« Le vert et le rouge : l’émergence du mouvement écologiste grenoblois, fin des années 1960 – juillet 1976. » Suite

Publié le 22 mars 2024

Sous forme de série, chaque semaine, sont proposés des extraits de ce travail de recherche effectué par Josselin SIBILLE en 2012.

3. Les premiers écologistes : plutôt rouges que verts ?

Bien différente est l’optique du courant maoïste qui s’empare dès le début des années 1970 des questions environnementales. Juste après mai 68, Grenoble connait une période de très forte agitation gauchiste. Si quelques groupes trotskistes sont alors présents (AJS, Lutte Ouvrière) leur activité et leur audience restent très limitées[1]. Ce sont les maoïstes qui tiennent véritablement le haut du pavé, et plus particulièrement les branches grenobloises de la Gauche Prolétarienne (GP) et dans une moindre mesure de Vive la Révolution (VLR). Ils sont particulièrement bien implantés sur le campus, où ils multiplient les meetings, manifestations, distributions de tracts et actions plus radicales[2].

Dans un article récent, Philippe Buton s’est intéressé aux liens entre l’extrême gauche et l’écologie politique entre 1968 et 1978 en France. À la différence des autres chapelles d’extrême gauche, il note que la GP et VLR font figures de précurseurs dans la prise en compte écologiste. Néanmoins, il signale que leur influence sur le mouvement écologiste reste très limitée : « ni article de fond, ni réflexion globale ne furent menés par la Gauche Prolétarienne sur la question écologiste »[3]. Je voudrais montrer que de ce point de vue, la situation locale constitue véritablement une exception. ÀGrenoble, en effet, loin de s’enfermer dans un marxisme strictement ouvriériste, les militants de la Gauche Prolétarienne accordent très tôt une attention particulière aux questions de société : conditions de vie et de travail, logement, féminisme, antiracisme, handicap[4]… Et ce sont eux qui, dès 1971, développent les premiers à Grenoble un véritable discours politique sur l’environnement, et mènent les premières actions que l’on peut qualifier d’écologistes[5].

Depuis la dissolution de la Gauche Prolétarienne le 27 mai 1970 par Raymond Marcellin, les maoïstes grenoblois, emmenés par Pierre Boisgontier et Michel de Bernardy de Sigoyer évoluent au sein du Secours Rouge de Grenoble, réplique du Secours Rouge parisien. Il rassemble, au-delà des militants maoïstes : des enseignants du secondaire, des chercheurs et jeunes universitaires, des médecins et personnels médicaux, ou encore des journalistes. Au sein du Secours Rouge, on retrouve notamment Raymond Avrillier, militant de la gauche prolétarienne, future figure centrale de l’écologisme grenoblois, et Yves Lepape, ancien permanent du PSU et futur responsable des amis de la Terre de Grenoble. Tous les deux, ainsi que Pierre Boisgontier et Michel de Bernardy de Sigoyer sont chercheurs à l’IREP, Institut de Recherche sur l’Économie et la Planification.


[1] Entretien avec Raymond Avrillier, 26/03/2012 ; Michel de Bernardy de Sigoyer, la Contre-information dans les luttes urbaines : un système d’expression. Le cas de Grenoble, Thèse de sciences sociales, Université des sciences sociales de Grenoble, UER Urbanisation-Aménagement, 1980, p. 105.

[2] Au moins trois anciens militants maoïstes grenoblois ont donné un récit de ces années : Michel de Bernardy de Sigoyer, op. cit., Claire Brière-Blanchet, Voyage au bout de la révolution : de Pékin à Sochaux, Paris, Fayard, 2008 et Volodia Shashahani, dans une interview réalisée par le collectif grenoblois « les renseignements généreux », paru sur le site http://www.les-renseignements-genereux.org

[3] Philippe Buton, « L’extrême gauche française et l’écologie, une rencontre difficile 1968-1978 » Vingtième siècle. Revue d’histoire 2012/1 (n°113). p. 191-203.

[4] C’est ce que montre l’analyse des numéros de Vérité Rhônes-Alpes, AD38, PER1771/1

[5] Se référant notamment à Michel de Bernardy de Sigoyer (op. cit.), ce sont les militants grenoblois de Pièces et Main d’œuvre qui défendent en premier cette thèse dans un article intitulé : « Chimie, des « antipollueurs » aux écotechs », publié sur www.piecesetmaindoeuvre.com

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.