Discriminations ethno-raciales dans l’accès au logement social : un test des guichets d’enregistrement

Publié le 31 mars 2023

Les auteurs de cette note de recherche, de mars 2023, proposée par la Fondation Abbé Pierre alertent sur le non-respect du droit à l’information et les discriminations ethno-raciales dans le processus de demande de logement social, dans une étude basée sur une opération de testing.

La note confirme l’existence et le renforcement de « ghettos de riches et de ghettos de pauvres ». Les discriminations se manifestent davantage dans les communes les plus « favorisées », par leur composition sociale, par leur situation économique (faibles taux de chômage, taux de pauvreté, revenu médian élevé), par la tension du marché locatif local (zone tendue, soumise au rattrapage SRU). Conséquence, les demandeurs s’orientent vers les localités les plus défavorisées, ce comportement prend à contre-pied l’objectif d’égalité de traitement des demandeurs imposé par la loi et participe à la ségrégation sociale des quartiers.

Résumé de la note :
Nous mesurons les discriminations ethno-raciales dans l’accès à l’information des demandeurs de logement social sur la base d’un échantillon composé de 1 875 guichets d’enregistrement, soit près des deux tiers des guichets officiels en France entière. Entre avril et mai 2022, deux candidates ont envoyé à chacun de ces guichets des courriels indiquant qu’elles souhaitaient déposer un dossier de demande de logement social et sollicitant des informations sur les démarches à suivre. Les noms et prénoms des demandeuses suggèrent pour l’une une origine française et pour l’autre une origine d’Afrique de l’Ouest. Aucune autre information ne distingue les deux candidates.
Nous montrons d’une part que près de la moitié des guichets n’apporte aucune réponse aux demandes d’information des deux candidates, ce qui interroge sur la qualité du service public et sur l’un des objectifs principaux de la loi ALUR (2014) instaurant un droit à l’information et une équité de traitement du demandeur. D’autre part, parmi les guichets apportant au moins une réponse, plus d’un tiers ne répond qu’à une seule des deux candidates, le plus fréquemment à celle présumée d’origine française. Parmi les guichets qui apportent des réponses aux deux candidates, 22,6 % formulent des réponses différenciées à des demandes équivalentes : ils orientent de façon différente les deux candidates, ils accompagnent plus intensément la candidate présumée d’origine française, ou ils ajoutent des informations démotivantes pour la candidate présumée d’origine africaine. Les écarts de taux de réponse et de taux de réponse positive sont statistiquement significatifs. Au total, seulement 25,5 % des guichets répondent positivement et de manière similaire aux demandes d’information des deux candidates.
Les différences de taux de réponse et plus encore les différences dans le contenu des réponses sont essentiellement le fait des guichets gérés par les communes et non par les bailleurs sociaux. Ces discriminations se manifestent davantage dans les communes les plus « favorisées », par leur composition sociale (faible part des étrangers, des immigrés, des employés et ouvriers, des non diplômés), par leur situation économique (faibles taux de chômage, taux de pauvreté, revenu médian élevé), par la tension du marché locatif local (zone tendue, soumise au rattrapage SRU). Elles ont pour conséquences d’orienter les demandeurs vers les localités les plus défavorisées, et donc de ne pas contribuer à la diversité sociale du logement. Ce comportement prend à contre-pied l’objectif d’égalité de traitement des demandeurs imposé par la loi et participe à la ségrégation sociale des quartiers.

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.