La liberté de manifester est réaffirmée à Grenoble

Publié le 27 octobre 2023

Le 19 octobre 2023, le Préfet de l’Isère prend un arrêté interdisant le rassemblement organisé par l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) le samedi 21 octobre place Félix Poulat à Grenoble, intitulée « halte au massacre à Gaza, solidarité avec le peuple Palestinien »

Le préfet considère notamment « qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police administrative de concilier l’exercice du droit de manifester avec les impératifs de l’ordre public ; que le respect de la liberté d’expression, dont découle le droit d’expression collective des idées et des opinions, ne fait ainsi pas obstacle à ce que l’autorité investie du pouvoir de police interdise une manifestation si cette mesure est la seule de nature à prévenir un trouble grave à l’ordre public ; qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour prévenir les atteintes à l’ordre public ».

Le 20 octobre l’AFPS dépose un référé liberté au tribunal administratif de Grenoble au motif que « l’arrêté contesté est entaché d’illégalité dès lors que rien ne peut être reproché à l’association requérante et que le risque de trouble à l’ordre public n’est pas démontré ; l’AFPS organise depuis plus de 5 ans, des « Samedi De La Palestine », chaque premier samedi du mois (sauf décembre et juillet/août), rue Félix Poulat, pour informer la population. Ces actions s’effectuent dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public accordée par la Ville de Grenoble. Elles n’ont jamais donné lieu à des incidents. Par ailleurs, le collectif porté par l’AFPS condamne fermement les crimes de Guerre commis par des commandos du Hamas ; le préfet n’établit pas qu’aucune autre mesure que l’interdiction n’est susceptible de garantir l’ordre public. »

Le 23 octobre, le juge des référés du tribunal suspend l’interdiction, ce qui a permis au rassemblement de se tenir sans trouble particulier à l’ordre public. Il juge que « l’arrêté attaqué porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester et que l’association requérante justifie de la condition d’urgence ».

Un communiqué du tribunal donne les précisions suivantes :
« Après avoir fait état dans ses visas ainsi que dans les motifs de son ordonnance de ce que le préfet, auquel la requête avait été communiquée, s’était abstenu de produire de mémoire en défense et n’était pas présent à l’audience, le juge des référés rappelle d’abord que le respect de la liberté de manifestation doit être concilié avec le maintien de l’ordre public et que sa préservation peut conduire l’administration, sous le contrôle du juge, à interdire une manifestation.


Le juge des référés retient ensuite, que la seule circonstance qu’un évènement annoncé soit susceptible d’être l’occasion de troubles majeurs à l’ordre public, y compris en présence d’une menace terroriste, n’est pas de nature à justifier en toute circonstance une interdiction générale de manifester dans ses abords, dès lors que l’autorité administrative dispose des moyens humains, matériels et juridiques de prévenir autrement les troubles en cause que par une telle interdiction. Une mesure d’interdiction, qui ne peut être prise qu’en dernier recours, peut être motivée par le risque de troubles matériels à l’ordre public, en particulier de violences contre les personnes et de dégradations des biens, et par la nécessité de prévenir la commission suffisamment certaine et imminente d’infractions pénales susceptibles de mettre en cause la sauvegarde de l’ordre public même en l’absence de troubles matériels.
En l’espèce, le juge des référés observe que le préfet de l’Isère ne fait qu’énoncer des considérations générales liées au contexte international d’attaques terroristes en Israël et aux répercussions sur le territoire national.  En dehors de la mention d’une recrudescence des alertes à la bombe, aucune circonstance locale particulière au soutien d’une interdiction n’est indiquée.
Si l’arrêté fait état de la mobilisation extrême des forces de l’ordre, il n’apporte toutefois aucun élément de nature à démontrer qu’il n’est pas en mesure d’assurer le maintien de l’ordre public dans le cadre du rassemblement organisé par l’association requérante le 21 octobre 2023, qui doit, selon la déclaration en préfecture, se dérouler dans un cadre statique et pour une durée limitée à une heure.
Le juge des référés souligne encore qu’il ressort de l’appel à manifester que l’association organisatrice condamne les crimes de guerre commis par des commandos du Hamas contre des civils israéliens


Il en conclut que, l’arrêté attaqué porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester et que l’association requérante justifie de la condition d’urgence. »

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