La rénovation de l’éclairage public à Grenoble, le retour à un vrai service public et son importante amélioration

Publié le 12 avril 2024

Après définition des besoins en éclairage public et appel à concurrence, le conseil municipal de Grenoble approuve le 26 mai 2015 un marché public de Conception, Réalisation, Entretien et Maintenance (CREM) avec la société Citéos (Bouygues-Vinci) d’une durée de huit ans qui doit permettre de réaliser au moins 50 % d’économie d’énergie dans l’éclairage public grenoblois qui était en mauvais état, pour un coût global un peu inférieur à 15 M€ HT (valeur 2015). Cette délibération annonce qu’une régie municipale sera créée pour mieux gérer ce service de l’éclairage public, ce sera décidé le 22 juin 2015, la Régie Lumière, régie publique communale, assure la maîtrise d’ouvrage et le suivi du contrat avec Citéos.

En ce début 2024, les huit années se sont écoulées et le contrat élaboré par la nouvelle municipalité a tenu les engagements puisque la consommation annuelle d’électricité de l’éclairage public a été diminuée de 60 % passant de 12,4 GWh à 5 GWh. Le taux de panne qui était avant 2015 très élevé (entre 6 et 10%) est maintenant de seulement 0,4%. Le coût de l’énergie est passé de 1 M€ (valeur 2015) à 0,7 M€ (valeur 2023). Malgré l’inflation sur le prix de l’électricité le coût supporté par la commune baisse de manière significative.

La Régie Lumière a effectué un travail de contrôle efficace et a permis de faire des propositions au contractant qui ont amélioré la réalisation de la rénovation de l’éclairage public.

Un bilan très précis de toutes les opérations effectuées durant ces huit ans sera fait prochainement, comme l’impose le contrat, avec un rapport des services de la Régie municipale.

Il reste à rénover encore une partie de l’éclairage public, c’est pourquoi deux marchés publics ont été passés, après mise en concurrence, pour assurer la maintenance et l’exploitation (marché public avec GreenAlp, filiale de GEG) et réaliser les travaux programmés (marché public avec Citéos Bouygues). La Régie lumière (contrairement à ce qui a été annoncé par un média) poursuit sa responsabilité du service public de l’éclairage public, de maîtrise d’ouvrage, maîtrise des études et de la programmation pluriannuelle de travaux.

Une reprise de maîtrise communale du service public administratif de l’éclairage public, qui a été rendue possible par les actions que nous avons menées, pendant plus de vingt ans, pour mettre fin aux illégalités et favoritismes, et retrouver nos biens communs et notre service public illégalement concédé au privé (filiale de la Lyonnaise des eaux) et illégalement facturé aux usagers du service public de l’électricité.

Période Corrompu – Lyonnaise des eaux 1986-1994

En 1986, le maire corrompu a décidé de privatiser les services publics du gaz, de l’électricité et de l’éclairage public, en prononçant la dissolution de la Régie municipale du Gaz et de l’Electicité de Grenoble (REG) qui avait été solennellement remise en place à la Libération par le conseil municipal issu de la Résistance, alors que les collaborateurs de 1943 avaient déjà décidé de la privatiser au profit de la Lyonnaise de l’éclairage.

Ce maire, avec l’aide d’élu et directeur de la régie intéressés personnellement à l’affaire, a concédé le service public du gaz et de l’électricité de Grenoble, et l’éclairage public, à la Lyonnaise des Eaux, avant de vendre par corruption le service de l’eau et de l’assainissement. D’où la naissance dans des conditions suspectes de GEG (voir  ici).

Période Lyonnaise des eaux – MM. Destot Safar 1995-2010 

Nous avions engagé des actions, portées à partir de 1994 par Raymond Avrillier, pour faire valoir en droit nos droits, ceux des biens et services communs. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté irrégulièrement nos recours de 1994 en 1999 et son jugement sera annulé par la cour administrative d’appel en 2006 qui décide, après des considérations de fait et de droit parfaitement étayés ;

« Article 1er : Les décisions du maire de Grenoble de signer la convention d’avril 1986, les avenants n° 2 et 3 et le contrat d’apport, la délibération du 20 juin 1994 par laquelle le conseil municipal a approuvé le projet d’avenant n° 3, les jugements n° 942717, n° 9901340 et n° 9901415 [du tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 1999] en ce qu’ils rejettent les conclusions à fins d’annulation de ces décisions, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Grenoble de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité de la convention d’avril 1986, de ses avenants n°2 et 3 et du contrat d’apport dans les six mois de la notification du présent arrêt, si les parties ne justifient pas avoir conclu une résolution amiable dans ce délai. »

Le président de GEG, M. Safar, avec son actionnaire Lyonnaise des eaux, ont décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat et le maire de Grenoble, M. Destot fait de même, en prenant Me Thiriez comme avocat (l’avocat de Decaux). Ils vont se démener pour sauver la Lyonnaise des eaux devenue Engie, principal actionnaire privé de GEG.

Le Conseil d’Etat, le 31 juillet 2009 annule le bon arrêt du 11 juillet 2006 de la cour administrative d’appel de Lyon au motif que les conclusions du requérant contre la signature du contrat en avril 1986 seraient tardives parce qu’il aurait pu avoir connaissance du contrat lors de l’avenant de 1994, alors que ce n’était pas le cas.

Et, comme le demandait Me Thiriez, le Conseil d’Etat considère que la signature du contrat de concession avec GEG et la signature du contrat d’apport de la commune à GEG n’ont pas été autorisées avant par une délibération du conseil municipal mais que le conseil municipal les aurait « de fait approuvées par les décisions ultérieures !

Le Conseil d’Etat, grâce à l’entregent de Me Thiriez, a ainsi innové en considérant qu’une décision publique illégale pouvait faire l’objet d’une régularisation rétroactive, comme l’a, avec une certaine ironie, considéré Emmanuel Glaser, rapporteur public, dans ses conclusions le 11 décembre 1999 dans une autre affaire.

Après cette étonnante décision, il ne reste donc que l’illégalité du financement de l’éclairage public par les usagers et les contrats d’apport et de concession avec GEG pour la distribution du gaz et de l’électricité peuvent être maintenus à condition de rectifier la tarification en supprimant le coût de l’éclairage public pour l’usager. Le coût de l’éclairage public incombe à la ville, c’est-à-dire au contribuable.

Le Conseil d’Etat décide donc de seulement annuler la délibération du conseil municipal de Grenoble en date du 20 juin 1994 approuvant l’avenant n°3 à la convention d’avril 1986 avec GEG, la décision par laquelle le maire de Grenoble a signé cet avenant n°3, et les clauses tarifaires imposées aux usagers du service public du gaz et de l’électricité, et… se contente de donner un délai de 9 mois pour rectifier la tarification :

« Il est enjoint, d’ici au 1er mars 2010, aux parties aux stipulations contractuelles de les modifier d’un commun accord [la ville et GEG], dans le sens de la présente décision, ou à la VILLE DE GRENOBLE de résilier l’avenant n°3 et ses annexes. »

Au lieu de résoudre correctement la question posée et de revoir la tarification du service de distribution de l’électricité, MM. Destot-Safar ont décidé, avec la Lyonnaise des eaux actionnaire de GEG, de signer le 22 février 2010 un avenant n°6 qui ne change rien pour la tarification, ce qui est constaté en termes diplomatiques par la Chambre Régionale des Comptes.

La majorité de l’époque pour des raisons purement idéologiques (voir Notes) était totalement opposée à la création d’une régie municipale publique pour gérer ce service public.

Le tribunal administratif de Grenoble en 2016 puis la cour administrative d’appel en 2019, sur nos requêtes pour excès de pouvoir, vont annuler cette décision de 2010 ainsi que l’avenant n°6 avec GEG et les clauses tarifaires obtenues illégalement :

« la délibération du 22 février 2010 par laquelle le conseil municipal de la commune de Grenoble a décidé d’approuver les termes de l’avenant n° 6 à la convention du 11 avril 1986 et d’autoriser le maire ou son représentant à le signer, la décision du maire de la commune de Grenoble de signer cet avenant n° 6 ainsi que les clauses réglementaires relatives aux tarifs contenues dans l’avenant n° 6 sont annulées. »

Mais l’opération « sauver la Lyonnaise » n’est pas finie.

Période Lyonnaise des eaux – MM. Destot Safar 2010-2014

MM. Destot – Safar décident de prendre une nouvelle décision le 22 octobre 2012 en passant un nouveau contrat, tout aussi illégal.

Le tribunal administratif de nouveau saisi décide le 28 février 2017 que

« … la délibération du 22 octobre 2012 et la décision du maire de la commune de Grenoble de signer avec la société GEG la convention annexée à cette délibération sont annulées. »

Ce sera donc la Métropole à qui est transférée la compétence gaz et électricité, qui va devoir passer un contrat plus régulier avec GEG.

Parallèlement, il faut reprendre en responsabilité l’éclairage public. Le 22 octobre 2012, le conseil municipal lance un appel d’offres pour un marché public global de type « CREM » (marché public de conception, réalisation, exploitation, maintenance), pluriannuel.

Les candidats sont sélectionnés fin 2013 et les premières auditions se déroulent juste avant les élections municipales de 2014 qui vont porter une majorité de gauche et écologiste.

Période Régie municipale de l’éclairage public 2014 – …

La nouvelle majorité reprend les auditions des candidats et propose de diminuer la durée du contrat CREM à 8 ans, et d’augmenter les économies d’énergie à faire en passant de 30 % à 50 %, en augmentant le coût d’investissement au moment même où la ville était dans une situation financière très délicate.

La commission d’appel d’offres classe à l’unanimité (majorité et opposition) en premier le groupement piloté par Citéos (Bouygues-Vinci), devant celui piloté par GEG (Cofely Ineo-GDF-Suez).

En octobre 2014, la séance du Conseil municipal doit être interrompue suite à l’irruption dans la salle des personnels de GEG très inquiets pour leur avenir.

La ville a alors examiné dans le détail et dans un dialogue avec les personnels de GEG s’il était possible de transférer le personnel de GEG dédié à l’éclairage public dans une régie municipale qui reprendrait rapidement la gestion de ce service public. Mais il est vite apparu qu’il n’était pas possible d’intégrer les personnels de GEG avec leurs niveaux de rémunération et leur convention du personnel issus du statut des personnels des industries électriques et gazières. Les personnels de GEG affectés à l’éclairage public de Grenoble seront reclassés à l’intérieur de GEG, il n’y a donc pas eu de conséquence sur leurs emplois.

L’éclairage public de Grenoble était en mauvais état depuis des années. Des rues ne sont plus éclairées et l’éclairage coûte très cher en consommation électrique. Il était urgent de rénover profondément tout l’éclairage public qui est un marqueur d’une ville accueillante, sobre en énergie, non polluante, et sécure. La nouvelle majorité s’est engagée à réaliser un plan lumière sérieux avec comme objectif de réaliser 50 % d’économie d’énergie. Les décisions ont été prises lors des conseils municipaux de mai et de juin 2015.

C’est la régie municipale (Régie lumière) qui, chaque année, dans le cadre du montant annuel défini dans la réponse à l’appel d’offres valide ou non les travaux proposés dans le cadre du marché et contrôle leur exécution. L’avantage d’une régie par rapport à un service municipal, c’est la possibilité d’associer, dans le conseil d’exploitation, des personnalités extérieures qualifiées en plus des élu·es et services. Il y a alors un budget spécifique pour l’éclairage public ce qui permet aux Grenoblois de connaître dans le détail le coût réel de ce service public.

Notes :

M. Destot a été proposé par Engie (ex Lyonnaise des eaux) pour être administrateur indépendant d’une société du groupe Engie

M. Safar est devenu directeur de cabinet du président d’un groupe bancaire

M. Noblecourt, ancien membre du cabinet et adjoint de M. Destot est devenu un des directeurs d’un fonds d’investissement qui détient la Lyonnaise des eaux – Suez

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