Le projet de loi de finances (PLF) 2023 va être prochainement déposé au parlement pour être débattu et amendé avant le 31 décembre 2022. Le gouvernement pourra éventuellement faire adopter ce projet par l’utilisation de l’article 49-3, l’équivalent d’une motion de censure. Certains points restent encore à préciser, mais on peut déjà dessiner ce qui va se passer pour les collectivités locales suites aux quelques discussions entre les associations d’élu-es et certains ministres ainsi que l’apport de diverses études.
A côté de la Loi de Finances, selon l’article 34 de la Constitution, le parlement débattra de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui va fixer une trajectoire d’évolution de l’ensemble des finances publiques pour au moins 3 ans regroupant l’Etat et ses satellites, la Sécurité sociale et les administrations publiques locales dont les collectivités locales. Le gouvernement envisage d’imposer aux collectivités une baisse de leurs dépenses de fonctionnement légèrement en dessous de l’inflation et une diminution de leurs dettes afin de présenter pour les années à venir des budgets qui entrent progressivement dans les critères de Maastricht. Or les collectivités locales sont vertueuses, contrairement à l’Etat, car les lois leur imposent une gestion très encadrée de l’argent public. Elles ne peuvent pas voter des budgets en déficit, ni s’endetter pour payer du fonctionnement. Elles ont l’obligation de rembourser leurs emprunts par des ressources propres, donc pas par de nouveaux emprunts. Elles doivent conserver une capacité d’épargne minimum. Comme l’indiquent les associations d’élu-es, les collectivités ne sont pas concernées par la dette publique, ni par le déficit de l’Etat. De ce fait elles ne peuvent pas être des vaches à lait pour un Etat incapable de bonne gestion financière ayant fait notamment le choix de baisser régulièrement les impôts, depuis des années, en particulier pour les plus riches et sur le capital, accélérant ainsi l’endettement et la dégradation des services publics essentiels (éducation, santé, logement social…)
Contrairement à l’Etat, de nombreuses collectivités ont entamé depuis de longues années des politiques d’économie d’énergie et de fluide. Par exemple la ville de Grenoble dépensait en 2013 presque 11 M€ de fluides et d’énergie alors qu’en 2021 ce n’était plus que 7,8 M€. Il serait totalement anormal que le bouclier tarifaire qui va s’appliquer aux particuliers et aux entreprises ne s’applique pas aux collectivités.
Les collectivités locales sont les piliers de l’investissement public, leurs dépenses d’investissement représentent plus des deux tiers de l’investissement public. Devant l’obligation d’investir fortement pour les transitions énergétiques et écologiques, il faut conserver aux collectivités le maintien d’une capacité d’emprunt importante donc leur permettre d’avoir une épargne suffisante pour investir à court, moyen et long terme.
Pour l’instant le gouvernement ne prévoit pas dans la loi de finances d’indexer sur l’inflation des dotations qu’il verse aux collectivités (notamment la Dotation globale de Fonctionnement DGF). L’association France Urbaine a produit une étude qui démontre que le gel de la DGF a couté aux communes 3,2 milliards d’euros entre 2018 et 2022. Or la DGF est un dû car historiquement elle avait pour objectif de compenser les charges déférées aux collectivités, or ces charges évoluent au moins comme l’inflation, de plus bien des analyses ont démontré depuis 1992 que la plupart des transferts de compétences l’ont été au détriment des collectivités.
Le bouclier tarifaire sensé éviter que le coût des énergies ne dérape trop, ne s’appliquerait qu’aux très petites communes (moins de 10 agents et moins de 2 millions d’euros de recettes) et encore, seulement pour l’électricité sur les tarifs règlementés donc par sur les tarifs du gaz pour les communes. En 2021 Grenoble a dépensé presque 5 M€ pour la consommation d’électricité des bâtiments communaux, du CCAS, de l’éclairage public s’il n’y a pas de bouclier tarifaire la facture pourrait dépasser les 16 M€ annuel si les tarifs ne sont pas régulés.
L’évolution du point d’indice de la fonction publique (3,5% en 2022), qui est une bonne chose pour les agents n’est pas compensé par l’Etat, ce qui alourdit considérablement les budgets des collectivités. Pour Grenoble cela représentera plus de 5 millions d’euros de dépense supplémentaire à personnel constant.
L’inflation qui explose depuis quelques mois ne va pas s’arrêter rapidement et les décisions prises par la BCE d’augmenter les taux d’intérêts va alourdir le poids des frais financiers issus des dettes des collectivités et va également alourdir les dépenses de fonctionnement, par exemple les charges en énergie qui traditionnellement pour les communes dérivent plus vite que l’inflation.
Des associations d’élu-es craignent un véritable black-out territorial avec des décisions très douloureuses d’avoir à fermer des équipements publics ou à diminuer leur fonctionnement. Les villes moyennes ou grandes portant des charges de centralité seront particulièrement exposées à ce genre de coupes franches.
Soulignons aussi que la structure des recettes d’une commune comprend environ 40 % de recettes qui ne suivront pas l’inflation. Des dépenses qui explosent et des recettes qui stagnent entrainent une chute brutale de l’épargne : cela pourra entrainer des mises sous tutelle pour les plus fragiles, et pour toutes, un ralentissement important des investissements c’est-à-dire une mise en cause de l’avenir du service public local.
Devant une telle situation, les parlementaires vont devoir corriger profondément le projet de loi de finances sinon les politiques publiques nécessaires aux transitions seront abandonnées au moment où il faudrait les accélérer si on veut maintenir le changement climatique à des niveaux acceptables.
Voir par exemple la nouvelle note de conjoncture de la Banque Postale qui analyse ce qui se passe dès maintenant et insiste sur l’impact très négatif pour les communes de l’inflation. Dès 2022 les charges à caractère général devraient s’envoler de près de 15 %. L’épargne brute des communes devrait reculer de 11,3%. Pour elles, le choc sera donc probablement supérieur à celui qu’elles avaient connu en 2020, du fait de la crise liée au Covid-19. En 2020 pour l’ensemble des communes l’épargne brute avait reculé de 8,3%, mais à Grenoble cela avait atteint 30 %. La hausse des investissements prévus pour 2022 est en trompe l’œil puisque cette hausse proviendra des augmentations des coûts.
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