Les observations de la CRC sur la gestion de la CCI de Grenoble

Publié le 22 septembre 2023

La chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au contrôle des comptes et de la gestion de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Grenoble (CCIT) pour les exercices 2016 et suivants, en veillant à intégrer, autant que possible, les données les plus récentes.

La CRC indique que : « Les achats hors procédures de marché sont encore trop nombreux et plusieurs procédures de mise en concurrence formalisées, ne respectent pas les obligations légales…

En méconnaissant les règles de publicité et de mise en concurrence du code de la commande publique et en portant atteinte aux principes de libre accès à la commande publique, la chambre et ses dirigeants s’exposent à des risques juridiques et contentieux.  On sent comme un certain parfum de favoritisme, de conflits d’intérêt …  Y aura-t-il des suites pénales ?

Dans ses recommandations la CRC demande notamment de « mettre en œuvre toutes les dispositions du règlement intérieur concernant les relations entre la CCIT et ses élus, pour prévenir dans les faits les situations de conflit d’intérêts… »

Elle rappelle : « La prévention des conflits d’intérêts

La prévention des conflits d’intérêts constitue un enjeu important dans une chambre de commerce et d’industrie dont les élus sont par nature des dirigeants d’entreprise pouvant être amenés à contractualiser avec la chambre consulaire.

À Grenoble, le sujet est sensible, suite aux poursuites engagées par le Procureur de la République en 2014 à l’encontre d’un élu accusé de prise illégale d’intérêts dans le cadre d’une transaction immobilière. L’arrêt de la Cour d’appel rendu dans cette instance, relevait notamment que « la commission de prévention des conflits d’intérêts de la CCI réunie le 10 septembre 2013, dans une composition qui n’était pas conforme au règlement intérieur et qui ne semblait pas avoir procédé à un réel examen du dossier, avait conclu à l’absence de situation de conflit d’intérêts, motivant son avis principalement par l’absence de relations contractuelles financières entre la CCI et la société en cause ». La commission ad hoc, qui avait été réunie après la décision de l’assemblée générale, n’avait donc pas joué son rôle…

Voici la synthèse de ce rapport :

« Établissement public de l’État, la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Grenoble (CCIT) appartient au réseau des 12 chambres territoriales de la région Auvergne- Rhône-Alpes.

Représentant institutionnel des entreprises, la CCIT assure également les trois missions majeures que lui confère l’article 710-1 du code du commerce, et notamment :

• la gestion de deux équipements (l’aérodrome du Versoud et le centre des congrès du « World Trade Center ») ;

• la formation initiale et continue, avec l’institut des métiers techniques (IMT), et sa filiale Grenoble École de Management (GEM), 8ème école supérieure de commerce dans les classements nationaux ;

• l’appui aux entreprises (centre de formalité d’entreprises, édition du magazine Présences, animation de plusieurs réseaux thématiques d’entrepreneurs avec « Ecobiz », accompagnement à l’international, par exemple).

La CCIT de Grenoble est la deuxième chambre territoriale de la région par son chiffre d’affaires, après la CCIT de Lyon Métropole – Saint-Etienne – Roanne. Elle tire l’essentiel de ses produits d’exploitation de son activité de formation professionnelle. L’IMT est, avec 2 200 apprentis par an en moyenne et plus de 4000 autres personnes formées, le plus important centre de formation consulaire de la région. Proche des besoins de l’appareil productif local, l’IMT propose un large éventail de formations qui affichent des résultats positifs en termes de réussite aux examens, de taux de ruptures sèches et d’insertion professionnelle. Le secteur de la formation fait l’objet d’un pilotage efficace sur le plan stratégique, avec des projets d’établissement triennaux co-construits avec les parties prenantes, comme sur le plan opérationnel, avec des réunions régulières du conseil de développement de l’établissement.

Ce fonctionnement collectif et les performances reconnues de l’IMT ont permis à la CCIT d’inaugurer en 2019 un projet technico-pédagogique, le « Learning Grid By Grenoble », démonstrateur et outil de formation très innovant dans le domaine de la gestion énergétique des bâtiments. Ce projet de 10 M€ a été autofinancé à 30 % par la CCIT, soutenu à hauteur d’1,2 M€ par Schneider Electric, partenaire du projet ; il a également reçu un soutien conséquent de la région et du second Programme d’Investissement d’Avenir (6 M€).

Le pilotage des autres activités de la CCI est en revanche très perfectible. Le projet de mandature réorientait les activités de la chambre consulaire vers une « société de services ».

Cette perspective reste peu traduite dans un plan d’actions qui décline objectifs et outils de suivi. Une réflexion stratégique devrait être engagée pour relancer l’activité de l’aérodrome du Versoud et celle du centre des congrès et pour redresser les résultats financiers déficitaires de Présences.

S’agissant de la gouvernance de l’établissement, la chambre observe un déséquilibre à corriger entre l’instance officielle de décision, l’assemblée générale, et le bureau, instance consultative qui s’impose de fait comme l’organe stratégique. Elle attire également l’attention de la CCIT sur la nécessaire sensibilisation de ses élus au risque de conflit d’intérêts, et l’invite à mettre en œuvre effectivement l’ensemble des dispositions de son règlement intérieur sur cette question importante.

Les pratiques de gestion de la CCIT sont correctes, mais le processus d’achat s’éloigne trop souvent des règles qu’imposent le code de la commande publique. Les achats hors procédures de marché sont encore trop nombreux et plusieurs procédures de mise en concurrence formalisées, ne respectent pas les obligations légales. La chambre a observé également des pratiques irrégulières dans la gestion de certains frais de déplacement, ce qui a conduit à des dérives coûteuses. La politique des ressources humaines est assurée dans le cadre particulier de la gestion des personnels des CCIT, qui s’exerce par délégation du président de la CCI régionale. Malgré des dossiers sensibles (un plan de départs volontaires et une vague de licenciements, qui ont permis de compenser la baisse des ressources fiscales), la CCI s’est attachée à développer une politique de formation soutenue et à accompagner la communauté de travail dans ces transformations importantes.

Dans un contexte marqué par la réforme du réseau des CCI, la baisse sensible de la contribution fiscale, la réforme de la formation professionnelle et de son financement, les crises sanitaires, la filialisation de l’école de management et plusieurs déménagements, la situation financière de la CCIT est saine.

La CCIT termine sa restructuration immobilière avec un faible niveau de dette, et le fonds de roulement reste à un niveau plus que confortable. Les produits de gestion sont élevés, grâce notamment au dynamisme de son appareil de formation. Cette situation favorable est aussi un élément de fragilité, dès lors que le niveau de financement de la formation dont bénéficie aujourd’hui l’IMT pourrait être réduit. La filialisation de GEM ne s’est pas traduite par une prise d’autonomie complète de l’école supérieure de commerce, ni par une montée en capital autre que la contribution de la CCI. À l’estime de la chambre, les échanges financiers entre les deux structures gagneraient à être clarifiés. »

RECOMMANDATIONS

  • Recommandation n° 1 : Mettre en œuvre toutes les dispositions du règlement intérieur concernant les relations entre la CCIT et ses élus, pour prévenir dans les faits les situations de conflit d’intérêts.
  • Recommandation n° 2 : Mettre en conformité le temps de travail des agents sous statut CCI avec la durée légale du travail.
  • Recommandation n° 3 : Mettre en œuvre effectivement les préconisations du guide interne de procédures des marchés publics.
  • Recommandation n° 4 : Arrêter une nomenclature de classification des achats moins détaillée, afin d’évaluer sincèrement l’ensemble des besoins et recourir aux procédures de marché correspondant aux montants des besoins évalués.
  • Recommandation n° 5 : Mettre fin aux achats récurrents de prestations de formations, hors marché.

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