La dure leçon de l’éclairage public

Publié le 17 octobre 2014

Grenoble nuitAu conseil municipal du 20 octobre, la ville devrait confier pour 8 ans à la société CITEOS (aidée par Vinci et Bouygues et non à GEG aidé par GDF-Suez), la rénovation totale du réseau d’éclairage public dont s’occupait auparavant GEG depuis 1986. La ville ne peut que suivre le choix de la commission d’appel d’offres (CAO) ; pour ne pas donner suite il aurait fallu reprendre le dossier bien en amont afin de ne pas s’exposer à des contestations juridiques lourdes (voir plus loin). Le choix de la CAO a été fait à l’unanimité des représentants de la majorité et des oppositions (PS et UMP). Il n’y a aucune raison pour estimer que la procédure n’a pas été correcte.

Il est très inquiétant de voir des responsables politiques ou syndicaux indiquer qu’il aurait fallu que la majorité municipale torde la légalité pour que la SEM GEG obtienne tout de même un marché où elle a été moins performante qu’une autre société !!! Dans quel monde vit-on ? La corruption a déjà été jugée à Grenoble, il ne faudrait pas la voir revenir. L’ancienne majorité a monté tout ce dossier de A à Z, qu’elle ne s’en prenne qu’à elle-même si elle n’est pas satisfaite du résultat. Le président de GEG en tant que conseiller municipal ne peut participer à aucune phase de l’instruction ni à la décision sinon il peut être accusé de prise illégal d’intérêt.

La ville qui a laissé la gestion totale de l’éclairage public à GEG n’a pas réellement préparé la seule alternative correcte pour éviter des mises en concurrences dangereuses : la création d’une régie pour l’éclairage public (dès 2009-2010) qui aurait eu le temps d’acquérir la compétence pour concevoir un vrai programme de travaux et ensuite passer des marchés de réalisation où GEG aurait été bien placée pour disputer ces marchés ayant la parfaite connaissance du terrain.

L’ancienne majorité a décidé le 22 octobre 2012 de lancer un marché public global de « Conception, Réalisation, Exploitation et Maintenance » (CREM) des installations d’éclairage public selon la procédure du dialogue compétitif.

C’était la reconnaissance que la ville avait perdu depuis 1986 la compétence technique et stratégique dans le pilotage de ce service. En effet, une circulaire précise dans quel contexte utiliser la procédure de dialogue compétitif : « En cas d’incapacité à définir précisément les moyens propres à satisfaire les besoins. »

L’ancienne majorité n’a pas voulu que la ville prenne le temps d’acquérir la capacité de conception qui lui aurait permis de piloter totalement la politique voulue par elle ; ainsi elle achoisi de laisser tout entre les mains de GEG (piloté par son actionnaire privé), pensant que sa situation de quasi-monopole la protégerait ; elle s’est alors elle-même passée le nœud coulant autour du cou. C’était tenter un banco total, ce qui était hautement dangereux : on ne joue pas à la roulette russe avec le service public !

Il est malheureusement apparu que les propositions de GEG-GDF-SUEZ n’ont pas été compétitives par rapport à celles de l’autre concurrent (c’est reconnu par le PS et l’UMP dont les représentant ont jugé de cela dans la CAO) et que la SEM n’a pas su rivaliser correctement, n’ayant pas été préparée à cette nouvelle situation par son ancien président (J. Safar).

Faire croire que la solution SEM est supérieure à celle d’une régie, débouche parfois sur de cruelles désillusions. Il y a toujours intérêt à ce que les collectivités gardent elles même les compétences essentielles pour assurer une gestion optimale du service public.

Cette nouvelle situation pose des problèmes délicats à GEG et à son personnel. Le président (V. Fristot) a immédiatement indiqué qu’il n’y aurait pas de licenciements et qu’il faudra faire toute la lumière pour comprendre ce qui s’est passé alors que GEG était à priori en position beaucoup plus favorable, étant l’opérateur actuel du service.

Est-ce que la ville pouvait ne pas donner suite à la décision de la Commission d’Appel d’Offres ?

La CAO est seule compétente pour décider l’attribution du marché public à une société en fonction de critères publics définis dans le cahier des charges de l’appel d’offres. Si la décision de la CAO ne convient pas au conseil municipal, ce dernier peut décider de ne pas donner suite. Cela est simple dans le cadre d’un marché classique où la ville peut relancer rapidement un autre appel d’offre. Mais dans le cas d’une procédure de diagnostic compétitif comme celle engagée, pour un marché global de « Conception, Réalisation, Exploitation, Maintenance » où il est demandé aux prétendants au marché un effort d’innovation dans les solutions et même de définir les meilleures solutions, il y a alors un apport intellectuel important de la société qui a emporté le marché. Arrêter la procédure qui dure depuis presque 4 ans et qui est allé au fond des choses, signifie une possible paralysie pour la ville. Cela supposerait de relancer tout un travail de redéfinition d’objectifs différents, avec des technologies et des choix différents de ceux qui ont été proposés, ce qui est évidemment très difficile puisque la méthode choisie était justement destinée à aller au fond des choses et de faire émerger les meilleures solutions ! Utiliser des solutions préconisées par la société qui a obtenu le marché, et qui a été la plus innovante, serait un pillage d’idées qui lui appartiennent, ce qui est totalement illégal. Donc abandonner ce marché, est très risqué pour la ville qui va devoir laisser l’éclairage public pour encore longtemps dans le mauvais état où il a été laissé par 28 ans de gestion privée et qui est une passoire énergétique. La solution adoptée à cause du choix de l’ancienne majorité d’une mauvaise procédure, assure au moins qu’au bout de 8 ans le réseau sera entièrement rénové et que la ville fera d’importantes économies d’énergies et pour un coût raisonnable. Il est toujours possible de prendre un mois de réflexion supplémentaire pour bien mesurer les conséquences de ce marché et communiquer avec les habitants sur la meilleure solution.

On ne répètera jamais assez que la meilleure solution pour gérer un service public est la gestion directe (en régie). Jamais une telle situation ne se serait passée si le poids des intérêts privés n’avait pas pollué depuis 1986 la gestion du service de distribution du gaz et de l’électricité et de l’éclairage public.

Une histoire édifiante.

Reprenons les faits qui se sont déroulés ces dernières années et qui montrent que les responsabilités essentielles sont portées par la droite qui a cassé la régie municipale en 1986 et par le PS qui n’a jamais voulu remettre en cause cette situation. Si on avait écouté l’ADES et les élus écologistes on n’en serait pas là. Il faut tirer les leçons d’une gestion très critiquable de ce service public essentiel.

En 1986, le maire corrompu a vendu le service public du gaz et de l’électricité à la Lyonnaise des Eaux. Auparavant le service était assuré à la satisfaction générale par la Régie du Gaz et de l’Electricité de Grenoble qui s’occupait aussi de l’éclairage public. D’où la naissance dans des conditions suspectes de la SEM GEG (voir  ici).

Le contrat de concession de 30 ans devait prendre fin en 2016. Mais pour des raisons obscures la majorité Destot – Safar a décidé le 22 octobre 2012, très rapidement, sans discussion publique, de repasser un contrat de concession pour 30 ans avec GEG jusqu’en 2042 ! Cette décision est attaquée devant le tribunal administratif. Le même jour le conseil municipal décide de lancer un marché public de conception réalisation exploitation et maintenance pour 15 ans (la durée sera ensuite réduite à 8 ans) qui vient d’être traité par la Commission d’Appel d’Offres de la Ville.

Mais auparavant, Raymond Avrillier avait enfin obtenu du Conseil d’Etat un arrêt le 31 juillet 2009 qui tranchait définitivement ce que l’ADES avait toujours dit : le contrat de concession pour la distribution du gaz et de l’électricité ne peut pas mettre à la charge des usagers le coût de cet éclairage qui incombe à la ville, c’est-à-dire au contribuable. L’arrêt donnait un délai de 9 mois à la ville pour rectifier la tarification. Voici ce que dit le Conseil d’Etat :

« qu’il résulte de ces dispositions que l’avenant n° 3 (décidé par A. Carignon en 1994-NDLR) a ainsi institué, d’une part, le principe de la gratuité de la totalité de l’énergie électrique consommée par le réseau d’éclairage public de la VILLE DE GRENOBLE et, d’autre part, la prise en charge totale de l’entretien courant de ce réseau

… que la charge du fonctionnement du service d’éclairage public de la VILLE DE GRENOBLE et de son entretien courant constitue une dépense distincte de celle de la distribution aux usagers du gaz et de l’électricité et qui ne saurait donc faire l’objet d’une imputation sur les tarifs payés par ces usagers. »

Contrairement à ce que les médias expliquent, le Conseil d’Etat de juillet 2009 n’a pas intimé de sortir la gestion de l’éclairage public de la concession mais seulement de ne pas en faire supporter le coût aux usagers. Donc le choix fait par l’ancienne majorité n’était pas une conséquence du Conseil d’Etat.

Au lieu de résoudre correctement la question posée et de revoir la tarification du service de distribution de l’électricité, Destot-Safar ont bricolé un avenant au contrat (avenant n° 6 adopté le 22 février 2010) qui ne changeait rien pour la tarification, ce qui est confirmé en termes diplomatiques par la Chambre Régionale des Comptes. Cette décision est attaquée devant le tribunal administratif qui devrait un jour se prononcer (plus de 4 ans après la décision).

Il fallait, dès cette époque prendre les bonnes solutions pour l’éclairage public au lieu de bricolages inefficaces. Nous avions proposé le retour en régie de ce service. Il suffisait pour cela de réorganiser le service de l’éclairage public sous forme d’une régie qui aurait pu reprendre les personnels de GEG qui s’occupaient de cette activité en attendant la fin du contrat en 2016 pour rependre l’ensemble des personnels de GEG dans une régie à personnalité morale et de maintenir le collectif d’entreprise qui détient des compétences pour gérer ce service.

Evidemment la direction de GEG, dépendant des actionnaires privés, n’était pas favorable à examiner l’évolution nécessaire de ce service et la majorité de l’époque (PS, GO, PC) pour des raisons purement idéologiques était totalement opposée à un retour en régie.

Les syndicats de GEG n’avaient pas compris que la situation de GEG était fragile et ils pensaient que le maintien de la SEM était la garantie de la pérennité du collectif de travail, alors que le retour en régie était un moyen beaucoup plus sûr. Les services publics doivent se protéger des concurrences néfastes et acquérir les meilleures compétences pour passer les marchés dans les meilleures conditions.

Souhaitons que le tribunal administratif se prononce rapidement sur les recours, ce qui permettrait s’ils sont positifs de tout remettre à plat et de terminer cette aventure de 30 ans afin de reconstruire un service public performant au niveau de l’agglomération, service débarrassé des intérêts privés qui l’ont dénaturé.

Rappel du calendrier des décisions prises :

  • 22 octobre 2012: Délibération du Conseil municipal choisissant la procédure de dialogue compétitif, à savoir un appel d’offre pour un marché public global de type «CREM» (marché public de conception, réalisation, exploitation, maintenance), votée par les groupes PS et UMP… mais pas le groupe Ecologie & Solidarité qui proposait déjà le retour en gestion publique ; Le mauvais état du réseau d’éclairage public est reconnu : « sur un plan technique, il a été constaté un taux de vétusté du parc éclairage public supérieur à 30%, ainsi que des gisements d’économies d’énergie importants par la réalisation de travaux de mise aux normes et d’amélioration du réseau. »
  • 9 juillet 2013: Publication du Programme fonctionnel et du règlement de la consultation par la majorité sortante fixant les différents critères et leur pondération ;
  • 9 octobre 2013: sélection des candidats ;
  • 13 février 2014: Premières auditions des candidats ;

Avril 2014: Changement de majorité

  • 5 juin 2014 : seconde audition ;
  • 29 août 2014: réception des offres finales ;
  • 8 octobre2014: analyse des offres selon les règles des marchés publics, et choix voté à l’unanimité de la Commission d’Appel d’Offre (CAO) y compris par les représentants du groupe Socialiste et du groupe UMP.

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