Application stricte de la loi dans l’affaire des assistants parlementaires du RN

Publié le 4 avril 2025

Sans surprise, le tribunal judiciaire de Paris a rendu son jugement en première instance sur le financement des assistants parlementaires du RN. La seule question qui agitait le landernau politique était de savoir si, concernant Marine Le Pen, la loi s’appliquerait, c’est-à-dire son inéligibilité immédiate.

Depuis les premières révélations de Médiapart il y a 12 ans, cette affaire s’étire en longueur. Le parti d’extrême droite s’enrichissait en finançant les postes de certains de ses permanents, en faisant travailler à son profit les assistants parlementaires payés par le Parlement européen. La justice reconnait qu’il ne s’agissait pas d’enrichissement personnel de Marine Le Pen ou de ses co-accusés, mais un enrichissement du RN qui ainsi gagne des marges de propagande et de diffusion pour gagner des voix.

Ce parti est condamné à 2 millions d’euros d’amende dont un avec sursis et doit verser 4,4 millions de dommages-intérêts au Parlement européen.

Marine Le Pen, elle, est condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire (application immédiate) et à quatre ans d’emprisonnement – dont deux fermes aménagés sous bracelet électronique.

En ce qui concerne son inéligibilité immédiate, le tribunal a prononcé l’application stricte de la loi qui impose l’exécution immédiate de de la peine d’inéligibilité sauf si « la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

Pour certains des prévenus, le jugement ne prononce pas d’application immédiate, mais pour Marine Le Pen, le délibéré du jugement précise :

« Enfin, la gravité des faits commis en sa double qualité d’élue et de présidente d’un parti politique de premier plan, ainsi que la situation personnelle de Marine LE PEN justifient également une peine complémentaire d’inéligibilité pour une durée de cinq ans, l’atteinte ainsi portée aux principes de la liberté d’être élu et de la libre expression définis par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 étant proportionnée à la gravité des faits sus-analysés et à la personnalité de leur auteur.

Il a été exposé supra le trouble irréparable à l’ordre public démocratique qu’engendrerait le fait qu’elle soit candidate, voire élue par exemple et notamment à l’élection présidentielle, alors qu’elle est condamnée pour détournement de fonds publics notamment à une peine d’inéligibilité en première instance et pourrait l’être par la suite définitivement.

Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’ordonner l’exécution provisoire de cette peine complémentaire d’inéligibilité.

Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public démocratique et de bonne administration de la justice. »

Marine Le Pen reste députée mais perd son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais. Elle a fait appel de cette condamnation. La Cour d’Appel de Paris a décidé que sa décision sera rendue d’ici l’été 2026.

Mais les prises de position de certains responsables politiques (jusqu’au premier ministre) critiquant la décision des juges est inquiétante, car il s’agit ni plus ni moins d’une attaque contre notre Etat de droit.

Une candidature présidentielle ne peut constituer un passe-droit ou un totem d’immunité, explique Paul Cassia, président de l’association Anticor, dans une tribune au « Monde ». Les critiques formulées par une partie de la classe politique contre le jugement rendu dans l’affaire des assistants du FN au Parlement européen sont non seulement infondées, mais portent atteinte à l’autorité de la justice et à son indépendance.

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.