Pesticides, la guérilla juridique se poursuit

Publié le 16 avril 2021

Le maire de la Montagne (44) a pris le 11 janvier 2021 un arrêté « antipesticide », considérant que les pesticides, une fois déposés sont des déchets. Le 1er mars 202, le préfet de Loire-Atlantique a attaqué cet arrêté en référé liberté auprès du tribunal administratif de Nantes. Le préfet avait pris la voie du référé liberté (au lieu du simple référé suspension) qui impose que le juge se prononce très rapidement. Mais pas de chance le juge a retoqué le 5 mars par ordonnance la demande du préfet. Le préfet a alors pris la voie du référé suspension classique le 15 mars et le juge des référés lui a donné raison le 9 avril.

L’arrêté est donc suspendu mais il faudra attendre le jugement au fond pour savoir s’il est illégal ou non.

Le 22 février, le maire de Grenoble avait pris un arrêté similaire à celui de la Montagne, le préfet de l’Isère a déposé un référé suspension dont on ne connait pas pour l’instant le résultat, mais qui ne fait guère de doute.

Voici un extrait de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes :

« si les articles L. 2212-1 et L. 2212‑2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre…

Si les dispositions susvisées du code de l’environnement confèrent au maire un pouvoir tendant à obliger le détenteur ou la personne responsable de l’abandon de déchets, de procéder à leur enlèvement et de remettre au besoin les lieux concernés en leur état initial, les conditions et les limites de mise œuvre de cette police spéciale doivent nécessairement être appréciées en considération des autres polices, générales ou spéciales, concourant à la réglementation des produits susceptibles d’engendrer des nuisances pour l’environnement. A cet égard, les dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, lesquelles, eu égard à la nature de la police des déchets, sont d’interprétation stricte, n’ont ni pour objet ni pour effet de confier à l’autorité municipale une quelconque compétence pour définir de manière générale et absolue les méthodes et conditions de production, de détention ou de dépôt des substances qui seraient susceptibles, par nature ou par destination, de constituer un déchet, en dehors des qualifications déjà opérées en la matière par d’autres réglementations, sur lesquelles le maire serait susceptible de se fonder, ou des constats que ladite autorité pourrait être amenée à effectuer au cas par cas, sous le contrôle éventuel du juge administratif, dans les limites du territoire de sa commune. Ainsi, si les articles 1er et 2 de l’arrêté du 11 janvier 2021, par lequel le maire de La Montagne réglemente les dépôts sauvages de déchets et ordures, relevaient de sa compétence en ce qu’ils déclinent des prescriptions instaurées notamment par le règlement sanitaire départemental, en décidant, en revanche, d’interdire, dans l’article 3 de son arrêté, tout rejet de produit phytopharmaceutique hors de la propriété à laquelle ils sont destinés, alors qu’un tel produit n’est pas, par nature, qualifiable de déchet et que les conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant application tout comme les modalités de manipulation, d’élimination et de récupération des déchets issus de ces produits, ainsi que la définition des dispositifs et techniques appropriés à mettre en œuvre lors de l’utilisation pour éviter leur entraînement hors de la parcelle, ressortissent de la compétence exclusive du ministre chargé de l’agriculture, le maire de la commune de La Montagne a excédé les pouvoirs qu’il détient des dispositions ci-dessus rappelées. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé par le préfet de la Loire-Atlantique, tiré de l’incompétence du maire, paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. »

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