œuvre les politiques qu’ils décident ne relèvent plus de leur gestion. -11 763 ETPT entre 2012 et 2020, tous ministères, tous programmes et tous niveaux (régional et départemental confondus) 2 Soit la mutualisation des moyens et des fonctions support des DDI sous l’autorité du préfet, le transfert des emplois de directeurs de DDI des services du premier ministre vers l’intérieur et la faculté octroyée au préfet de région de redéployer jusqu’à 3% des emplois de l’ATE »

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