L’Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable (IGEDD) vient enfin, avec près de 6 mois de retard, de rendre public son rapport intitulé « Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement. » L’IGEDD fait 11 recommandations au gouvernement.
Résumé :
« Les PFAS ou substances poly ou perfluoroalkylées comptent plusieurs milliers de molécules différentes, toutes de synthèse, dont plusieurs centaines font l’objet de multiples usages allant des émulsifiants pour la lutte contre les feux d’hydrocarbure au traitement de surface des métaux ou aux fluides hydrauliques. Ils sont caractérisés par une chaîne carbonée dont au moins un carbone est complètement substitué par des atomes de fluor. Peu connus, ils ne sont devenus un sujet de préoccupation pour la communauté scientifique et les pouvoirs publics que depuis une vingtaine d’années dans le monde et plus récemment en France.
Les risques liés aux PFAS nécessiteraient des actions de communication auprès de tous les publics. La stabilité chimique des PFAS en fait des substances non dégradées dans l’environnement, persistantes, mobiles et bioaccumulables, qualifiées de « polluants éternels ». La principale voie de contamination humaine et animale est la consommation d’eau, puis d’aliments, ainsi que l’inhalation d’air et de poussières. Leur toxicité est encore méconnue, mais des effets nocifs et toxiques sur le métabolisme humain ont été observés pour plusieurs PFAS et leur caractère cancérigène est suspecté. La France ne réglemente aucun PFAS dans le contrôle des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine. La réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS et leur suivi en banques de données est quasi-inexistant. Concernant le contrôle de la contamination des milieux aquatiques, seul le PFOS fait l’objet de fixation d’une Norme de Qualité Environnementale européenne. Il n’existe pas de réglementation européenne ni française portant sur les PFAS dans les sols, ni de critères de qualité des sols pour les PFAS. La situation est identique en matière de qualité de l’air. Les analyses de PFAS dans les eaux de surface et souterraines des réseaux des agences de l’eau sont stockées respectivement dans les banques de données NAIADES et ARES. Les données sont plus rares sur d’autres matrices : le PFOS et des fluorotélomères ont été détectés dans les sédiments, notamment au voisinage des aéroports ou de sites de lutte contre l’incendie. Les actions de correction à court ou moyen termes des pollutions par les PFAS passent par une identification hiérarchisée des sites potentiellement émetteurs de PFAS, anciens ou actuels. La mission a constaté, que de nombreuses recherches restent nécessaires sur les PFAS, justifiant la mise en place d’un réseau scientifique et d’un programme dédiés. Au-delà, la mission recommande l’établissement d’une feuille de route formalisée listant les actions à mener pour une meilleure maîtrise des contaminations par les PFAS. »
Les 11 recommandations de l’IGEDD :
Recommandation 1. Mettre en place au sein des réseaux scientifiques et techniques des ministères chargés de l’environnement et de la santé une mission de veille technologique et scientifique sur les progrès en matière d’analyse et de connaissance en toxicologie des PFAS et promouvoir à l’échelle européenne ou internationale, ou à défaut nationale, un nouveau programme de recherche dédié à ces domaines
Recommandation 2. Œuvrer pour une restriction dans le cadre de REACH conduisant à une interdiction d’usage, de production et d’importation de l’ensemble des PFAS, considérés comme une classe unique
Recommandation 3. Œuvrer pour l’adoption au plus tôt de normes européennes de qualité et de rejets (flux et concentration) dans l’eau et l’air et de normes de contamination des produits et déchets en PFAS
Recommandation 4. Achever l’inventaire des grands incendies d’hydrocarbures depuis les années 50 et sur les sites d’entrainement à l’utilisation de mousses AFFF civiles et militaires. Identifier les sites pouvant avoir pu être pollués par l’infiltration de mousses contenant des PFAS
Recommandation 5. Systématiser sur les principaux sites émetteurs en activité, en cessation d’activité ou à l’arrêt une recherche hiérarchisée des PFAS, avec mobilisation dans un premier temps de méthodes génériques (du type TOPA) ou analyse du risque de présence de PFAS, puis dans un second temps, là où auront été détectées des possibilités de contamination, mise en œuvre d’analyses spécifiques
Recommandation 6. Les gestionnaires de bases de données sur les PFAS dans l’environnement (OFB, BRGM, DGS) doivent œuvrer au rapprochement de leurs bases de données ou à la création d’une interface transparente au regard de l’origine des données
Recommandation 7. Faire connaître au public et aux acteurs de l’environnement la problématique des PFAS dans l’environnement et les risques qu’ils présentent, leur présence dans les produits de tous les jours ainsi que l’importance de la prise en considération de cet enjeu
Recommandation 8. Engager une opération nationale d’identification et de maîtrise des émissions de PFAS sur l’ensemble des sites émetteurs potentiels par arrêté ministériel et parachever l’action RSDE. Engager une démarche de maîtrise du risque sur chaque site émetteur identifié et sur les principaux enjeux contaminés : captages d’eau potable et zones d’aménagement urbain
Recommandation 9. Travailler en priorité sur la réduction à la source des émissions de PFAS (substitution dans le process, réduction des pertes, traitement au plus près de leurs émissions)
Recommandation 10. Sortir les déchets réputés contaminés par les PFAS des filières de recyclage et limiter l’acceptation de ces déchets aux seules installations adaptées : incinération à forte température (> 900°C, voire plus), « sarcophages », centres d’enfouissement de déchets garantissant l’élimination des PFAS rejetés dans ses lixiviats et émissions atmosphériques
Recommandation 11. Mettre en place une feuille de route formalisée sur les PFAS et un pilotage national par les administrations centrales du programme d’action qui en sera issu, avec l’appui des acteurs compétents.
Mots-clefs : biodiversité, environnement, risques chimiques, santé