La parodie de consultation en cours sur la rocade Nord est illégale

Publié le 28 juillet 2007

Conférence de presse du 27 juillet 2007
Par Raymond Avrillier et Vincent Comparat, porte parole de l’ADES

Ou comment les présidents du conseil général de l’Isère et de la chambre de commerce et d’industrie de Grenoble pratiquent le contournement de la loi, passent au-dessus des lois (en viaduc) et en souterrain

La justice ne peut fermer les yeux sur la démocratie bafouée

Depuis des années, une évolution continue des lois permet l’amélioration de la démocratie locale. Il est possible pour les collectivités territoriales d’interroger les électeurs sur des décisions qu’elles envisagent de prendre pour régler des affaires de leur compétence, soit par référendum, soit par consultation dont les modalités sont fixées aux articles L.1112-15 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT).

A partir du moment où il y a consultation des électeurs régulièrement inscrits sur les listes électorales, le conseil général doit respecter la Constitution, les lois et les règlements en vigueur, et les articles du code électoral qui s’imposent à cette consultation.

Le 25 mai 2007, la commission permanente du conseil général a pris une délibération qui de manière très générale indique qu’une consultation des électeurs d’une partie du département sera mise en œuvre fin juin, un questionnaire (qui n’est pas précisé) aura pour but d’éclairer les collectivités sur les attentes en matière de déplacements.

Cette délibération n’autorise pas le Président à organiser quoi que ce soit à ce propos.

De plus, n’ayant pas reçu délégation de l’assemblée délibérante pour décider ce type de consultation, la commission n’était pas compétente pour le faire. De très nombreuses illégalités entachent cette délibération du 25 mai 2007.

Nous avons déposé des recours contre cette délibération et des référés pour tenter d’arrêter cette consultation en demandant la suspension et l’annulation de cette décision clairement illégale. Le juge des référés a estimé par ordonnances fin juin qu’il n’y avait ni urgence ni caractère décisionnel à cette consultation. Mais ne s’est pas prononcé sur la légalité de la délibération.

Début juillet des électeurs (pas tous !) ont reçu une enveloppe à leur domicile dont le contenu n’a jamais été décidé par les élus du département, il n’y a d’ailleurs aucune référence à une quelconque décision prise, à ce sujet, par les élus du département !

Il s’agit donc d’une décision personnelle du président du conseil général prise avec ses partenaires, partisans de la rocade Nord, dont la CCI, le MEDEF et la CGPME !

Ni l’assemblée délibérante du conseil général, ni sa commission permanente, ne se sont prononcées sur :

  • les questions posées aux électeurs et la rédaction du questionnaire,
  • les documents envoyés aux électeurs accompagnant le questionnaire,
  • le système de codage des enveloppes T pour répondre,
  • les modalités précises du déroulement de l’opération électorale dont le retour, le dépouillement et la validité réponses, la durée de la consultation…

Nous avons demandé au président du conseil général de nous transmettre une copie de la décision administrative qui l’autorise à faire cette opération, et de sa décision, qu’il a pris seul, de demander aux électeurs d’une partie du département de répondre à un questionnaire qu’il a fixé, notamment sur le projet de rocade Nord de Grenoble, au vu de son « document synthétique d’information sur le projet de rocade Nord de Grenoble », et avant le 10 ou 11 août 2007. Il ne nous a pas répondu.

Mais les faits sont là, il y a eu envoi aux frais du département de documents demandant aux électeurs de répondre à 4 questions, dont 3 ne servent à rien puisque le PDU a été arrêté le 2 juillet par le SMTC et répond à ces questions. Quelque soit les réponses à ces trois questions, elles ne pourront rien changer à la politique du Conseil général.

Par contre la question n° 3 a une importance cruciale puisque le président du conseil général a dit à plusieurs reprises qu’il suivrait les réponses des électeurs à cette question. La réalisation ou non de la rocade Nord sous maîtrise d’ouvrage du département dépend donc du vote des électeurs.

Cette décision personnelle du président du conseil général est évidemment complètement illégale puisqu’il n’a reçu aucune autorisation de l’assemblée départementale pour le faire.

Le président du conseil général est incompétent pour mener cette opération de propagande en dehors de toutes les règles.

Un passage en force en dehors de toutes les règles.

Les modalités de cette consultation violent la Constitution, des lois et règlements codifiés dans le code général des collectivités territoriales et le code électoral.

Pour ne prendre que quelques exemples : c’est un conseil élu qui doit décider de la question posée, la délibération doit être jointe à la consultation ; il est interdit de faire voter par correspondance, les électeurs doivent signer une liste d’émargement et prouver leur identité…

La décision contestée du président du conseil général de l’Isère porte atteinte au secret du vote, à son égalité, son universalité (qui sont trois exigences constitutionnelles). Les enveloppes de vote sont personnalisées ce qui atteint le secret du vote. Des personnes régulièrement inscrites sur les listes électorales n’ont pas reçu le matériel. Comme il n’y a pas de liste d’émargement, personne ne peut être sûr que son vote a été enregistré et il n’y a aucune garantie que des personnes n’ont pas voté pour d’autres car il n’y a pas le contrôle d’identité du votant…

Une autre liberté fondamentale est violée : le principe du pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, car le seul point de vue exprimé dans le matériel envoyé aux électeurs est celui du président du conseil général.

Par sa décision personnelle, le président du conseil général a empêché le préfet d’effectuer le contrôle de légalité prévu spécialement par la loi pour ce genre de consultation (L 1112-17 du CGCT). Cette opération viole les droits et devoirs des maires d’organiser un scrutin légal.

La décision organise des manœuvres visant à induire en erreur les électeurs et porte atteinte aux principes de loyauté, de clarté et de sincérité dans l’appel aux électeurs.

Une question qui est en elle-même une scandaleuse manipulation

La question n°3 du questionnaire du président du CGI est la suivante :

« Pensez-vous que la réalisation de la rocade-Nord de Grenoble, pour réduire les « bouchons » et pour diminuer le trafic urbain, soit : 1- indispensable, 2- utile, 3- inutile.»

Cette question, avec la propagande unilatérale qui l’accompagne, constitue une manœuvre visant à obtenir une réponse de l’électeur dans un sens favorable à la réalisation de la rocade Nord de Grenoble.

Le libellé de cette question n° 3 contient des affirmations inexactes et contestables. Il est affirmé que la réalisation de la rocade proposée par le Conseil général sera faite pour réduire les bouchons et pour diminuer le trafic urbain. Or les études officielles de trafic utilisées par le conseil général pour justifier cette rocade montrent que ces affirmations sont fausses (voir les études réalisées par l’AURG sur le site internet du Conseil général : www.isere.fr).

Il y a trois réponses possibles à la question n° 3 du président du CGI, dont deux positives et une négative, ce qui favorise une réponse positive. La seule réponse négative est « inutile ». Or personne, sauf à marquer sa protestation contre ce plébiscite, ne peut considérer que le projet de rocade Nord de Grenoble « ne présente pas d’utilité pratique », « n’apporte rien », « ne sert à rien » (suivant les définitions du qualificatif d’inutile par les dictionnaires dont Le Petit Larousse, Le Petit Robert). Même une arme est utile !

Cette question n°3 du président du CGI censure le fait que la rocade Nord de Grenoble projetée par le président du CGI, celui de la chambre de commerce et leurs associés privés, est à péage. « Il y aura un péage », ceci a été affirmé à de nombreuses reprises par les représentants du conseil général, devant les médias ou lors de réunions publiques. La réponse à la question n°3 serait évidemment très différente si la rocade est avec ou sans péage.

Le fait d’avoir volontairement censuré cet aspect important du péage vise à induire en erreur l’électeur et constitue une manipulation du vote.

Des publicités commerciales massives et irrégulières

Un grand nombre d’affiches grand format ont été apposées, pendant toute une période du mois de juillet, sur les abris bus et au arrêts de tram qui sont des panneaux publicitaires, reprenant la première page de la plaquette de propagande unilatérale diffusée aux électeurs par le président du CGI. Cette propagande publicitaire a été financée par utilisation irrégulière des finances publiques.

De son côté, la chambre de commerce et d’industrie de Grenoble (CCIG), qui est un établissement public, qui a été étroitement associée à toutes ces opérations par le président du CGI, diffuse depuis plusieurs semaines sur son écran lumineux disposé sur le bâtiment public de la CCIG lisible sur la voie publique, un message appelant à voter oui à la rocade Nord, et utilise les fonds publics de la chambre de commerce pour des publicités dans la presse « Rocade Nord : c’est le moment de dire oui. www.stopbouchons.fr, www.ouialarocade.fr ».

Ces moyens de propagande, destinés à donner une image unilatérale et très positive du projet de rocade Nord, visent à influencer les électeurs dans leur réponse à la question n° 3 du questionnaire. Ces affichages publicitaires effectués durant la période ouverte à la consultation sont irréguliers en référence au code électoral.

Nous ne sommes pas les seuls à protester contre ces agissements :

Les conseils municipaux et les maires de La Tronche et Saint-Martin-le-Vinoux ont clairement fustigé la pseudo-consultation en cours : « Ce pseudo-référendum est entaché d’irrégularités notoires, notamment dans la formulation et la diffusion du questionnaire. Des dizaines de plis, adressés à des femmes sous leur nom de jeune fille, ne sont jamais arrivés à destination… » « la consultation n’est pas démocratique : distribution erronée, publicités faites par la chambre de commerce et le MEDEF… » (conférence de presse des deux maires le 13 juillet 2007)

Par sa délibération du 9 juillet 2007 prise à l’unanimité, le conseil municipal de La Tronche a contesté formellement la méthode et les modalités de cette consultation lancée en ces mois de juillet – août 2007 :

« Considérant…

que la consultation lancée précipitamment par le Conseil Général, au coeur de l’été, appelle de nombreuses réserves parmi lesquelles :

  • diffusion de questionnaires non rigoureuse (destinataires n’existant pas, électeurs non consultés, doubles envois…),
  • consultation entretenant la confusion entre le principe d’une rocade (le questionnaire) et le projet d’un tracé (document de présentation joint),
  • aucun espace alloué à des expressions alternatives au projet présenté par le Conseil Général,
  • questionnaire construit unilatéralement autour de questions orientées et fermées et dont les réponses sont induites,…

Vu la méthode et la structure de la consultation lancée à ce sujet, en juillet / août 2007.…

Considère que la méthode, la structure et la mise en oeuvre de cette consultation ne permettent pas de légitimer quelque résultat que ce soit et à fortiori, au Conseil Général, de prendre une quelconque décision à partir de cette consultation. »

Devant l’ensemble de ces manœuvres, manipulations et illégalités qui atteignent les libertés publiques, de nombreux intérêts publics, des libertés fondamentales, nous avons maintes fois demandé au président du CGI (1) de suspendre cette décision, et d’apporter de garanties sur le secret, l’égalité et l’universalité du vote… sans réponse à ce jour.

C’est pourquoi nous avons déposé le 26 juillet 2007 des recours en annulation devant le tribunal administratif, avec un jeune électeur qui n’a pas reçu de matériel de vote et qui l’a demandé sans succès.


1 Membre de la Commission des lois et juge à la Haute Cour de Justice.

« Notre démocratie a besoin d’équilibre car il n’est pas sain qu’un seul camp concentre trop de pouvoirs.

Pour une justice qui lutte contre le sentiment d’impunité, il faut qu’elle ait les moyens de faire exécuter rapidement ses décisions,

Pour une justice qui ne soit plus faible devant les forts et dure avec les faibles, il faut instaurer une justice égale pour tous, impartiale, indépendante et libérée des pressions politiques. »
(extraits de la profession de foi de M. André Vallini, député)

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4 commentaires sur “La parodie de consultation en cours sur la rocade Nord est illégale”

  1. […] La Compagnie de chauffage pratique des tarifs excessifs et les habitants se retrouvent avec des régularisations de charges qui dérapent violemment. De nombreuses protestations se font jour. […]

  2. […] la critique cinglante contre la consultation bidon de l’été 2007 […]

  3. […] Il y a eu une véritable participation citoyenne mais la commission « regrette » que les termes « rocade » et « réduction des bouchons » aient été associés dans la consultation citoyenne de l’été 2007 : la commission reprend donc les fortes critiques des écologistes sur les manipulations de cette consultation. […]

  4. […] l’avis des habitants, pourtant il avait dépensé des centaines de milliers d’euros pour une consultation bidon lors de l’été 2007. Vous vous souvenez : préférez vous être riche et bien portant que pauvre et malade […]