Bibliothèques et le Canard Enchainé

Publié le 7 avril 2017

Le Canard Enchainé a publié un article le 29 mars à propos des bibliothèques à Grenoble rappelant ce qui a été décidé dans le cadre du plan de sauvegarde des services publics locaux et des contestations qui se sont développées suite à ces décisions. Le maire a répondu à cet article en rappelant dans quel contexte politique et financier les décisions sont prises, ce qu’a oublié de préciser le Canard.

« Cher Canard,

Ici à Grenoble, nous sommes nombreux à te lire. Dans notre majorité, il y a des écolos, des gens de gauche, des citoyens. Des gens unis autour d’un dessein commun, issu d’indignations, de rêves, d’une volonté collective de changer la donne dans le monde politique d’aujourd’hui et de proposer aux Grenobloises et aux Grenoblois un projet de transition démocratique, sociale, écologique, économique. Donner aux habitants de la capacité d’agir, leur permettre d’avoir un peu plus confiance dans le politique, investir dans les écoles (200 élèves de plus par an, mine de rien, ça en fait de nouvelles classes à ouvrir : 6 nouvelles écoles sont sur les rails), penser l’eau, l’énergie, le logement, les transports, la santé, l’alimentation comme des biens communs auxquels chacun doit pouvoir accéder et dont nous sommes tous collectivement responsables.

Nous l’avions aussi dit : les bibliothèques seraient une priorité à préserver. C’est pour nous une évidence : ce sont des lieux de culture, de citoyenneté, d’éducation, de partage, de débat, de lien social, et l’un des rares endroits dont les portes sont vraiment ouvertes à tous.

Et elles continuent de l’être.

Oui, nous sommes confrontés à une situation économique sans précédent, qui additionne les baisses de dotations de l’Etat (qui mettront une commune sur deux au bord de la faillite dans les prochaines années, selon l’Association des maires de France présidée par François Baroin) à une situation pas glorieuse à notre arrivée : endettement record (héritage du maire corrompu Alain Carignon), fiscalité très élevée et injustement répartie (héritage du maire glouton Michel Destot). 20 millions de baisse de recettes, c’est un mois de budget municipal sur douze. Alors nous avons cherché partout, pendant des mois, dans l’ensemble du budget municipal, les endroits où éviter les gaspillages, faire autrement, trouver des économies. En juin 2016, nous rendons notre copie, que nous retravaillons jusqu’à la fin de l’année.

Et ce mercredi, nous voici dans le Canard. Rien de faux dans l’article bien sûr – vous êtes des gens sérieux – mais tout un volet qui nous semble manquer : pourquoi en sommes-nous arrivés là, qu’est-ce qui nous anime, sommes-nous des ignares qui n’ont pas compris que les bibliothèques sont un service public fondamental ?

Alors, qu’advient-il des bibliothèques ?

Nous avons un réseau d’une densité fantastique. Plus de 190 agents y travaillent, mobilisés au plus près des usagers, avec conviction, pour que chacun accède au livre, à la lecture, à la connaissance. Deux fois plus que la « moyenne des villes de même strate », selon la formule consacrée de l’observatoire de la lecture publique. Et ça fonctionne : plus de 35 000 inscrits, c’est 22% de la population grenobloise, 5 points de plus que dans ladite « moyenne des villes de même strate ». Un million deux cent mille prêts. Pareil, le réseau grenoblois explose les scores. Plus de 800 000 séjourneurs, ces gens qui fréquentent les bibliothèques, qu’ils empruntent ou non des ouvrages.

Qu’est-ce qui change depuis juin ?

6 départs non remplacés dans le réseau des bibliothèques, une section jeunesse (baptisée « Prémol ») déplacée dans la bibliothèque Kateb Yacine, un peu plus au sud, à la frontière avec Echirolles, qui jusqu’alors ne s’adressait qu’aux adultes et adolescents, pour enfin avoir une vraie grande médiathèque tous publics. Une autre section jeunesse (baptisée « Hauquelin ») dont les activités sont reprises par la bibliothèque « Jardin de Ville » située à quelques centaines de mètres. Et puis la bibliothèque Alliance, que nous transformons. En juin, nous envisagions de fermer cette bibliothèque de quartier, moins fréquentée que les autres et pour moitié par des usagers n’habitant pas le quartier (donc avec les possibilités de report vers les autres bibliothèques du réseau les plus importantes) et de proposer aux habitants un autre projet de proximité. Mais devant les inquiétudes des usagers, des habitants et des agents, nous avons exploré toutes les pistes pour la maintenir. Pendant des semaines, nous cherchons des économies ailleurs, pour trouver les moyens de faire vivre une bibliothèque. Les services de la ville cherchent partout et réussissent à ouvrir quatre postes et aménager un budget d’acquisitions. Oui, ce sera une bibliothèque différente, avec un nouveau projet. Il y aura moins de livres, mais un système de navette pour que les usagers accèdent aux documents de tout le réseau. Le lieu sera réaménagé, sans doute avec un café, et sera ouvert à d’autres projets, que nous sommes en train de construire avec les habitants et les acteurs du quartier. Le projet devrait être présentable à l’été. Grenoble garde 12 bibliothèques, dont 7 bibliothèques de quartier. Sur 18 km², cela reste plus qu’honorable : avec ces montagnes qui nous cernent de tous côtés, la ville est regroupée sur quelques terrains de foot, la même surface que Saint-Bauzille-de-Putois ou Cousance-les-Forges quand Saint-Etienne par exemple s’étend sur 87 km².

Alors oui, il y a une mobilisation d’agents. Bien sûr, ce ne sont pas tous les bibliothécaires, mais quelques-uns, qui n’acceptent pas ces choix. Et c’est bien leur rôle d’organisations syndicales que de se mobiliser quand elles considèrent que leurs conditions de travail pourraient se détériorer.

La période que nous vivons est difficile. Et l’avenir est un gros point d’interrogation. Nous incitons d’ailleurs chacun à se pencher sur les propositions que chaque candidat aux élections qui s’annoncent formule pour les collectivités territoriales. Nous, élus, sommes persuadés que c’est à l’échelle locale que les politiques publiques peuvent se réinventer pour répondre aux chocs que traverse notre société. Aujourd’hui, dans un contexte particulièrement difficile, nous transformons nos politiques publiques pour continuer à nous projeter dans l’avenir. Et nous alertons chacun sur les conséquences dramatiques que pourraient avoir de nouvelles baisses de dotations pour les collectivités locales. »

 

 

 

 

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