Sécurité sociale de l’alimentation (SSA), vers une expérimentation à Grenoble

Publié le 9 février 2024

Une délibération-cadre, présentée par l’adjoint au maire Antoine Back et la conseillère déléguée Salima Djidel, a été adoptée par le conseil municipal de Grenoble, le 5 février, précisant les contours d’une initiative locale inspirée de la SSA : son contexte, son ambition, ses modalités.

Cette idée se développe et s’expérimente dans d’autres territoires que le nôtre :  s’inspirant en France du régime général de la Sécurité sociale, issu du programme « Les Jours Heureux » du Conseil National de la Résistance  et institué entre 1945 et 1967, ce droit à une alimentation de qualité serait garanti par la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale dédiée à l’alimentation, avec sa propre caisse alimentée par les prélèvements sur la richesse produite, gérée démocratiquement, dans le but de conventionner des produits considérés bons pour la santé des consommatrices et consommateurs, issus de modes de production environnementalement durables et justement rémunérateurs pour les actrices et acteurs des filières. Ce système permettrait à chacune et chacun d’avoir concrètement les moyens de se nourrir en quantité et en qualité suffisante, tout en garantissant des débouchés aux paysans et travailleuses et travailleurs des filières vertueuses.

Un collectif national appelle à l’expérimentation locale de mécanismes s’inspirant de la Sécurité sociale de l’alimentation afin de contribuer à la construction d’un système pensé par le bas, au plus près des besoins des consommatrices et consommateurs et des productrices et producteurs, reposant sur trois piliers : l’universalité d’accès, le conventionnement organisé démocratiquement, le financement basé sur la cotisation sociale.

La multiplication des expérimentations locales permettra de servir de plaidoyer national pour la réalisation d’un nouveau droit universel à l’alimentation.

A Grenoble l’important tissu local d’actrices et acteurs de l’alimentation et de la solidarité a déjà commencé à s’emparer du sujet sous différentes formes, via l’introduction de tarification sociale dans diverses structures de l’économie sociale et solidaire liées à l’alimentation, une volonté partagée de création de caisse de péréquation permettant d’amortir collectivement cette tarification sociale, ou encore la création d’un collectif SSA38. Une des conditions de réussite de tout mécanisme s’inspirant de la Sécurité sociale de l’alimentation est d’être coconstruit et porté par plusieurs parties prenantes : associations, syndicats, entreprises, collectifs citoyens, etc. Un enjeu fort est de coordonner ces dynamiques, de leur permettre de se rejoindre dans un cadre de travail commun, de trouver les modalités de concevoir ensemble, chacun à sa juste place, un mécanisme pérenne et sécurisé juridiquement comme dans sa gouvernance, puis de le mettre en œuvre.

Afin de sécuriser le déploiement de l’innovation sociale inspirée de la SSA sur son périmètre communal, la Ville de Grenoble s’est appuyée sur l’expertise technique et juridique de plusieurs bureaux d’études spécialisés et d’un cabinet d’avocats, l’étude de faisabilité juridique et méthodologique a porté sur un mécanisme de caisse de cotisation.

En s’appuyant sur l’étude de faisabilité et les différentes consultations, la Ville de Grenoble propose un mécanisme de SSA de type associatif : la façon la plus simple de porter la caisse de cotisation est une association loi 1901, en charge de la gestion de celle-ci. Cette caisse de cotisation serait abondée par ses membres, par des subventions publiques et par des financements privés. Les modalités de subvention publique par la Ville de Grenoble feront l’objet d’une convention d’objectifs et de moyens avec la structure associative. Cette caisse de cotisation a vocation à élargir son public cotisant, lequel saura être représentatif de l’ensemble de la population grenobloise.

Les grenobloises et grenoblois cotisant à la caisse recevront mensuellement de celle-ci une somme forfaitaire, laquelle sera utilisable pour se procurer des denrées alimentaires dans un réseau de distribution conventionné.

Regroupant les citoyennes et citoyens volontaires ainsi que des acteurs de l’alimentation et de la solidarité, la Ville de Grenoble et l’association portant la caisse de cotisation, une instance dédiée garantira la dimension démocratique de l’initiative locale de la sécurité sociale de l’alimentation. Cette instance démocratique, aura pour rôle de définir, de préciser et d’accompagner le fonctionnement de l’initiative locale de sécurité sociale de l’alimentation.

Les acteurs et actrices intéressé-es se rassemblent au sein d’une assemblée partenariale où trois premiers groupes de travail ont été définis :

  • Le groupe de travail « Mobilisation citoyenne » œuvre à l’émergence et à la pérennité d’espaces d’échanges et de discussions sur les pratiques et les besoins alimentaires et agricoles de la population grenobloise. Ces espaces émergeront dès 2024.
  • Le groupe de travail « Production et distribution » réunit des acteurs de la production et de la distribution pour organiser le conventionnement de l’offre alimentaire.
  • Le groupe de travail « Mécanique de la cotisation » élabore le système des cotisations en tenant compte des tranches de revenus des personnes ou des foyers.

Ce dispositif sera évalué :  la Ville mobilisera ses compétences internes, avec l’aide d’un comité scientifique regroupant savoirs académiques et compétences d’évaluation des politiques publiques.

La démarche d’analyse scientifique contribuera à l’interconnaissance entre initiatives locales sur les sujets de changement de comportements alimentaires, de transition du système agricole et alimentaire, des effets sur la santé et sur le lien social, etc. La construction de la connaissance bénéficiera à d’autres initiatives locales similaires ainsi qu’au plaidoyer national pour la réalisation du droit à l’alimentation.

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