
Une étude réalisée sur huit villes françaises montre que les zones à faibles émissions (ZFE) impactent l’accès à l’emploi des plus modestes. Il faudrait donc accompagner ce dispositif visant à réduire la pollution atmosphérique de mesures supplémentaires afin que celui-ci ne se fasse pas au détriment des plus précaires.
C’est ce que propose un article de Charlotte Liotta, post doctorante à l’université de Barcelone dans la revue « The Conversation ».
Elle estime que les bénéfices des ZFE pour la santé sont largement prouvés, par contre l’impact sur les mobilités sont plus controversées : « Parmi les arguments fréquemment invoqués, les ZFE nuiraient au droit à la mobilité des habitants, et seraient mises en place trop rapidement pour permettre aux habitants de s’adapter, entraînant des mobilisations d’associations d’automobilistes et d’habitants. Elles sont de ce fait souvent qualifiées de « bombes sociales », génératrices d’exclusion car les habitants les plus pauvres seraient fatalement les plus impactés puisqu’ils possèdent souvent des véhicules plus polluants.
Pour se rendre compte de l’importance de ces controverses, il suffit d’observer le calendrier de mise en place des ZFE, qui a été modifié et retardé à de nombreuses reprises. À Grenoble, par exemple, l’interdiction des véhicules Crit’Air 2 a été reportée de juillet 2025 à 2028, afin de renforcer les alternatives de mobilité pour les habitants. »
L’étude présentée examine l’impact de ZFE affectant les véhicules de niveau Crit’Air 3 à Crit’Air 5 ou non classés. Elle montre que la ZFE de la métropole grenobloise a des impacts très importants sur l’accès à l’emploi, ce qui montre que les alternatives à l’utilisation des voitures ne sont pas suffisantes loin de là.« L’accessibilité aux emplois, c’est-à-dire le nombre de postes auxquels peut prétendre un individu en fonction de sa catégorie socioprofessionnelle et de son temps de trajet, joue un rôle social déterminant. Sans grande surprise, des recherches montrent qu’une faible accessibilité à l’emploi réduit les chances d’insertion professionnelle et accroît le risque de chômage de longue durée. Nous comparons ainsi l’accès aux emplois avant et après l’implémentation des ZFE pour six catégories socio-professsionelles (agriculteurs exploitants, artisans/commerçants, cadres/professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires, employés, ouvriers) dans nos huit villes.

Nos résultats montrent que les critiques faites aux ZFE semblent justifiées : les pertes d’accessibilité à l’emploi, pouvant être interprétées comme un pourcentage d’emplois qui cessent d’être accessibles suite à la mise en place des ZFE, sont importantes dans les villes qui ont mis en place des ZFE ambitieuses. Elles peuvent atteindre plus de 20 % en moyenne pour certaines catégories socio-professionnelles à Grenoble, Montpellier, Rouen, ou Strasbourg. De fait, après la mise en place de la ZFE, certains trajets domicile-emploi deviennent plus longs, car le domicile ou l’emploi sont situés dans la ZFE, car le ménage possède un véhicule polluant, et car l’alternative en transport en commun ou à pied est plus longue. En termes d’inégalités, les plus impactés sont les employés et les ouvriers (CSP5 et CSP6), dans 6 des 8 villes : Grenoble, Montpellier, Rouen, Strasbourg, Nice, et Toulouse. »
Mots-clefs : Déplacements, emploi, pollution atmosphérique, santé, solidarité