
Le plan de relance gouvernemental était déjà très en deçà des exigences pour affronter les transitions écologique et énergétique, mais c’est encore pire pour les publics les plus fragiles comme l’indique Christophe Robert, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre dans un entretien à France urbaine le 12 janvier 2021.
Celui-ci insiste sur l’importance de la construction de logements sociaux, car le logement peut devenir un levier de reconstruction sociale et humaine alors que le plan de relance est muet sur cette question :
Le volet
« solidarité » et les mesures destinées à la politique sociale et aux
personnes défavorisées ne représentent que 1% du Plan de relance. Il y a un
énorme problème sur la place faite à la question des plus fragiles. C’est un
choix politique.
La logique du Gouvernement est la suivante : il faut des investissements
productifs et rapides pour relancer la machine. Mais on peut se poser la
question : quoi de plus dynamique sur les territoires et pour la création
d’emploi (tout en répondant à des besoins sociaux) que la construction de
logements sociaux ? Le Plan de relance est muet sur cette question. Depuis
3 ans, on observe des coupes importantes sur les moyens d’agir des bailleurs
sociaux comme sur les Apl. L’incompréhension est forte.
De son côté, la Fondation Abbé Pierre a débloqué des aides exceptionnelles
d’urgence dès le mois de mars et a participé fortement à la distribution de
repas, de chèques services, de kits d’hygiène et de mise à l’abri de personnes
sans domicile dans des hôtels sociaux. Bien que cela ne relève pas de nos
missions prioritaires. Mais les mesures d’urgence portées par les associations,
l’Etat ou les collectivités, aussi nécessaires soient elles, ne sont pas
suffisantes ; il faut agir davantage pour développer des réponses
durables. Les collectivités urbaines ont un rôle considérable sur cette
question, avec les CCAS, les CIAS, sur la domiciliation des personnes sans
domicile fixe, la distribution alimentaire ou encore l’accès au droit pour les
publics fragiles. Avec la Covid-19, de « nouveaux pauvres » sont
apparus et aujourd’hui, plus de 8 millions de personnes sollicitent l’aide
alimentaire. Cette situation ne doit pas durer et appelle un sursaut collectif
national.
Les métropoles et les grandes villes ont un rôle important à jouer aussi sur le
logement. Le logement est le premier poste de dépense pour les Français. Les
deux confinements ont mis en exergue les difficultés de la vie au quotidien
dans un petit espace, parfois avec une famille nombreuse, ou l’impact sanitaire
d’un logement insalubre ou mal chauffé. Les collectivités vont avoir des
réponses à apporter, via les offices fonciers solidaires, la construction de
logements sociaux, de pension de familles pour, au-delà de l’urgence, pour
apporter une réponse durable qui permettra d’appréhender plus efficacement les
prochaines crises. L’Etat doit favoriser la réponse sociale mais les choix
d’utilisation du foncier des collectivités est déterminant pour forger la ville
de demain, une ville vivable et diverse. La diversification sociale par la
diversification de l’habitat est à ce titre essentielle…
Le logement peut devenir un levier de reconstruction sociale et humaine central pour favoriser cette dynamique. Pour cela, la politique du « Logement d’Abord » est essentielle. Nous travaillons aussi à développer, en lien avec les différents acteurs de la solidarité, des outils plus efficaces pour combler les trous dans la raquette de la protection sociale, éviter de passer à côté de publics non identifiés et qui passeraient entre les mailles du filet.
Au-delà des aides que nous apportons pour les plus pauvres, il y a un véritable débat de société à avoir, autour de la fraternité, du vivre-ensemble. Sans quoi nous ferons face à l’urgence, sans comprendre pourquoi nous sommes dans cette situation. Quelle ville voulons-nous ? Pour qui ? Quelle solidarité pour demain ? Posons-nous collectivement les bonnes questions pour trouver ensemble les bonnes solutions. »
Mots-clefs : économie, état, social, solidarité