Le vert et le rouge : l’émergence du mouvement écologiste grenoblois, fin des années 1960-juillet 1976.Suite

Publié le 14 mars 2024

Sous forme de série, chaque semaine, sont proposés des extraits de ce travail de recherche effectué par Josselin SIBILLE en 2012.

2. Des luttes environnementales pré-écologistes à Grenoble : 1970-1974

Des unions de quartier à la lutte contre les nuisances

On sait que les populations n’ont pas attendu les années 1970 pour lutter contre les nuisances et pollutions auxquelles elles étaient confrontées. À Grenoble, bien que ce ne soit pas là leur principal objet, les unions de quartier s’emparent très tôt de ces questions. Des années 1920 jusque dans les années 1970, les lettres à la municipalité abondent pour demander la suppression de tel ou tel dépôt d’ordures, l’application de mesures contre la fumée des usines, ou encore le déplacement des citernes de vidange de la ville, qui déversent leur contenu dans l’Isère et incommodent les habitants[1]. Une lettre de l’union des habitants de la Capuche, adressée au maire en 1960 pour protester contre les poussières répandues par l’usine FIT résume assez bien la manière dont les unions de quartier envisagent la lutte contre la pollution :

« N’ont-ils pas le droit, ces gens de condition modeste, qui sont devenus propriétaires de leurs appartements par nécessité, de respirer un air aussi pur que les autres ? Ces personnes ont d’ailleurs toujours pensé à juste titre que les collectivités, c’est-à-dire la ville, le département et l’État s’intéresseraient à leur sort et prendraient des mesures pour protéger leur santé. »[2]

On voit que les unions de quartier envisagent leur action uniquement en lien avec les pouvoirs publics, et que la lutte contre la pollution, loin de concerner la défense d’une nature ou d’un environnement abstraits, se confond avec la défense du quartier et de ses habitants. De là l’accent mis sur les questions de santé et les nuisances du quotidien : linge sali par les fumées, mauvaises odeurs…

Au tournant des années 1960 et 1970, sur le modèle des unions de quartier, et parfois même à leur initiative[3], on voit apparaître des associations d’un type nouveau, cette fois-ci exclusivement tournées vers la lutte contre la pollution et les nuisances.

On les retrouve essentiellement au sud de l’agglomération, là où sont implantées les usines les plus polluantes de la région. Ainsi, l’Union échirolloise contre la pollution et les nuisances, dite « union anti-po » et présidée par le communiste Robert Buisson, est créée à l’initiative des associations d’habitants d’Échirolles, afin dc se prémunir contre un projet d’extension de l’usine Progil. De la même manière l’association de Champagnier est fondée « pour obtenir la suppression de la pollution intolérable émanant de l’usine Distugil. »[4]En 1971, presque chaque ville du sud de l’agglomération possède son association de protection. Le 25 septembre 1970, elles se rassemblent au sein de la FISERG, Fédération intercommunale pour la sauvegarde de l’environnement de la région grenobloise. Comme les unions de quartier, elle se veut le trait d’union entre les habitants et les pouvoirs publics. En plus de campagnes d’information, elle recueille les plaintes des habitants puis les analyse afin de pouvoir intervenir auprès des autorités : pétitions, délégations, participation à des commissions. Elle participe par exemple à la commission préfectorale « pollution-nuisances » qui se met en place dès 1970[5].


[1] AM Grenoble, 1 O 533

[2] « Toujours des poussières autour de FIT », lettre de l’union des habitants de la Capuche au maire de Grenoble, 15/12/1960, AM Grenoble, 1 O 533.

[3] Défendre la vie, bulletin d’information de l’union échirolloise contre les nuisances et pollutions, n°1, septembre 1972, AD38 1844/1.

[4] Courrier dc l’Association de défense des habitants de la commune de Champagnier, mai 1975, Archives FRAPNA Isère, « Colline Verte ».

[5] Georges Mure-Ravaud, André Ortolland, op. cit. p.116

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