A Charvieu-Chavagneux (38), il y a confusion entre la gestion d’un mouvement politique et la gestion communale !

Publié le 3 mars 2023

Le maire d’extrême droite de Charvieu-Chavagneux, G. Dezempte, qui a déjà eu quelques ennuis judiciaires, est épinglé sévèrement par la Chambre régionale des comptes (CRC) pour avoir confondu la gestion communale et la gestion d’un mouvement politique, à savoir son propre mouvement politique et en soutenant la campagne d’Eric Zemmour. La CRC recommande (sans rire !) de « Mettre fin à l’utilisation de moyens municipaux pour la gestion du parti politique Ensemble Pour la France. »

La CRC a transmis ce dossier (le 25 mai 2022) à M. le Préfet de l’Isère, la présidente de la CNIL, la directrice Académique des services départementaux de l’éducation nationale et le directeur de l’URSSAF de Rhône-Alpes. Le parquet de Vienne a ouvert une enquête préliminaire contre X pour favoritisme, prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics et recel de ces trois délits.

N’oublions pas que ce maire a déjà eu affaire de nombreuses fois à la justice (voir en fin d’article).

Voici le paragraphe sur la confusion entre la gestion d’un mouvement politique et la gestion communale :

« L’acquisition de matériels

M. Dézempte a créé en 1998 le parti politique « Ensemble Pour la France » (EPF). La chambre a relevé une « porosité » entre la gestion du parti et la gestion communale s’agissant de l’utilisation des moyens de la mairie au profit d’EPF, notamment en matière informatique.

Pour illustration, le réseau informatique communal héberge des documents de gestion du parti (procès-verbaux des assemblées générales, listes des cotisants et donateurs, projets de tract, discours du président, courriers divers).

La commune et EPF ont acquis respectivement un dupli-copieur (le même modèle, d’après les factures) fin 2013, auprès du même fournisseur. Les factures font pourtant état d’écarts de prix significatifs qui interrogent, quand bien même tout fournisseur est libre de consentir des remises :

  • 2 033 € TTC pour le matériel acheté par EPF (matricule DD2232800040) ;
  • 12 575 € TTC pour le même matériel acheté par la commune.

Les factures d’entretien et de copies indiquent que la commune a pris en charge les paiements liés au matériel du parti, a minima en 2017, 2018 et 2019.

La commune n’ignore pas l’illégalité de cette prise en charge, comme l’illustrent les échanges en 2017 entre le DGS et le fournisseur auquel il est demandé de « refaire » une attestation à l’ordre du parti politique EPF, et non à la commune.

En réponse aux observations de la chambre, le maire de la commune a indiqué que c’est par négligence que le duplicopieur du parti EPF a été livré et stocké à la mairie jusqu’en septembre 2019, et que ce dernier a de fait été utilisé par la commune, pour ses besoins.

La chambre constate que cette confusion d’utilisation confirme l’irrégularité de cette situation.

La situation de fichiers informatiques

Le réseau informatique de la commune contient des comptes rendus de réunion, tracts et courriers, de listes nominatives des membres du parti, de ses adhérents et donateurs. La chambre a également relevé la présence de fichiers nominatifs, avec adresses et numéros de téléphone, intitulés marocains-vienne-2005.xls, liste-arméniens.xls ou petition-immigration-2005.xls, par exemple, dont la destination ou l’utilisation éventuelle interroge et qui sont en contradiction avec les règles de protection des données individuelles rappelées par la CNIL.

L’hébergement de bien d’autres fichiers à caractère politique (fichier des adhérents de partis politiques, notamment) et qui semblent dénués d’intérêt communal interroge également au regard de la protection des données personnelles, indépendamment de leur ancienneté.

En réponse aux observations de la chambre, un ancien directeur de cabinet a précisé que ces fichiers, très anciens, correspondaient à des listes d’adresses constituées pour l’invitation à des cérémonies officielles, listes parfois constituées à partir des fichiers électoraux. L’ordonnateur précise quant à lui que ces fichiers ont été détruits et qu’ils étaient stockés dans un répertoire non utilisé.

La chambre rappelle que depuis la loi du 6 janvier 1978, dite « Informatique et Libertés », la détention et l’exploitation de fichiers nominatifs est particulièrement encadrée. Dans sa nouvelle rédaction (1er juin 2019), son article 6 précise « Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique… ». Elle précise les dispositions à prendre dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD), qui renforcent les obligations des gestionnaires de données (Cf. Infra).

Il convient que la commune s’y conforme sans délai.

La mobilisation de l’administration communale

Le financement du parti est assuré en partie par des cotisations d’élus. Cette pratique est courante, mais la mobilisation des moyens de l’administration communale pour recouvrer ces cotisations interroge (appel à cotisation par courrier à entête de la mairie et signé du maire, demande de remise du chèque à la secrétaire du maire ; liste des cotisants constituée à partir d’un fichier transmis par le service des ressources humaines), implication de directeurs de cabinet dans la gestion d’EPF dans leur cadre professionnel.

Cette confusion entre commune et parti politique est manifeste pour l’accueil le 5 novembre 2021 d’un écrivain-polémiste au gymnase de la commune, initié par le maire, puis organisé notamment par le parti politique EPF. Des fournisseurs sollicités ont adressé leurs factures à la commune parfois libellées au nom de la commune (la chambre a pu s’assurer qu’aucune de ces factures n’a été payée par la commune). Pour clarifier les modalités de fonctionnement entre commune et parti, le directeur financier a précisé les règles par mail à l’adjointe en charge des ressources humaines.

L’accueil du polémiste a été assuré au gymnase municipal mis à disposition gratuitement par la commune, une délibération votée à l’unanimité le 2 novembre offrant cette possibilité à tous les candidats aux élections présidentielle ou législatives. La chambre souligne que le jour de la manifestation, la personne accueillie n’avait pas déclaré sa candidature à l’élection présidentielle (elle a été rendue publique le 30 novembre), et que dans ce cas, les organisateurs auraient dû s’acquitter d’une redevance. L’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) dispose en effet que toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique donne lieu au paiement d’une redevance.

Face à cette utilisation détournée des moyens municipaux, comme à la nature des informations stockées sur les serveurs de la commune, la chambre invite le maire à mettre bon ordre à ces dérives. »

Quelques exemples entre la justice et G. Dezempte qui montrent, malheureusement, la grande continuité politique des actions de ce militant d’extrême droite :

En juin 2000, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon le 13 mai 1998 validait le jugement du tribunal administratif de Grenoble qui avait annulé la délibération du 24 septembre 1997 par laquelle le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux avait décidé de consulter les électeurs de la commune sur la question suivante :  » Etes-vous d’avis, dans l’attente d’un grand débat national, que le maire se réfère à la notion de  » seuil de tolérance en matière d’immigration  » évoquée en 1990 par Monsieur le Président de la République, pour veiller aux équilibres de peuplement lors de l’attribution de logements H.L.M. ? « 

Auparavant, le Tribunal administratif de Grenoble avait annulé la délibération du 8 septembre 2016 du conseil municipal de Charvieu-Chavagneux au motif de discrimination. Cette délibération indiquait que seuls les réfugiés chrétiens seraient acceptés dans la commune.

En décembre 1992, la Cour d’appel de Grenoble juge qu’il y a délit de provocation à la discrimination à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée. En effet, G. Dezempte et autres avaient rédigés dans une circulaire électorale : « Les mosquées, l’Islam représentent un véritable danger pour notre société et n’ont rien à faire dans notre pays »

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