La CEDH condamne la Suisse pour inaction climatique

Publié le 12 avril 2024

Le 9 avril 2024, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté les recours de jeunes Portugais dénonçant l’inaction de leur pays et de 31 autres, face au changement climatique, ainsi que le recours de Damien Carême. Par contre et c’est une première, elle condamne la Suisse pour violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que pour violation de l’article 6 § 1 (accès à un tribunal). Cette condamnation va faire jurisprudence.

Voici des extraits du communiqué de la CEDH concernant la condamnation de la Suisse :

« Dans son arrêt de Grande Chambre, rendu ce jour dans l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse (requête no 53600/20), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à la majorité de seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, et, à l’unanimité, violation de l’article 6 § 1 (accès à un tribunal).

L’affaire concerne une requête introduite par quatre femmes ainsi qu’une association suisse, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz. L’ensemble des membres de cette association sont des femmes âgées qui sont préoccupées par les conséquences du réchauffement climatique pour leur santé et leurs conditions de vie. Les requérantes considèrent que les autorités suisses, en dépit des obligations que leur impose la Convention, ne prennent pas des mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique.

La Cour dit que l’article 8 de la Convention consacre un droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie. Constatant cependant que les quatre requérantes individuelles ne remplissent pas les critères relatifs à la qualité de victime aux fins de l’article 34 de la Convention, elle déclare leurs griefs irrecevables. Elle considère en revanche que l’association requérante est habilitée à agir en justice (locus standi) face aux menaces liées au changement climatique au sein de l’État défendeur, pour le compte de personnes pouvant faire valoir de manière défendable que leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie tels que protégés par la Convention se trouvent exposés à des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au phénomène en question.

La Cour conclut que la Confédération suisse a manqué aux obligations (« obligations positives ») que la Convention lui imposait relativement au changement climatique. Le processus de mise en place du cadre réglementaire interne pertinent a comporté de graves lacunes, notamment un manquement des autorités suisses à quantifier, au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, la Suisse n’a pas atteint ses objectifs passés de réduction des émissions de GES.

Tout en reconnaissant que les autorités nationales jouissent d’une ample marge d’appréciation quant à l’application d’une législation et de mesures, la Cour constate à partir des éléments dont elle dispose que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile et de manière appropriée afin de concevoir, élaborer et mettre en œuvre la législation et les mesures pertinentes en l’espèce.

En outre, la Cour dit que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer au grief de l’association requérante qui concerne la mise en œuvre effective des mesures d’atténuation prévues par le droit interne en vigueur. Elle constate que les juridictions suisses n’ont pas expliqué de façon convaincante pourquoi elles ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé des griefs de l’association requérante. Lesdites juridictions n’ont pas tenu compte des données scientifiques incontestables concernant le changement climatique et n’ont pas pris au sérieux les griefs formulés. »

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