Le vert et le rouge : l’émergence du mouvement écologiste grenoblois, fin des années 1960 -juillet 1976 : suite

Publié le 10 mai 2024

Sous forme de série, chaque semaine, sont proposés des extraits de ce travail de recherche effectué par Josselin SIBILLE en 2012.

10. La lutte du plateau du Peuil

En même temps que la bataille de la Colline Verte, un autre conflit contribue lui aussi – mais dans une moindre mesure – à l’émergence du mouvement écologiste grenoblois. Il s’agit de la lutte contre l’implantation d’un champ de tir sur le plateau du Peuil. On le verra, beaucoup d’éléments de ce conflit rappellent la Colline Verte. Dans les faits, ces deux conflits ne sont pas isolés l’un de l’autre et nombreux sont les militants qui manifestent à la fois sur la Colline Verte et sur le plateau du Peuil. L’affaire débute en juin 1974, lorsque la municipalité de Claix, située au sud de l’agglomération grenobloise, apprend que l’Armée et la Direction départementale de l’équipement envisagent d’installer un centre de tir sur le plateau du Peuil. Situé sur la partie haute de Claix, à environ 1 000 mètres d’altitude, il constitue « un lieu de promenade d’accès facile aux portes de la grande ville »[1]. À l’instar de la Colline Verte, le plateau figure lui aussi parmi les zones à protéger définies dans le SDAU de 1973. Une pétition ouverte en mairie contre l’ouverture du champ de tir recueille 1 500 signatures. Un comité de défense est constitué. Il réunit à la fois des représentants de la municipalité, des habitants et agriculteurs de la commune, ainsi que des militants écologistes. Les raisons de s’opposer au champ de tir sont nombreuses : outre la pollution de l’eau potable qui pourrait en résulter, les militants invoquent la sauvegarde de la nature, de la qualité de la vie, et la préservation des intérêts agricoles et forestiers des habitants.

La première action du comité consiste à empêcher l’accès du plateau aux militaires qui souhaitent y effectuer des tests, essentiellement sonores, avant toute décision finale d’implantation. Le 13 décembre 1974, un convoi de militaires est bloqué par des dizaines de voitures et de tracteurs. Les militaires et gendarmes sont contraints de se retirer. Le 15 décembre 1975, une première manifestation est organisée sur le plateau. Quelques jours plus tard, les militaires tentent pour la seconde fois, et par un autre accès de se rendre sur le plateau, mais se heurtent à un nouveau barrage des habitants. Des tours de garde sur les deux chemins d’accès sont alors mis en place. Pendant cinq mois, les habitants et militants du comité de défense se relaient pour prévenir toute nouvelle tentative d’intrusion. Le 19 janvier, soit un mois avant l’occupation de la Colline Verte, une grande manifestation pour la sauvegarde du plateau réunit 2 000 personnes. Après la manifestation, c’est le calme plat du côté des militaires. Au début de l’été, les tours de garde prennent fin. Ce n’est qu’à la rentrée que le conflit redémarre. Le 9 septembre, au matin, plusieurs camions de militaires et de gendarmes bloquent les routes d’accès au plateau, effectuent les tests de tir, et redescendent aussi vite. En réaction, le 12 octobre 1975, le comité de défense du plateau organise une grande fête sur le plateau. Des militants antimilitaristes, alors très impliqués dans le mouvement des comités de soldats, soutenu à Grenoble par la CFDT, se joignent à l’appel[2]. La fête rassemble près de 1 500 personnes. Quelque temps après, l’armée renonce à l’implantation de son champ de tir. Deuxième victoire pour le mouvement écologiste grenoblois.


[1] La Fosse n°1, AD38, PER 1996/1.

[2] Michel de Bernardy de Sigoyer, op. cit.

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